CHAPITRE II : L'économie des festivals : au
coeur des enjeux du développement
territorial
et culturel ?
Introduction : « Industrie » ou «
fièvre » festivalière ? entre esprit de fête et
rentabiité
? Fièvre festivalière : esprit de
fête ou morosité
Comme nous venons de le voir dans le premier chapitre, pour la
vie culturelle et l'image de marque des villes et régions, les festivals
sont devenus incontournables.
En 30 ans, le nombre de festivals en Europe s'est
multiplié par quinze. La France est elle aussi plongée dans ce
que certains médias aiment appeler << la fièvre
festivalière >>*. Dès l'arrivée du
printemps et que les directeurs de festivals ont achevé leurs
manoeuvres, les
programmations jaillissent. La << fièvre
festivalière >> atteint son traditionnel pic en juillet : sur ce
seul mois se concentre plus du quart des 2 000 manifestations organisées
annuellement.
Mais la << fièvre festivalière >>
s'exprime aussi par l'excitation accrue des festivaliers. En moyenne chaque
année ce n'est pas moins de 5 millions de spectateurs qui sont
recensés, équivalant à des hordes de festivaliers
mélomanes -si l'on s'en tient au fait que les musiques actuelles
représentent 50% de l'offre totale des festivals en France. Pour eux, la
<< fièvre festivalière >> n'est en rien
péjorative, au contraire. L'esprit de fête commence dès le
choix du festival, le décorticage de l'incroyable programmation
nationale et les préparatifs de leur voyage, tel le début d'un
pèlerinage musical. Les retombées économiques des
festivals sur la localité n'est pas un frein aux festivités, il
s'agit simplement de la preuve de la réussite des
évènements qui s'étendent en festival off (cf.
p.52), étalant leur animation sur tout le lieu
d'accueil, produisant une foule de visiteurs et autres touristes qui
dépensent leur << budget festival >> dans les restaurants,
animations alentours, et autres commerces locaux.
* Source : IACONO AGNÈS, L'industrie
festivalière confirme son rôle moteur du développement
local, Les Echos n° 18449, 20 Juillet 2001 p. 6
? Une industrie festivalière ?
En raison des 5 millions de spectateurs annuels
mentionnés, les enjeux en termes de retombées économiques
sont considérables. Pour les organisateurs, la réussite de leur
festival signifie un équilibre artistique et économique à
assurer, mais surtout une année de travail à concrétiser.
Dans cette recherche de rentabilité permanente, peut-on parler <<
d'industrie festivalière » ? Ce terme souvent employé par
les journalistes, est certainement exagéré. Comme l'explique
Bernard Faivre d'Arcier, ancien directeur artistique du festival d'Avignon :
<< Par définition, lorsqu'il s'agit de festival de spectacle
vivant, on est en face d'un artisanat, c'est celui du
théâtre, de la danse, ou de l'art lyrique, de la musique encore.
Le spectacle vivant n'a précisément pas d'industrie qui
le soutienne. Un festival est toujours l'oeuvre de quelques personnes,
d'une petite équipe, passionnée, convaincue, et qui est attentive
à garder son âme. »*
Il est vrai qu'un festival peut se transformer au fil des ans,
et ainsi voir son projet artistique perdre en qualité et
s'évanouir. Le plus ancien, le festival d'Avignon, se voit parfois
qualifié de << supermarché de spectacles ». Ce terme
excessif démontre la confusion entre le festival in avec
l'animation spontanée qui l'entoure. Depuis longtemps s'est en effet
greffé à Avignon un important esprit d'off,
c'est-à-dire la venue en ordre dispersé d'un grand nombre de
compagnies de toutes sortes cherchant à présenter leur spectacle.
Elles profitent de l'afflux importants de visiteurs et professionnels pour
promouvoir leurs productions.
Mais il s'agit là d'un phénomène qui n'est
pas possible véritablement de maîtriser.
Ainsi, les organisateurs des festivals ne sont en rien
directement responsables de la << fièvre festivalière
» et des festivals off qui transforment leur manifestation. En
revanche, l'ensemble de la profession doit s'interpeller pour que tout cela ne
déteigne pas trop sur l'esprit de fête initial.
Enfin, il est important de noter que du point de vue de la
rentabilité, les festivals français sont bien loin d'être
les plus rentables de la planète. Si l'on devait réellement
attribuer le terme << d'industrie festivalière >, c'est le
célèbre festival anglais Glastonbury qui serait le grand
gagnant mondial : il récolte plus de 53 millions d'euros en revenus
bruts par
* Source : F.D.B., De la fonction culturelle
du festival, revue Cahier-Espace n°31, 1993
année et a versé près de 2 millions d'euros
à divers organismes de charité lors de sa dernière
édition en 2011.
? Conclusion : la question de la
rentabilité
Mais outre la question de la floraison des manifestations
festivalière et l'encombrement des festivals off, aujourd'hui
tout est question de rentabilité et cela s'accroit par la crise
économique. Est-ce que les festivals sont enclins à cette
contrainte ? Est-ce qu'ils risquent eux aussi, de se plonger dans une recherche
permanente de recettes et ainsi de risquer de perdre leur principale
spécificité, leur esprit de fête ?
La rentabilité économique n'est pas une
priorité des festivals, étant donné qu'ils sont
organisés en grande partie par des passionnés. Mais
évidemment, c'est une question indéniable pour toute organisation
ou manifestation : les festivals n'en restent pas moins une activité
à haut risque et il faut bien des fonds financiers pour le monter.
Par ailleurs, l'économie des festivals peut être
critiquée, mais elle contribue énormément au
développement territorial. Et c'est ce que nous allons développer
durant ce chapitre, en nous questionnant en premier lieu sur l'impact des
festivals sur l'économie locale. Puis nous verrons que les festivals
sont une véritable dynamique en matière d'emplois, question
cruciale actuellement au sein de notre société en crise. Enfin,
nous analyserons le tourisme culturel. Indéniablement, le
développement touristique est une notion financière importante
pour une région qui se doit d'être en constante recherche de
nouvelle animation pour les attirer.
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