1.2 Les politiques culturelles et les
inégalités sociales d'accès à la culture
: démocratisation, populations rurales et festivals de «
diffusion »
Suite à la seconde décentralisation de 2003, le
ministère de la Culture et de la Communication est donc toujours aussi
soucieux des inégalités géographiques de la culture. Mais
qu'en est-il des inégalités sociales ?
La démocratisation découle logiquement de la
décentralisation qui, en équilibrant les installations
culturelles sur le territoire, réduit les inégalités et
accélère le processus d'accès à la culture.
Contrairement à la décentralisation, la démocratisation de
la culture ne se limite pas au coût des démarches à
envisager. En effet elle comprend des enjeux plus qualitatifs que la
décentralisation : les politiques culturelles ont plus
concrètement une véritable responsabilité envers les
populations rurales dites << isolées » concernant
l'amélioration de leur cadre de vie.
? Le ministère et la démocratisation de la
culture
L'État entend par l'appellation démocratisation
culturelle << un accès facilité à l'offre culturelle
afin que les publics et les jeunes en premier lieu, s'approprient les oeuvres,
fréquentent les structures, rencontrent des artistes, et se livrent
à des pratiques artistiques dans le cadre de projets spécifiques.
»*
En somme, une des principales missions du ministère
français de la Culture depuis sa création est de promouvoir un
meilleur accès à la culture : << Le ministre de la Culture
a pour mission de rendre accessibles au plus grand nombre les
oeuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au
plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus vaste
audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création
des oeuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent.
»*
En février 2012, le ministre de la Culture et de la
Communication, Frédéric Mitterrand, déclare souhaiter
<< renforcer le partenariat avec les collectivités territoriales
sur les politiques de démocratisation culturelle et d'accès de
tous à la Culture, quand elles s'illustrent dans des projets
portés par des opérateurs professionnels artistiques et culturels
engagés dans cette dynamique de territoire. »* Par
ailleurs, pour répondre aux objectifs du contrat territorial 2011-2013,
il reconnaît que << les publics les plus éloignés de
l'offre culturelle [sont] considérés comme prioritaires.
»*
* Source :
http://www.culturecommunication.gouv.fr
? Le retrait de l'Etat : les festivals ne sont plus une
priorité du ministère
Pour le ministère, il faut donc favoriser la diffusion
sociale de la culture. Mais concrètement, l'État est de moins en
moins présent au sein des projets culturels basés sur le
développement du territoire.
Bien que l'État n'ait plus beaucoup de monopole en
matière d'expertise artistique, pour les festivals comme pour les autres
domaines de la culture, il reste très attendu et son rôle au sein
du milieu culturel et l'éventualité de son effacement engendrent
de vifs débats.
Les politiques cultuelles sont en effet confrontées
à la peur du retrait de l'État. Par sa Directrice Nationale
d'Orientation -dit D.N.O., il a déclaré en 2003 ne plus tenir les
festivals comme priorité du ministère. Pourtant, l'intervention
de l'État a toujours été considérée comme
capitale et ce depuis l'essor des pouvoirs locaux dans les politiques
culturelles. La reconnaissance de sa simple présence signifie
énormément pour les professionnels, par l'influence que les
conseillers du ministère exercent même minoritaire, sur la prise
du risque artistique et la pertinence des choix de programmation. Surtout
l'effet de levier qu'elle procure sur la décision des élus. Il
faut en effet mentionner ce point : organiser et monter un festival en milieu
rural même en s'appuyant sur le développement local,
présente de nombreux risques. (cf. partie 3.1
et
p.54)
Enfin les festivals sont, pour reprendre l'expression
d'Emmanuel Négrier, les « fils adoptifs »* de
la décentralisation. Ainsi, la décision de la D.N.O. de ne plus
les considérer comme une priorité du ministère
s'avère paradoxale au fait qu'il soit des solutions efficaces
pour les politiques culturelles d'aménagement du territoire.
? Les festivals et la démocratisation de la
culture
En effet, les festivals répondent à la
définition de la démocratisation de l'État
-citée précédemment- en permettant à des
populations excentrées d'assister à des représentations
artistiques bien qu'elles ne disposent pas d'un accès à des
structures
* Source : NÉGRIER Emmanuel, Les
Nouveaux territoires des festivals, Deuxième partie : Les
partenariats des festivals, p.86
culturelles permanentes. Typologiquement, ces festivals
s'inscrivent dans la catégorie de
« festivals de diffusion. » (cf.
déf. termes
)
Pour les collectivités territoriales, les festivals se
présentent comme une << parade », étant donné
qu'elles ne peuvent pas se soucier de toutes les populations dont elles sont en
charge sur leur territoire. L'attractivité des festivals permet de
réunir plusieurs populations au cours du même
évènement et ainsi de faire profiter d'une animation culturelle
à un plus grand nombre. (cf. partie 2.2 et 7.2)
Un festival a plus de pouvoir en termes d'implantation
qu'une collectivité territoriale. Bien que les politiques
culturelles fassent des populations isolées leur priorité, la
collectivité est dans l'obligation de faire des choix quant au lieu ou
à la population les plus propices à bénéficier
d'une offre culturelle. Cela va de pair avec le fait qu'une installation et une
action culturelles ont un coût. Elle doit donc extrêmement cibler
les attributaires en fonction des demandes, enjeux et de l'estimation des
retombées économiques.
Il faut tout de même faire preuve de relativité :
un festival ne peut pas s'implanter n'importe où. (cf. partie
3.1) Mais il a le mérite de pouvoir s'appuyer plus
aisément sur le patrimoine, le tourisme, le cadre du lieu et ainsi de
pouvoir s'insérer dans des lieux plus excentrés.
Par son caractère évènementiel et festif, sa tarification
intéressante et sa mobilité en termes d'installation, il fait
preuve d'une attractivité unique et ainsi un fort pouvoir de
convivialité. Il se présente comme moins << austère
» auprès des populations isolées -et donc moins
sensibilisées- qu'une installation culturelle permanente. Par ailleurs,
il est important de noter que les collectivités ne se chargent pas
elles-mêmes de l'organisation de festivals au sein de leur territoire. En
revanche, elles sont bien conscientes de leurs apports en termes de
développement local et peuvent faire preuve de l'initiative de la
création d'un festival en faisant appel à une association
culturelle ou tout autre organisme extérieur compétent pour
réaliser le projet artistique et la manifestation souhaités. (cf.
partie 6.3)
En règle générale les festivals ont su
s'affirmer par leur côté exceptionnel, comme des moyens
d'accès à la culture tout à fait originaux et pertinents.
Au-delà de leur tarification attractive et de leur caractère
festif, ils contribuent à faire baisser l'élitisme
fortement présent au sein de la culture. Par leur
capacité d'organiser des spectacles dans
des lieux qui n'ont pas cette vocation, ils incitent un public ne
fréquentant généralement pas les équipements
traditionnels à venir y assister.
Ainsi par ce décloisonnement, les habitués et les
non habitués se trouvent sur un pied d'égalité.
Tout au long de ce mémoire, nous nous baserons sur
cette notion de démocratisation afin de démontrer que les
festivals sont des vecteurs de développement du milieu rural. Nous
constaterons qu'ils disposent d'un grand nombre d'initiatives d'accès
à la culture au sein du territoire, entre autre par leur contribution
à l'éducation de son jeune public (cf. partie
7.3), par leur influence sur la vie culturelle locale souvent
à l'origine d'une véritable effervescence, ou encore par le
prolongement de leur animation ponctuelle souvent la cause de création
d'équipements permanents. (cf. p. 81)
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