III-2- Cadre de référence
théorique
On élabore une théorie scientifique afin de
rendre plus explicite le travail. Ainsi la théorie est définie
par le professeur MBAYA comme « une présentation cohérente
et logique d'un ensemble des lois et principes rattachés à un
phénomène global saisi dans la diverse
particularité.»
Sans une théorie explicative, la vie en
société serait toujours à un stade traditionnel, il serait
impossible de voir clair dans la façon de voir les choses en
société et d'exprimer nos besoins. Pour rendre claire
l`idée de la thèse, on défini la théorie avec
Foulquier G comme « une construction intellectuelle par laquelle un
ensemble des lois particulières sont rattachées à un
principe qui les expliquent, les justifient et elles peuvent être
réduite logiquement » Cette définition, disons lorsqu'on
parle d'une théorie scientifique il y a les éléments
ci-après :
- Elle est par nature le résultat d'une recherche,
d'une observation systématique et méthodique sur le
phénomène de même nature ou sur le fait global ;
- Elle doit être vérifiable par d'autre et
communicable ; - Elle part d'un fait et explique le fait ;
- Elle s'exprime en de terme clair, précisant
ambiguïté et cela défini à l'avance.
Dans le cadre de ce travail on a fait appel aux théories
fonctionnalistes
=`Ce sont, les théories dans ce cas précis de la
recherche les plus appropriées dans les explications du
phénomène de dysfonctionnement économique comme la
contrebande, la fraude et la corruption etc., aux théories de la
régulation et certaines théories socio criminelles du crime afin
de rendre plus scientifique l`étude.
Ces différentes théories portent un
intérêt sur les motivations des individus, sur leurs besoins, au
détriment de questions plus fondamentales telle que la survie de la
société son adaptation à l'évolution. Il n'y a pas
que les hommes qui ont des besoins, tout système a des « besoins
» et c'est en fait ses membres qui ajustant leurs comportements en
conséquence. Ce qu'il faut expliquer, c'est comment fonctionne ce
système, c'est comment s'ajustent les comportements des uns par rapport
aux autres. La question des fonctionnalistes n'est donc pas celles des
individus dans l'organisation, mais celle de la survie de l'organisation dans
un monde qui change et de la façon dont s`adaptent les personnes. Ce qui
est vrai pour l'individu est aussi vrai pour les structures. Elles sont une
réponse aux attentes, à ce que la société demande
en traduit en termes de valeurs.
1-Les théories fonctionnalistes
Elles interprètent la contrebande comme un
phénomène de
dysfonctionnement du système socio-économique ;
ou des personnes profitent de l`économie et de la société
sans y apporter en retour quelque chose dans son équilibre
fonctionnel.
Jean-Louis Rocca reconnaît la nature systémique
de la contrebande, mais souligne son caractère fonctionnel, qui permet
de surmonter un marché segmenté et de redistribuer les profits
parallèles au niveau local, au niveau de l`unité de travail ou
à travers les réseaux traditionnels des relations. « Pour
les officiels, la contrebande est le prix à payer afin de gagner le
respect de leur pouvoir et de maintenir des relations
néotraditionnelles. » IL serait essentiel pour les cadres de
redistribuer l`ensemble ou une partie des profits de la contrebande, afin de
couper court à d`éventuelles dénonciations de leurs
subordonnés ou de leur clientèle. La lutte contre la contrebande
est elle-même aperçue sous l`angle instrumental ! Les
autorités centrales tentant de canaliser le mécontentement
populaire par rapport à la contrebande. Une lutte réelle contre
la contrebande menacerait la croissance économique fondée sur
l`informalité, sur « la superposition entre le public et le
privé, le politique et l`économique, le légal et
l`illégal, le légitime et l`illégitime ».
La contrebande est ainsi envisagée comme un mode de
régulation du processus de transition où le pouvoir est
censé instrumentaliser la contrebande en « corrompant » tout
le monde, du haut en bas de l`échelle, dans la sphère
économique de l`utilité, et instrumentaliser la lutte contre
celle-ci afin de régler les comptes entre diverses factions dirigeantes.
Ce point de vue à la fois fonctionnaliste et culturaliste est
utile pour comprendre la tolérance publique
vis-à-vis de la contrebande, mais il doit Otre articulé avec ses
enjeux économiques si l`on veut comprendre la dynamique du
phénomène. Entre la contrebande « blanche »,
liée à l`économie informelle et universellement
acceptée, et la contrebande « noire », impliquant le trafic
d`influence et universellement condamnée, il existe en effet toute une
zone de corruption « grise » impliquant l`échange
indirect de pouvoir contre de l`argent, qui favorise l`économie
spéculative avec la participation active des ménages ne
possédant pas de pouvoir politique (le marché boursier est le
principal véhicule de ce phénomène et la correction des
cours pourrait révéler brutalement qui sont les éternels
gagnants du grand jeu). Il existe, à l`évidence, un certain
degré de corruption indispensable pour légitimer les pratiques
informelles et illégales, mais il ne faut pas perdre de vue que les
profits de la contrebande suivent la pyramide hiérarchique, qu`ils sont
très concentrés, comme le montre la concentration de
l`épargne privée, tandis que ses coûts sont dilués
dans l`ensemble de la société. Si l`on s`en tient qu`à la
sphère de l`utilité, il est clair que l`opinion publique ne
réagit pas tant que la dilution des coûts semble
légère au regard des bénéfices de la croissance
économique Cf. Yves Mény, dans La Corruption internationale,
colloque (...)
La contrebande est ainsi perçue comme le prix
inévitable du dynamisme économique dans la période de
transition, mais quand ses coûts en viennent à excéder ses
bénéfices, il faut s`attendre à de fortes
réactions.
L`analyse fonctionnaliste de la contrebande est souvent
mOlée à des interprétations culturalistes qui tendent
à confiner les Etats à une dimension locale, envisagée
comme le niveau le plus concret de la réalité. Bien que le
processus de transition s`accompagne d`une restructuration des formes de
domination traditionnelles au niveau de
l`unité de travail et au niveau local, à travers
les réseaux de relations et le clientélisme, on ne peut
guère réduire la tradition des Etats à cette dimension,
sans quoi il n`y aurait pas de parti État... En Cote d Ivoire comme
ailleurs, le monopole de la violence et de l`extraction fiscale est
fondé sur la croyance collective ou la prétention d`incarner un
idéal de bien public qui, dans la tradition, prend la figure de
l`administrateur intègre ou de l`empereur vertueux, représentant
l`intérOt public (bonne gouvernance) par opposition aux
intérêts privés (népotisme et
clientélisme). La tradition en Cote d`ivoire, comme toute grande
tradition, est conflictuelle, officielle et non officielle, et plus
précisément, pour le sujet qui nous concerne, locale et
centrale. C`est ce caractère conflictuel qui lui a permis de survivre
à travers les siècles, d`échapper aux pièges de la
centralisation fossilisante ou du démembrement localiste.
La lutte contre la contrebande constitue donc un enjeu
symbolique essentiel en termes de légitimité, sur lequel le
pouvoir ne peut se dispenser d`agir. Or toute action en ce sens, dans le cas
ivoirien, menace une série d`intérOts particuliers
créés par la décentralisation, au nom des intérOts
supérieurs de l`État. Pour comprendre ce point de vue, il faut
entendre la décentralisation au sens large, comme une
délégation du pouvoir économique non seulement à
des autorités territoriales (provinces, préfectures,
municipalités, districts), mais aussi à des monopoles sectoriels
(comme par exemple les corporations d`importexport) et à des
institutions centrales comme l`armée, la police, et le système
judiciaire. Selon l`analyse de Jacques Andrieu, qui fournit de nombreux
exemples du processus de corruption et de criminalisation, la formation d`une
économie communautariste au niveau local, sectoriel et institutionnel
serait responsable de l`extension du phénomène. Dans la mesure
où les identités et l`appartenance à des groupes sont les
seuls critères régulant les relations sociales (les
réseaux familiaux, religieux,
régionalistes ou clientélistes marquant les
limites entre la sphère sociale de la proximité et la
sphère anonyme et abstraite de la citoyenneté), le " bien public
» se présente comme un objet impersonnel et
désincarné, juste bon " à être pris par tout le
monde, puisqu`il n`est attribué à aucune personne, individuelle
ou morale, discernable ». De nouveaux codes de proximité et de
réciprocité abolissent la distinction entre la sphère
publique et la sphère privée, constitutive de l`État
moderne, et contribuent à sa déliquescence. La Côte
d`Ivoire renoue ainsi avec son histoire coloniale, où le problème
de l`État « n`était pas d`étendre sa
souveraineté sur les individus, mais de soumettre des communautés
organiquement liées à son pouvoir et de les faire coexister au
sein d`une entité, la Côte d`Ivoire, qui n`est devenue nationale
que depuis un peu moins d`un siècle ». En d`autres termes, le
problème ne serait pas de construire un réel État moderne,
mais de maintenir sa capacité de régulation sur le processus de
corruption et de criminalisation dirigé par des communautés
décentralisées aussi longtemps qu`il reste économiquement
positif, en évitant les écueils d`un laxisme excessif envers la
prédation ou d`une rigidité bureaucratique tuant la poule aux
~ufs d`or.
Cette vision a l`avantage de clarifier la rationalité
de la corruption et de la criminalisation au niveau décentralisé,
tout en introduisant sa dynamique de régulation (et pas
nécessairement d`instrumentalisation) au niveau central. En insistant
sur la puissance des solidarités familiales, claniques, locales ou au
niveau des unités de travail, sans pour autant la lier à la
redistribution automatique de la majorité des profits parallèles,
ce qui n`est certainement pas le cas, elle permet d`appréhender la
légitimité de la corruption et même de la criminalisation
au niveau local, les solidarités de proximité étant plus
prégnantes que l`abstraction d`une « citoyenneté » par
ailleurs vécue très concrètement comme une
sujétion.
Ce modèle reste toutefois assez statique au niveau
central, l`oligarchie à l`ivoirienne y est envisagé comme un
ensemble monolithique incapable de s`adapter à des situations nouvelles.
La flexibilité étant réservée à
l`échelon local. En réalité, la situation est beaucoup
plus conflictuelle et ouverte. D`une part, le processus d`appropriation et mOme
de pillage des actifs publics ouvre la voie à une compétition
féroce entre diverses institutions et chasseurs de rentes, tandis que le
problème de la contrebande, comme on l`observe ailleurs, peut Otre
instrumentalisé à un niveau sans précédent dans la
compétition politique entre diverses factions dirigeantes. D`autre part,
l`appareil d`État central ne peut être totalement corrompu et
criminalisé, sans quoi sa légitimité serait ouvertement
mise en cause par des pouvoirs locaux liés au crime organisé.
Pour comprendre la structuration de nouvelles formes de «
légitimité criminelle », il faut revenir sur la relation
entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux, qui s`avèrent
historiquement décisive dans la formation des mafias. Comme le montre
l`exemple de l`Italie du Sud, le pouvoir central délègue
officieusement une part de sa souveraineté à des élites
traditionnelles et clientélistes, qui tout en assurant de concert avec
les autorités officielles les tâches d`arbitrage et de maintien de
la loi et de l`ordre, Cf. Pino Arlacchi, Mafia et Compagnie : l`éthique
mafiosa...
Ce modèle est souvent pertinent pour les
sociétés démocratiques comme le Brésil, avec le
trafic de cocaïne dans le bassin amazonien Cf. les rapports de mission de
Christian Geffray (ird), mais il peut atteindre des dimensions
systémiques dans certaines sociétés d`Asie du Sud-Est en
voie de démocratisation. Carl A. Trocki a montré que la politique
locale en Birmanie, en Thaïlande et aux Philippines est ou a
été dominée par des individus violents, meurtriers ou
assassins par procuration, « des
gangsters assez particuliers... impliqués dans la
drogue, la prostitution, le jeu et l`extorsion Cf. Carl A. Trocki, Ed.,
Gangsters, Democracy and the State ou délinquants, démocratie et
Etat. La Côte d`Ivoire en général et le district d`Abidjan
en particulier, semblent assez loin de ce cas de figure où les criminels
pourraient accéder au pouvoir, mais par contre assez proche de la
situation inverse, où le pouvoir, et spécialement le pouvoir de
coercition, donne accès aux profits du crime.
Avec la reconversion idéologique de la bureaucratie
vers le nationalisme, et sa reconversion économique par l`appropriation
et la valorisation des actifs publics, la décentralisation n`a pas
supprimé les monopoles, elle les a démultipliés. Dans leur
nouvelle peau de managers, les autorités locales, les autorités
centrales disposant d`un monopole, ou mOme certaines institutions centrales
comme l`armée, la police armée, la sécurité
publique et le système judiciaire ont tendance à maximiser les
profits des activités économiques sous leur tutelle en limitant
toutes les formes de concurrence. Or la mise en ~uvre d`une réduction
volontaire de la concurrence suppose, l`existence de réseaux
administratifs coercitifs (fiscaux, douaniers, policiers, etc.) souhaitant
tirer profit de cette politique. Ces réseaux assument à la fois
des fonctions de régulateurs, de gardiens et de chasseurs de rentes, et
leur emprise s`exerce aussi bien dans le champ de l`économie illicite et
criminelle.
On peut donc appliquer ce schéma à
l`économie illicite et criminelle en utilisant la classification des
profits souterrains faite dans le célèbre ouvrage de He Qinglian,
Cf. Xiandaïhua de xianjin: dengdaï Zhongguo de jingji...
Les principales sources de profits criminels sont donc la
contrebande, l`émigration clandestine, le trafic de
stupéfiants, la prostitution, le trafic d`Otres humains, le jeu, la
contrefaçon, y compris la contrefaçon de
monnaie et de documents. À la trilogie traditionnelle
des profits criminels qu`on retrouve ailleurs, notamment la prostitution, le
jeu et le trafic de stupéfiants, le district d`Abidjan ajoute la
contrebande, le trafic d`Otres humains et la contrefaçon à son
actif. Bien qu`il soit par définition difficile d`évaluer ces
profits, il est clair que l`économie criminelle s`est
développée à un niveau sans précédent dans
les années quatre-vingtdix, au point de représenter une part non
négligeable de l`économie souterraine.
Ce climat général est favorable à la
"collusion entre les policiers et les gangsters», "les gendarmes et les
voleurs» (que l`on retrouve aux frontières du pays et aux
entrées routières du district, où certains grands
trafiquants ont pu s`entourer de policiers comme complice de leur
activité). En Côte d`ivoire, où l`on peut se procurer
librement des équipements et des uniformes de police de nos jours du
fait de la guerre, cette collusion s`incarne dans les « faux policiers
», souvent dénoncés dans les médias, qui rackettent
les citoyens ordinaires.
Cette situation peut-être due aux effets pervers de la
crise politicomilitaire et de la gestion de l`ordre public, qui a conduit
à la prolifération des milices armées locales, sans parler
du problème du recrutement. La Sécurité publique a
découvert que certains de des nouvelles recrues étaient
auparavant impliqués dans des conflits entre bandes rivales, dans le vol
etc. Et qu`une majorité de jeunes chômeurs avaient
intégré ses rangs sans passer par les procédures
habituelles d`examen. Aussi le gouvernement devrait décider sous peu, de
"remettre en ordre les forces de l`ordre», afin de réduire
l`insécurité et d`améliorer la réputation de la
police, de la gendarmerie et de la douane. Mais cela ne renverse pas
réellement les tendances dénoncées fréquemment dans
la presse. Selon certains Quotidiens, par exemple, <<Ici, un
marché de médicaments de contrebande (Adjamé-Roxy) ,
opérant sans licence est installé pas loin
d`un commissariat à Adjamé>>. A Roxy on
peut parler d`une usine à ciel ouvert de cigarettes, d`alcool de
médicaments prohibés et de diverses marchandises de contrebande.
Les activités de contrebande et de revente des marchandises
illégalement introduites sont menées au grand jour, devant les
départements censés représenter la loi. Ces exemples sont
plus courants. Comme l`explique crûment des agents de la
sécurité publique « Il y a trop d`affaires criminelles
embarrassantes. Et l`on prend trop de risques? si les enquOtes sont
menées sérieusement>>. Ces risques ne sont pas à
prendre à la légère, si l`on s`en tient à la
demande de certains officiels, qui ont souhaité d`une même voix
que les unités chargées de la lutte contre la contrebande et la
corruption par la Cour suprême et celles subordonnées du parquet
soient équipés de gilets pare-balles. On touche ici au cur de la
relation entre contrebande et criminalisation. L`économie criminelle
fournit différents services illégaux à des particuliers.
Elle corrompt afin d`obtenir l`impunité et d`asseoir sa
légitimité, mais elle a besoin de la violence ou de la menace
pour éliminer la concurrence sur les marchés illicites ou
neutraliser la menace de châtiment. La corruption ou la redistribution
des profits criminels, la « promesse d`un bien », selon la
formulation de Christian Geffray, alterne avec la violence ou « la menace
d`un mal » comme moyen indispensable de son développement et de sa
« légitimité » locale.
Mais quand la structure des profits criminels est strictement
régulée par les représentants de l`État à
tous les niveaux, qui disposent du monopole de la violence, le recours à
la violence pour instaurer un monopole territorial sur les marchés
criminels n`est plus indispensable, comme on l`a vu dans la sphère
légale, et le degré de criminalisation peut même
progresser dans un contexte général de pacification des
relations
sociales... à condition de ne pas remettre en
cause la stabilité économique. Dans le cas Ivoirien en
général et du district d`Abidjan en particulier, la trilogie
traditionnelle des profits criminels-trafic de drogues-de marchandises
diverses, jeu et industrie du sexe au sens large n`affecte pas
l`équilibre général, mais on ne peut pas en dire autant de
la contrebande et de la contrefaçon. Les douanes estiment leurs pertes
annuelles dues à la contrebande à 15 milliards de franc Cfa, soit
plus du dixième des importations ivoiriennes, Cf. <<Rapport des
douanes ivoiriennes 2007>>. Mais, selon un rapport plus récent de
2001 à 2008, on a recensé de 420 affaires de contrebande
représentant au total 130 milliards de francs Cfa, un montant qui
recoupe la précédente estimation. Les missions diplomatiques et
commerciales ivoiriennes à l`étranger seraient responsables de
130 cas, évalués à 60 milliards francs Cfa. La contrebande
ne concerne pas seulement les voitures, mais les produits pétroliers,
chimiques, électriques, les marchandises, les équipements divers.
En cinq ans, de 2004 à 2008, certains ministères auraient
importé sans droits de douane 753 véhicules représentant
19 milliards de francs Cfa. Les principaux centres de contrebande sont : pour
Côte d`Ivoire surtout les zones d`entrées frontalières
routières et les voies maritimes. Pour le district d`Abidjan les
différents corridors routiers et les espaces fluviaux.
Les pratiques de la contrebande sont donc liées aux
opérations des certaines sociétés en Côte d`ivoire.
Mais hormis celles-ci, la fiscalité, qui a autonomisé les
sociétés locales en les poussant à réduire leurs
coûts et à augmenter leurs profits, a conduit parfois des
compagnies en difficulté à s`engager dans la contrebande de biens
de consommation ou de production. L`industrialisation de la contrebande a ainsi
créé progressivement les fameux « canaux gris » de
distribution, qui distordent la concurrence à leur profit. Il est
très difficile pour les
opérateurs locaux ou étrangers dans le district
d`Abidjan de les ignorer et de rester à l`écart, quand leurs
concurrents payent seulement 5 % de droits de douane et qu`ils doivent en
acquitter 30 % Cf. revue économique de l`UEMOA, 5 décembre 2006,
p. 63. Avant la crise ivoirienne, ces canaux, qui étaient
financés par la sous facturation des exportations,
réinvestissaient leurs capitaux fugitifs en Côte d`ivoire sous la
forme de « faux investissements étrangers », de façon
à bénéficier des exemptions fiscales et douanières
réservées aux sociétés mixtes. Mais, depuis 1997,
les canaux gris ont été de plus en plus utilisés pour
introduire en contrebande des marchandises d`Asie du Sud-est, de Corée
et du Japon, dont la compétitivité avait été
stimulée par la dévaluation de la monnaie locale (franc Cfa). En
1997, selon des sources officielles, plus de 1000 voitures et motos ont
été introduites en contrebande en cote d`ivoire, soit environ un
quart des ventes des sociétés mixtes étrangères du
secteur automobile. L`extension de la contrebande a affecté des secteurs
entiers de l`économie comme l`automobile, dont les prix ont
baissé de 20 %, l`industrie électronique et l`industrie
pétrolière. La contrebande a exacerbé les tendances
déflationnistes dues à la baisse de la demande et aux
inégalités croissantes, et créé un avantage
compétitif pour les sociétés qui utilisaient les canaux
gris.
L`impact macro-économique des réseaux de
contrebande, fondé sur l`utilisation de nouvelles opportunités
dans un contexte d`impunité durable, nous permet de comprendre
l`interdiction de toutes les activités économiques des forces
armées, de la police armée et du système judiciaire
L`extension de la contrebande et la campagne à laquelle
elle donne lieu, en visant des dirigeants au plus haut niveau, est
finalement la meilleure
illustration des liens entre la décentralisation, la
corruption et la criminalisation.
EN SOMME:
Les interprétations fonctionnalistes et culturalistes
sont certainement utiles pour comprendre l`ancrage et l`acceptation de ces
phénomènes. Mais elles laissent en même temps de
côté ses dimensions politiques et éthiques, qui sont aussi
constitutives de la tradition et de la culture ivoirienne. Ces dimensions
peuvent expliquer le processus actuel de recentralisation, qui concerne
essentiellement la délégation de certains pouvoirs
économiques à des appareils centraux comme l`armée, la
sécurité publique, les douanes et le système judiciaire.
La nouvelle offensive contre la corruption et la criminalisation diffère
des précédentes dans le sens où elle implique une
recentralisation, une affirmation de la souveraineté de l`État
central sur des organes clés qui sont censés incarner son
autorité en coordination avec l`appareil du parti État. Si le
système étatique ivoirien actuel n`offre pas de
possibilité à des criminels (trafiquants,
proxénètes ou contrebandiers) d`accéder à de hautes
fonctions, comme au Brésil, en Thaïlande ou en Inde Cf. N. K Singh,
The Politics of Crime and Corruption ou les politiques du crime et de la
corruption.
Il offre en revanche des opportunités aux
représentants de l`État de contrôler et de tirer profit des
activités criminelles, comme au Mexique Cf. Jean Rivelois, Drogue et
pouvoirs: du Mexique aux paradis...
Il n`est donc pas surprenant que la campagne actuelle contre
la corruption et le crime organisé et la moralisation de la vie publique
puisse remonter au plus haut niveau. Cela ne signifie pas pour autant qu`elle
sera conduite jusqu`à son terme, pour les raisons de stabilité et
de survie que nous avons notées. Quelle que soit l`issue de ce combat
douteux, la question de la corruption, de la contrebande et de
la criminalisation restera une donnée centrale de la
société et du débat politique ivoirien. Et ceci, mOme dans
l`hypothèse d`une transition politique marquée par l`instauration
d`un régime plus démocratique et présidentiel, comme dans
les démocraties modernes, où ces problèmes durables se
situent au cur du débat politique.
La théorie fonctionnaliste comporte trois types de
spécification :
les spécifications d`entrées (input),
les spécifications qui stipulent le genre de choses qui causent les
états mentaux chez les personnes;
les spécifications des états internes qui
décrivent les interactions causales des états mentaux;
les spécifications de sorties (output) qui
disent quels genres d`action ou de comportements sont causés par les
états mentaux.
La machine de Turing est un exemple (abstrait) de machine qui
peut fonctionner selon ce modèle. Un distributeur de cannettes
fonctionne ainsi: il réagit aux inputs (on lui donne 50
centimes ou un euro), et, en fonction de ceux-ci, délivre la cannette ou
attend plus de sous.
Selon John Searle, qui s'oppose, d'une certaine façon,
à l'interprétation d'Hilary Putnam selon laquelle le
fonctionnalisme serait compatible avec une thèse dualiste sur les
états mentaux et les états physiques, le fonctionnalisme est au
contraire nécessairement un physicalisme :
« Aucune de ces causes et de ces effets ne doivent
être conçus comme comportant un élément mental. Ce
ne sont que des séquences physiques. Le fonctionnaliste insiste pour
qu`on comprenne bien qu`il ne dit pas qu`une croyance est un état mental
irréductible qui, en plus a les relations causales qui sont les siennes,
mais plutôt qu`une croyance ne
consiste qu`en ce qu`elle a ces relations causales. Une
croyance peut consister en un paquet de stimulations neuronales, ou dans le
niveau de tension électronique d`un ordinateur, ou encore dans la vase
verte du Martien, ou quoi que ce soit d`autre, pourvu qu`elle fasse partie du
bon schéma des relations de causes et d`effets. Une croyance, donc, ce
n`est qu`une chose, un X, faisant partie du schème de relations
causales, et elle est telle du fait qu`elle se situe à tel et tel
endroit dans le schéma de relations causales.»
Dans cette mesure, le fonctionnalisme s'apparente à un
behaviorisme méthodologique: contrairement au behaviorisme ontologique,
il n'affirme pas qu'il n'y ait pas d'états mentaux. Mais, de même
que le behaviorisme méthodologique, il laisse de côté les
aspects subjectifs, qualitatifs, des états mentaux (ou qualia),
c'est-à-dire l'ensemble des expériences subjectives qui peut
faire l'objet, par exemple, d'un poème ou d'une déclaration
amoureuse, ou du simple fait d'aimer telle couleur. On parle ainsi de «
fonctionnalisme de la boîte noire ».
Dans la théorie fonctionnaliste, ce sont les
nécessités techniques (et non politiques) d'une
société complexe qui favorisent la coopération. En
d'autres termes, les problèmes qui dépassent les
frontières d'un Etatnation, ou ses capacités, entraînent
mécaniquement la création d'institutions internationales ou
supranationales appropriées. La clé pour l'intégration est
le bien-être social, qui est supposé être assuré plus
efficacement par des institutions supranationales. Les fonctionnalistes
considèrent en effet que le gouvernement part des politiques dans le
cadre de l'Etat-nation amène à privilégier la lutte pour
le pouvoir sur le bien-être social. L'État est ainsi
considéré comme une institution imparfaite qu'il s'agit de
démembrer progressivement de ses capacités,
avec l'objectif final de diminuer la conflictualité
interétatique afin d'arriver, à terme, à
l'élimination de la guerre .
Les organisations internationales dans les domaines techniques
(comme l'Organisation internationale du travail, l'Union postale universelle,
l'Organisation mondiale de la santé, etc.) illustrent la théorie
fonctionnaliste.
La théorie fonctionnaliste adopte une perspective dite
bottom-up (du bas vers le haut): cela signifie que les
nécessités de la base entraînent la création
d'institutions au sommet pour satisfaire ces nécessités. Elle se
concentre sur les aspects de spillover ou d'engrenages
(représentés par exemple par la construction progressive de la
Communauté européenne) et sur la question du transfert de
loyauté des citoyens vers les organisations inter- ou
supranationales.
Le fonctionnalisme avant 1990
Jusqu`au début des années 1990, les
théories fonctionnalistes ont dominé l`analyse de la corruption
dont la contrebande est l`un des aspects en sciences politiques comme en
sciences économiques. Elles présentent la contrebande comme un
moyen efficace de contourner des réglementations ou des
procédures administratives lentes ou tatillonnes, permettant ainsi le
développement politique et économique Leff, (1964) ; Huntington,
(1968). Ainsi, en sciences politiques, la contrebande est parfois
considérée comme un élément facilitant le
développement des partis politiques, encourageant la participation et
facilitant la création d`un environnement politique stable. La
contrebande est généralement perçue comme augmentant la
loyauté et la confiance des citoyens dans le système politique
BAYLEY, (1967) ; Huntington, (1968); Merton,
(1968). LECLERQ (1989) affirmait que la contrebande agit comme
de l`« huile dans les rouages », qu`elle est un substitut à la
participation directe au pouvoir et qu`elle constitue un ciment entre
l`élite et les partis politiques et améliore l`efficacité
avec laquelle le pouvoir est exercé.
Cette conception de la contrebande a également
été reprise et développée en sciences
économiques. En effet, la contrebande a longtemps été
présentée comme un élément permettant de compenser
le fonctionnement déficient des institutions publiques.
LEFF (1964) et Huntington (1968) soutiennent que la
contrebande favorise l`efficacité économique en dépassant
les rigidités imposées par les gouvernements.
Selon ces auteurs, la contrebande faciliterait de manière
générale la vie économique en « huilant les rouages
».
Cette idée a été reprise et
développée. Aussi, de nombreux travaux théoriques montrent
que la contrebande est un vecteur d`efficacité. Par exemple, Beck et
MAHER (1986) et Lien (1986) mettent en évidence, dans le cadre de
l`allocation d`un contrat gouvernemental, qu`attribuer le contrat à
l`entreprise qui offre le pot-de-vin le plus important conduit à
sélectionner la firme la plus efficace.
En effet, ils montrent, dans un jeu en information imparfaite,
que c`est la firme aux coûts les plus faibles qui peut offrir les dessous
de table les plus élevés.
Dans le domaine du commerce international, BHAGWATI (1982, p.
993), suggère que la corruption soit analysée comme une
Directly Unproductive Profitseeking activit,y ou une activité de
recherche du profit directement improductive (DUP), c`est-à-dire
une manière de réaliser des profits en entreprenant des
activités qui ne sont pas directement productives.
Les effets de la contrebande peuvent Otre comparés
à ceux d`autres activités comme l`évasion tarifaire ou la
corruption.
Dès que ces activités ont lieu dans des
situations initiales où il existe des distorsions, l`analyse du
second best s`applique et ces activités peuvent
améliorer le bien-Otre dans l`économie. Bien que ces
théories n`étudient pas directement l`impact de la contrebande
sur le commerce international, elles présentent la contrebande comme un
moyen de le faciliter dans les pays caractérisés, par exemple,
par une bureaucratie lente et tatillonne, ou encore un protectionnisme
élevé.
La critique empirique des théories
fonctionnalistes
À partir du milieu des années 1990, les
premières données permettant d`évaluer l`ampleur de la
contrebande ont permis de tester les théories fonctionnalistes et de
mettre en évidence les conséquences négatives de la
contrebande. En sciences économiques, cette vision positive de la
contrebande, ainsi que les arguments qui la sous-tendent sont contestés.
Plus précisément, son hypothèse centrale selon laquelle la
contrebande est un élément exogène aux
réglementations et aux procédures administratives est très
débattue. En effet, il est possible que les agents publics créent
des lenteurs ou des tracasseries administratives uniquement dans le but de
percevoir des pots-de-vin (Myrdal, 1968 ; BARDHAN, 1997). Kaufman et Wei (1999)
montrent que la contrebande est un élément endogène
à la fixation des règles et des procédures
administratives. Ils mettent en évidence, à partir des
observations issues de différentes enquêtes effectuées
auprès d`entreprises, une relation positive et significative entre les
tracas bureaucratiques effectifs rencontrés et le montant des pots de-
vin versés par les firmes. Plus encore, les théories du
second best sous-
entendent que corrompre suffit à
accélérer les procédures ou à dépasser les
obstacles administratifs.
Pourtant, ce n`est pas forcément le cas. Par exemple,
la capacité des agents publics à accélérer une
procédure administrative peut être très faible, surtout
lorsque cette dernière implique différents interlocuteurs
(SHLEIFER et VISHNY, 1993). Enfin, les effets positifs de la contrebande sur la
croissance et l`investissement dans les environnements marqués par un
fonctionnement déficient des institutions ont été
infirmés. Méon et Sekkat (2005) montrent que la contrebande agit
comme un « grain de sable dans les rouages » de la croissance
économique et de l`investissement.
En effet, ils soulignent que les effets de la contrebande
dépendent des autres aspects de la gouvernance (poids des
réglementations, primauté du droit, efficacité du
gouvernement...) et qu`ils sont d`autant plus néfastes que la
qualité de la gouvernance est faible.
Si la littérature économique récente
contredit la vision selon laquelle la contrebande peut compenser
l`inefficacité de la bureaucratie et d`autres institutions, en sciences
politiques les travaux s`attachant à vérifier les théories
fonctionnalistes sont rares.
Des études ont analysé l`impact direct de la
contrebande sur le degré de légitimité des États.
Ainsi DELLA Porta (2000) met en évidence une forte corrélation
entre des niveaux de contrebande élevés et un faible degré
de satisfaction de la démocratie dans les pays d`Europe de l`Ouest.
La seconde théorie évoquée pour la
régulation du phénomène est celle du contrôle social
avec ses différents aspects dont la théorie de la dissuasion fait
partie:
Les premières études importantes sur les
criminels ont été faites par des médecins ; ils se
plaçaient dans une perspective biologique, largement
influencée par la pensée darwiniste. Cependant,
dès la fin du XIXe siècle, les travaux de Ferri, de Joly et de
BONGER ont mis en lumière l`importance du facteur social et
économique dont avait déjà parlé Thomas More dans
son Utopie. Chez les polytérites, en effet, l`agriculture,
l`industrie et le commerce ont une organisation harmonieuse que la vague de
criminalité qu`a connue l`Angleterre du XVIe siècle, et qui
était due principalement à la crise économique, n`y est
point concevable. C`est à cette tradition que se rattache Ferri,
fondateur de la sociologie criminelle moderne.
Ferri considère comme facteurs sociaux la
densité de la population, l`opinion publique, les us et coutumes, les
murs et la religion ; il tient compte aussi de la famille, du niveau de
l`enseignement, du degré d`industrialisation et de l`alcoolisme ; pour
être complet, il faudrait analyser encore les conditions de vie
économiques et sociales, le fonctionnement des administrations publiques
(judiciaire, politique, policière, pénitentiaire) ! Il est
question en définitive, de tous les courants collectifs qui agissent sur
l`individu (Ferri, 1983). On prétend que l`effet des facteurs sociaux
sur le phénomène de la contrebande est
prépondérant. On affirme néanmoins que les divers facteurs
sont en interaction constante et par leur ensemble conditionnent le
phénomène de la contrebande. « Tous les crimes, disons nous
sont la résultante des conditions individuelles et sociales. L`influence
de ces facteurs est plus ou moins grande selon les conditions locales
particulières. Les crimes contre les personnes par exemple, indiquent
une régularité plus grande dans leur évolution que les
autres, montrant alors que les autres dépendent de conditions sociales,
c`est le cas du phénomène de la contrebande.».
A chaque phase d`évolution et à chaque
état d`une société correspond un rapport assez constant de
facteurs physiologiques, biologiques et
sociaux de délinquance. Ferri désigne ce rapport
sous le nom de la « loi de saturation criminelle ».
Dans cette définition de la sociologie criminelle, on
se trouve en présence de deux éléments propres à la
sociologie naissante : la partie synthétique, qui se propose de
reprendre les éléments fournis par d`autres disciplines, et la
partie analytique, qui consiste dans l`étude d`un aspect de la vie
sociale.
Cette définition nous a fourni le cadre des
études descriptives de la criminalité contrebandière ou
même de la sociologie criminelle. L`hypothèse de base,
suggérant l`interdépendance de facteurs d`ordre physique et
social et l`ordre individuel et collectif, est demeurée valable. Cette
tradition de sociologie descriptive est représentée dans la
criminologie contemporaine par les travaux de SELLIN (1985), de DAVIDOVITCH
(1979), de Szabo (1960), de Wolfgang et ses collaborateurs (1972), de FLECHETTE
et Leblanc (1986) et de la plupart des publications de l`institut de
criminologie de Cambridge, en Grande Bretagne.
Leurs théories et analyses sont concentrées sur
le phénomène de la =`criminalité«, la méthode
d`investigation ne permettant pas de saisir, évidemment, le
phénomène du =`criminel«. Leurs limitations tiennent
principalement aux sources mêmes de leur matière première :
dénombrement statistique des crimes ou des criminels. Ces données
sont souvent contestables quant à leur représentativité
(chiffre noir) par rapport à la criminalité réelle et aux
critères juridiques qui servent de base pour définir l`acte
criminel.
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