CHAPITRE III : REVUE DE LITTERARURE ET CADRE DE
REFERENCE THEORIQUE
III-1-Revue de littérature
La contrebande n'est pas une activité moderne.
L'analyse de ce phénomène a commencé avec des auteurs
classiques et des ouvrages comme Les lois de Platon, Politique
d'Aristote, De l'esprit des lois de Montesquieu, etc. Ces auteurs
ont exploré de manière générale quelques
problématiques comme le rôle des lois, du gouvernement et les
punitions. Dans la pensée économique, plusieurs des grands
penseurs des siècles derniers se sont intéressés au sujet,
tels que, Smith, Marx, Pareto, Beccaria et Marshall (Hirshleifer, 1994), mais
pendant quelques années, leurs contributions ont été
ignorées. Les composantes les plus importantes de cette revue de
littérature sont les analyses du crime, des organisations criminelles,
de la violence et des politiques de dissuasion. Il est pertinent d'avoir une
définition de la contrebande qui soit liée à la
pensée économique. Une des premières définitions
est liée à l'offre de biens et de services qui sont
illégaux. En général, les contrebandiers utilisent la
violence contre d'autres agents comme les firmes légales, les syndicats,
les forces de police, etc., et agissent en relation avec des activités
légales de manière marginale. L'utilisation de la violence de
manière occasionnelle peut-être expliquée par les besoins
d'investir en technologie militaire pour protéger leurs droits de
propriété dans les marchés illégaux, ce qui a un
coût marginal peu important par rapport à leurs revenus
(President's Commission on Law Enforcement and Administration of Justice, ou
Président de la Commission sur l'application des lois et de
l'administration de la justice, 1967).
Cette définition fait un lien important entre les
marchés illégaux et le crime organisé. Cependant, elle
présente trois lacunes: (i) la définition est descriptive et
n'utilise pas la relation entre le crime organisé et les marchés
illégaux en tant qu'argument économique, (ii) elle soutient
l'idée que le crime organisé est très
intégré et qu'il opère en condition de monopole dans le
processus de production et distribution et (iii) elle ignore la
différence entre le rôle des organisations criminelles qui offrent
des biens illégaux au consommateur final et tout comme la structure du
gouvernement, qui implante des mécanismes de régulation pour
empêcher les activités criminelles (Fiorentini, 1999). Une
définition de la contrebande communément utilisée pour les
analyses économiques est donnée dans l'article : What is the
Business of organized crime? Où quelles sont les activités
du crime organisé? Par Shelling (1971). Selon l`auteur,
l'objectif du contrebandier est d'imposer aux firmes légales et
illégales sa protection sous menace de violence. Pour pratiquer
l'extorsion, le contrebandier cherche à avoir un contrôle de
monopole sur le marché de la violence, au moins dans un secteur
limité. En même temps, ces criminels se défendent contre
d'autres firmes qui essaient d'entrer dans leur marché. Parfois, ces
criminels exercent une certaine corruption au sein des forces de police afin de
réduire la menace d'intervention de la justice. Shelling discute des
caractéristiques des marchés illégaux où les
organisations criminelles développent une forte autorité. La
première caractéristique est que les firmes victimes sont
incapables de se protéger elles-mêmes. Ceci explique pourquoi les
marchés illégaux sont les secteurs de prédilection des
organisations criminelles. Deuxièmement, ces organisations criminelles
ont de la difficulté à se cacher de la justice, alors elles
utilisent la corruption des forces de police et créent des liens avec
des activités légales. Troisièmement, le crime
organisé utilise l'extorsion de firmes illégales et
légales. Dès lors, qui fait ces firmes tant
illégales que légales sont liées aux organisations
criminelles. L'interdiction de quelques activités comme le trafic de
personnes, le trafic de stupéfiants, le trafic d'armes et de plusieurs
autres trafics est la cause de l'échec ou, du moins, des pauvres
résultats des politiques de dissuasion du crime et de la violence. Ces
politiques peuvent servir à augmenter les profits des activités
réalisés par les organisations criminelles (Becker et Stigler,
1974). Les motifs économiques sont parmi les principales causes de cet
échec. L'analyse économique contemporaine du crime a pour point
de départ le travail de Becker, Crime and Punishment, ou crime et
sanction : an Economie Approach ou une approche économique,
(1968). Suite à cet article, la contrebande a commencé
à être analysée par la science économique. Les
résultats obtenus ont eu une certaine influence dans les politiques de
dissuasion. Becker analyse les criminels comme des personnes normales et
rationnelles. En utilisant la théorie microéconomique de la
sélection, il explique pourquoi les politiques conçues par les
criminalistes sont loin d'avoir les résultats désirés
(Sullivan, 1973). D'après Becker, les individus décident
rationnellement de s'engager ou non dans des activités criminelles en
comparant l'utilité qu'ils reçoivent en poursuivant des
activités honnêtes et celle obtenue de la participation à
des activités criminelles. Les activités criminelles sont
moins attrayantes si la probabilité de détection est
élevée ou si la punition est très
sévère. La combinaison entre les amendes
monétaires et des punitions (comme l'emprisonnement) peuvent aider
à dissuader le crime de manière optimale. Suivant la
théorie économique, nous utilisons le concept de coût
d'opportunité dans l'analyse de la criminalité. Le coût
d'opportunité d'obtenir des profits des activités légales
est la perte de profits de l'illégalité. Les criminels agissent
en agent économique rationnel en prenant en compte plusieurs facteurs
comme (I) les revenus qu'ils
peuvent obtenir en travaillant dans la légalité,
(II) les revenus qu'ils peuvent obtenir en travaillant dans les
activités illégales et (III) la probabilité d'être
pris et punis par la justice. Il est nécessaire de définir ce
qu'est une activité illégale. Une activité est
illégale lorsqu'elle ne respecte pas la loi. Ces activités ne
s'appuient pas sur la protection des lois pour défendre les droits de
propriété et faire valoir les contrats, ce qui fait que le
marché des activités illégales génère ses
propres mécanismes. Quand les participants dans le marché
souhaitent défendre leur propriété, dans la
majorité des cas, ils ont recours à la violence. Al White (1994),
dans l'article Illegal market and the social costs of rent seeking, ou
marché illégal et les couts sociaux de recherche de rente,
argumente que quand les lois génèrent des biens et services
illégaux, elles augmentent les coûts sociaux comme
conséquence de la recherche de profits des firmes qui participent au
marché illégal. Cette augmentation de coûts sociaux prend
la forme d'externalités négatives qui résultent de
l'utilisation de coercition et de violence en vue de contrôler le
marché illégal. Dans quelques cas, les ressources
dépensées pour dissuader le crime sont inférieures
à celles qui sont dépensées dans la
génération du crime. L'auteur mentionne que comme dans les
marchés légaux, les producteurs ont des motifs économiques
pour vouloir agir en monopoleurs. Ceci augmente les profits potentiels et fait
augmenter la concurrence entre les firmes existantes (qui auront recours au
crime et à la violence). En critique au travail de Becker (1968), Al
White argumente que les restrictions ne donnent pas comme résultat une
augmentation des profits, à cause d'une augmentation des prix. Les
restrictions sur l'offre et l'augmentation du prix d'équilibre ne sont
pas des arguments suffisants pour avoir des profits plus
élevés.
La science économique a donné différentes
explications aux faibles résultats des politiques de dissuasion. Des
auteurs comme Buchanan (1973) ou Rubin (1973) mettent l'accent sur le manque de
compréhension des consommateurs sur les conséquences de leurs
actions, ce qui parfois génèrent l'origine et la
perpétuation des activités illégales. Dans un tel
contexte, Buchanan (1973) affirme que le monopole génère une
perte de bien-être à la société dans la production
de biens et des services. Par contre, la production de biens et de services
illégaux pourrait être optimale en termes de bien-être.
Comme le crime est un mal social, Buchanan propose que le monopole comme
structure de marché dans la production d'activités
illégales telles que la prostitution, le trafic de stupéfiants,
le trafic de personnes, le trafic d'armes à feu, etc., est socialement
bon en termes de bien-être. Ceci devrait être reconnu par les
agences de justice qui doivent, au moins, ne pas décourager fortement la
structure en monopole du marché à travers des politiques de
dissuasion du crime. L'article de Buchanan fait émerger un débat
important dans la science économique. Par exemple, Backhaus (1979)
propose une analyse contraire à celle de Buchanan: une politique de
dissuasion passive contre les activités criminelles augmentera le crime
et la violence. Alors que, les politiques passives sont faciles à
contrôler pour le gouvernement. La structure de monopole dans la
production d'activités illégales a les conséquences
suivantes: (a) une diminution de la quantité produite, (b) une
augmentation de prix des biens et des services illégaux, (c) une
augmentation des coûts (Williamson, 1966), (d) et la recherche de profits
dans le marché (Tullock, 1967). Selon Backhaus (a) et (b) sont ambigus
et (c) et (d) pourront augmenter la corruption, l'extorsion et augmenter la
production de crime et de violence.
Il est en effet assez clair que des crimes, souvent les plus
violents, sont commis par des individus en proie à la folie.
D'après Marceau et Mongrain (1999), les difficultés que les
économistes ont à bien comprendre l'impact de l'effort de
dissuasion s'expliquent par le simple fait que la théorie
économique du crime n'en est encore qu'à ses débuts et que
nos analyses ne sont pas encore à point. Afin de diminuer les
activités criminelles, beaucoup de gouvernements ont intensifié
leur lutte contre la contrebande. Dans l'article Gangs and Crime Deterrence
ou les gangs et la dissuasion du crime, Marceau et Mongrain (2006) offrent
une explication de l'inefficacité des politiques de dissuasion de la
contrebande. L'explication principale est que la lutte contre la contrebande
fait changer la structure du marché. Ils partent de l'hypothèse
que la production et la distribution de biens illégaux (dans ce cas, les
marchandises illicites) sont contrôlées par des organisations
criminelles qui sont bien constituées. Ils supposent que, pour une
structure de marché donnée, une augmentation de l'effort de
dissuasion peut réduire l'output et augmenter les prix. Les auteurs
utilisent la théorie de la formation de coalitions afin de
déterminer de manière endogène la structure de
marché. Ils commencent avec un cartel qui est fragmenté à
cause de l'effort du gouvernement pour dissuader le crime. Ils arrivent
à obtenir un résultat similaire à celui de Buchanan (1973)
: quand plus de firmes opèrent dans un marché illégal
(quand le marché est plus compétitif), la production augmente et
les prix diminuent. Les résultats montrent une explication de la
faillite de la« war on drugs», ou guerre aux drogues de
l'administration de Reagan en 1980. Cette conclusion découle du fait que
le marché criminel réagit à une plus grande
répression des forces policières.
Sur le même sujet, Rasmussen et Benson (1994), dans
The economic anatomy of a drug war ou l'anatomie économique d'une
guerre de drogue : criminal justice in the common, ou justice criminelle dans
les communes, analysent les effets de cette politique de Reagan et
trouvent que plusieurs criminels en prison ont été consommateurs
de drogues, ce qui indique que non seulement la production et le trafic de
drogue sont un problème, mais que les consommateurs aussi sont des
criminels potentiels.
Les économistes ont donc examiné plusieurs
marchés du crime, de manière séparée dans la
plupart des cas. Par exemple, Jeffrey A. Miron, dans l'article Violence and
the u.s. prohibitions of Drugs and Alcahol, ou violence et les prohibitions des
dogues et alcools aux usa (1999), approfondit la relation entre les
prohibitions de drogue et d'alcool avec la violence en utilisant
l'évolution du taux d'homicides aux États-Unis. Le
résultat le plus important est que des mesures plus
sévères de prohibition sur la drogue et l'alcool est
associé avec une augmentation du taux d'homicide. L'analyse
suggère que cette corrélation positive reflète une
relation causale entre les mesures de prohibition et la criminalité.
Miron, dans un deuxième texte Violence, Guns and
Drug, ou violence, fusils et drogues : A Cross Country Analysis ou une
analyse de Cross country (2001), analyse l'efficacité des
politiques de contrôle des drogues et des armes à feu. Il part de
l'hypothèse que les différences dans les mesures de
contrôle des drogues à travers les pays sont des
déterminants du niveau de violence. Ce résultat suggère
qu'une prohibition plus stricte explique une partie des différences en
termes de violence à travers les pays. La différence dans le
contrôle de propriété des armes à feu est
corrélée avec la violence, mais n'est pas la cause de la
violence. Cependant, les législations restrictives sur la
propriété des armes à feu sont une cause de violence.
Dans l'article Trafficking in Persons, ou traite des
personnes : an issue of human security, ou un problème de
sécurité des hommes (2003), Michele A. Clark fait un survol
du problème en identifiant les facteurs qui donnent
naissance au trafic des personnes, principalement d'enfants et de femmes.
Parallèlement, elle examine quelques réponses des
différents gouvernements en différentes situations (pays
d'origine, de transit ou de destination). La proposition principale de son
travail est d'implanter des restrictions plus sévères de
contrôle sur le mouvement des personnes afin d'éradiquer le
problème.
Nuno Garoupa, dans l'article Optimal law enforcement and
criminal organization, ou organisation d'application optimale des lois
pénales (2006), analyse les conséquences de la production
légale par les organisations criminelles. La conclusion principale est
que les restrictions plus sévères réduisent la dimension
des organisations criminelles, mais la diminution dans la taille des
organisations criminelles les rend plus efficaces dans leurs activités.
Des firmes plus petites sont plus faciles à diriger ce qui a comme
conséquence que leurs erreurs sont moins importantes. La
probabilité de détecter les failles des organisations criminelles
de petite taille est donc plus faible. Kugler et al.
(2004), Organized crime, corruption and punishment, ou
crime organisécorruption et sanctions, analysent un
modèle sous la structure
d'oligopole dans lequel les organisations se font concurrence
dans les activités criminelles et collaborent pour la corruption des
agences de justice afin d'éviter d'être punis. Si la politique
contre des organisations criminelles augmente, le résultat contraire est
obtenu à cause de l'augmentation de la corruption et du crime. Un effort
plus important est corrélé avec une augmentation de la corruption
des agences de justice. Dans l'article Oligopolistic Competition in Illegal
Markets ou concurrence géopolitique sur les marchés
illégaux, Fiorentini et Pelzman (1997) analysent les firmes qui
participent à la production de biens et de services illégaux. Ces
organisations investissent des ressources importantes pour commettre des
activités violentes ou corrompre le système des lois. Les auteurs
considèrent des modèles où les firmes agissent de
manière non coopérative dans la production mais coopèrent
contre les politiques de dissuasion. D'après Fiorentini et Pelzman, la
relation entre la quantité de ressources investies en violence et en
corruption est complexe. Elle dépend des anticipations que les firmes
criminelles font sur l'effort des agences de justice pour réduire la
production de biens et de services illégaux. Les
investissements dans l'effort pour dissuader les activités criminelles
peuvent générer différents effets en fonction des
mécanismes qui produisent l'équilibre de marché (Bertrand
ou Cournot). Donc on peut constater que le crime provoque des
externalités qui ont un coût social important. Ainsi, il
peut-être souhaitable de déterminer des moyens pour réduire
la consommation des biens et des services produits par les organisations
criminelles. Toutefois, la majorité de la recherche faite s'est
concentrée sur l'impact des politiques de dissuasion, sur la structure
de marché et sur le comportement des organisations criminelles. Mais il
est important de s'intéresser à la quantité de violence
dans le contexte de politiques de dissuasion différentes afin de
découvrir un bon moyen de dissuader le crime. Cet article se distingue
des analyses précédentes de plusieurs façons.
Premièrement, le modèle d'oligopole de base est utilisé
pour déterminer les quantités produites et les profits des
organisations criminelles sous différentes politiques de dissuasion.
Deuxièmement, nous utilisons une fonction de succès de concours
(fSC) pour modéliser la concurrence entre les firmes criminelles afin de
déterminer la quantité de violence par (I) firme et (II) dans
l'économie. Finalement, le modèle détermine le nombre de
firmes prêtes à entrer dans le marché du crime en utilisant
une distribution uniforme d'un coOt fixe d`entrer.
Les résultats, dans le cas de politique de dissuasion
sur l'offre, sont semblables à ceux de Buchanan (1973), Marceau et
Mongrain (2006), Miron (1999, 2001) et Garoupa (2006). Cependant, les
mécanismes et la structure de marché sont différents. Nous
comparons finalement différents niveaux de violence suite à
l'application de politiques de dissuasion sur l'offre et sur la demande. Nous
trouvons que les politiques de dissuasion appliquées sur la demande
auraient des résultats plus
satisfaisants que les politiques sur l'offre, plus
communément utilisé. La contrebande fait donc partie des
criminalités économiques et voila un thème qui ne manquera
pas de rappeler à certains chercheurs la parution, il y a vingt ans d`un
numéro de la revue qui s`intitulait alors Affaires et
criminalité au QUEBEC.
La contrebande est un ensemble d`actes criminels
économiques au pluriel, car les écrits rassemblés dans ce
cadre rendent compte de formes de délinquance qui, si elles s`inscrivent
toutes dans le cadre de relations ou activités économiques, sont
assez différentes les unes des autres.
Cette nouvelle incursion dans le monde de la
délinquance économique nous situe bien évidemment
très loin de la criminalité sulfureuse et violente que les medias
à sensations aiment à relater. Elle nous fait notamment
pénétrer dans le monde des échanges commerciaux.
Si ce monde délinquant semble jouir aujourd`hui d`une
certaine considération dans le public, il a autrefois été
peu recommandable et malfamé.
Mercure n`était-il pas à la fois le dieu des
voleurs et des marchands. Ce père de la démocratie occidentale,
qu`est ARISTOTE6 voyait dans le commerce une activité
que l`on ne pouvait exercer sans manquer aux exigences de la justice, une
activité qui n`à point de terme où puisse s`arrOter la
cupidité.
Pour le philosophe, le commerçant était à
ce point indigne qu`il ne trouvait pas judicieux de lui reconnaître les
droits et les responsabilités politiques incombant, dans la cité,
aux citoyens libres.
6 ARISTOTE, la politique, PARIS, DENOEL, GONTHIER PUF,
1980, P32
Si les propos d`ARISTOTE peuvent sembler quelque peu
excessifs, ils nous incitent toujours à nous intéresser au monde
des activités économiques afin de chercher à savoir si ce
monde est plus criminogène que les autres et, dans l`affirmative dans
quelle mesure.
Parler de contrebande, c`est consentir à porter
attention sur d`autres délinquants que ceux que suscitent dans le public
toute la gamme des sentiments se situant entre la haine et la pitié.
C`est aussi se pencher sur d`autres délinquants que ceux qui inspirent
aux professionnels de l`intervention, leurs désirs d`aider,
d`éduquer, de socialiser, de réintégrer, de soigner, bref
de traiter.
Dans le spectre des phénomènes criminels, la
criminalité économique se situe à cette
extrémité où la majeure partie des comportements
délinquants sont, à l`instar d`innombrables comportements
respectables, motivés par l`envie de s`enrichir, par l`aspiration
à plus de bien Otre, par le goUt d`un certain luxe, par le souci
d`améliorer ses conditions matérielles ou par la quête de
plus de sécurité.
Des auteurs de ces crimes, il est requis plus de
qualités que de tares ; il leur faut notamment de l`imagination, de
l`ingéniosité, des connaissances techniques informatiques,
bancaires, commerciales, etc., du savoir faire, de l`expérience et pas
mal d`intelligence pour réaliser leur crime.
Plutôt que d`attirer sur eux du mépris, de la
pitié, de la haine ou de la condescendance, les délinquants
contrebandiers ou économiques suscitent souvent dans leur entourage ou
dans le public de la compréhension et de la complaisance. Certains
crimes économiques liés à la contrebande valent même
à leurs auteurs de recevoir des signes d`approbation et d`admiration.
Quant aux traitements qu`il serait
envisageable de proposer aux contrebandiers, ils ne semblent pas
répondre à un besoin impérieux.
La contrebande demeure donc d`autant moins connue qu`elle est
peu spectaculaire, peu menaçante, difficile à saisir et donc
moins dérangeante. Cela dit, il est vrai que cette criminalité,
qui a naguère fait les manchettes n`est plus aujourd`hui sous les feux
de la rampe. Il peut donc sembler moins évident d`en parler maintenant
qu`il y a vingt ans. A l`époque, la criminalité à col
blanc se voyait vouer beaucoup d`attention de la part de l`ONU et du conseil de
l`EUROPE7. Elle faisait grandement parler d`elle tout aussi
bien dans les milieux scientifiques que politiques et de ceux medias
d`information.
La criminalité contrebandière, qu`elle soit ou
non imputable aux milieux d`affaires, reste toutefois un
phénomène aussi vaste que réel. Dans ses formes les plus
bénignes, elle est le fait d`un nombre considérable d`individus
et d`entreprises.
Il suffit de songer à la fraude fiscale ou à la
fraude de l`assurance. Dans ses formes les plus aiguës, elle porte parfois
sur des sommes énormes. Sous un angle rigoureusement juridique, la
contrebande est un domaine en expansion, puisque de nouvelles infractions ont
encore été introduites, ces dernières années, dans
l`arsenal des interdits pénaux occidentaux. Que l`on songe notamment au
délit d`initiés. Bien qu`étant moins « au goût
du jour» qu`il y a vingt ans, la criminalité contrebandière
continue de susciter un intérêt certain dans les domaines
scientifiques et gouvernementaux.
A vrai dire, il s`agit d`un intérOt plus sélectif
qu`autrefois, en ce sens que les décideurs et les chercheurs
contemporains s`attaquent plutôt à des
7 J. RICO. In affaires et criminalités au QUEBEC,
criminologie, MONTRÉAL. Pum, 1977, p 5
formes ou aspects particuliers de cette criminalité
qu`au phénomène dans son ensemble. Pensons par exemple, aux
efforts scientifiques et politiques déployés ces dernières
années sur les problèmes liés au blanchiment d`argent et
à la corruption. C`est ainsi que le dernier congrès de la
société de défense sociale en novembre 1996, fut
consacré à la corruption. La criminalité économique
qui englobe la contrebande est un vaste phénomène polymorphe dont
l`ampleur des effets est d`une portée sociale importante. En effet,
outre qu`elle affecte dans leurs intérêts économiques un
nombre considérable d`assurés, de contribuables, de consommateurs
ou d`agents économique de toutes sortes, elle est ultimement de nature
à occasionner des dommages moraux ou immatériels comme, c`est
notamment le cas de la fraude fiscale dans certains pays, où la
corruption, est réputée très rependue et peu
réprimée. Ainsi elle érode les liens de confiance et de
loyauté dont dépend directement la survivance des grands contrats
juridiques et politiques sur lesquels est fondée l`organisation
sociale.
La contrebande reste d`autant plus digne d`intérOt que
de nombreuses questions relatives aux réactions à lui opposer
restent âprement débattues. On peut citer par exemple la nature
des peines devant être infligées aux entreprises. Cette
criminalité requiert que soient élaborées des politiques
criminelles originales à la réalisation desquelles les secteurs
privés et publics sont condamnés à collaborer si l`on
entend déployer contre elle des stratégies peu cohérentes
et fonctionnelles. Ici nous songeons prioritairement à la mise en place
de moyens de prévention et de détection du crime.
Une telle collaboration semble d`ailleurs de plus en plus
incontournable en cette époque ou la demande en
sécurités et protections de toutes sortes va en augmentant de
façon importante. Pour souci d`équilibre,
nous allons retenir deux textes qui sont résolument de
nature empirique et deux autres textes plus spéculatifs. Ainsi donc sur
le plan théorique, il nous apparaît utile de retenir des articles
présentant des perspectives différentes.
L`exclusivité de notre propos n`a en effet
été concédée, dans cette thèse ni aux
approches dites du passage à l`acte, ni à celle de la
réaction sociale. Si nous avons préféré à
l`appellation de « contrebande» celle de criminalité
économique, c`est parce que nous ne souhaitons pas nous restreindre
à la criminalité des animateurs de l`économie
privée. Nous entendons de signer ainsi l`ensemble des crimes contre les
biens qui sont commis sans violence, mais par quelque astuce ou tromperie ou
encore par l`abus d`une position de puissance ou d`influence, en vue d`un
profit. Nous ne visons pas ici les infractions commises dans le contexte
d`activités ou d`organisations illicites par nature, mais uniquement des
activités qui se déroulent dans un contexte, une structure, des
entreprises fondamentalement légitimes et conformes à l`ordre
juridique. C`est là une notion du crime de la contrebande qui s`inspire
largement des définitions classiques d`auteurs comme REISS et BIDERMAN
ou Sparks8.
C`est aussi une définition forte proche de celle que,
dans sa contradiction, LAUREEN SNIDER nous propose du crime en col blanc. Le
WHITE COLLAR crime ayant toutefois été défini pour la
première fois par Sutherland, il nous semble nécessaire de
prendre nos distances de l`appellation, la raison en est que la notion
Sutherlandienne était fort
8 A.J. REISS/ A.D. BEIDERMAN, DATA sources on white.
Collar law breaking, WASHINGTON, DC,
NIJ.US. DEPARTEMENT
OF JUSTICE, 1980 PP4 ET 55. R.F. SPARKS. [WHITE COLLAR CRIME D.C, US
GOVERNEMENT PRINTING OFFICE, 1979 PP 166 ET 55
restrictive, puisque le crime en col blanc était, par
définition l`apanage des membres des hautes sphères de la
société.
Aussi le souci d`échapper à cette restriction
nous conduit-il à préférer la notion plus vaste, de crime
économique dont la contrebande en fait partie, les textes retenus
contribuent d`ailleurs à démontrer qu`outre la criminalité
économique de haut vol ou de contrebande, il existe une
criminalité économique « démocratique » qui
reste à la portée d`individus sans qualité ou position
exceptionnelle et qui est, le fait, pratiquée par un large
éventail de délinquants.
Dans cette matière, les sociétés,
qu`elles soient publiques ou privées tient une place de choix. Si ce
n`est celui d`auteur du crime, les entreprises peuvent également jouer
le rôle d`instrument du délit « d`écran» ou
encore celui de victime. Les articles retenus donnent d`ailleurs un
aperçu de la pluralité des implications corporatives en
matière de crimes économiques liés aux activités de
contrebande.
C`est en particulier l`article de L.SNIDER qui traite le plus
abondamment des problèmes que pose la délinquance des
entreprises, sans se cacher de ses convictions et de ses
préférences idéologiques. L.SNIDER dénonce la
dérégulation de l`économie. Déplorant
l`étroite interdépendance existant actuellement entre
l`économie privée et l`Etat.
Elle constate que celui-ci est de moins à mOme
d`infliger des sanctions aux entreprises. L.SNIDER relève en particulier
à quel point la réglementation et le contrôle par l`Etat
des activités dangereuses et dommageables des entreprises sont remis en
question par les théories du risk management.
Elle nous livre enfin bien des raisons de regretter que les
gouvernements en général lâchent toujours davantage la
bride des entreprises. Compte tenu de la mondialisation galopante les
échanges économiques et de la criminalité à
laquelle elle donne lieu, il nous a paru utile de retenir un article qui
évoque la dimension internationale de certaines formes de contrebande,
en l`occurrence le blanchiment d`argent. Dans ce texte, Michael Levi,
démontre en particulier à quel point il est difficile pour la
communauté internationale d`arrêter, en matière de
blanchiment une politique criminelle concertée susceptible d`être
appliquée dans des contextes nationaux très différents et
de présenter les mêmes ratios avantages, inconvénients pour
chacun des Etats participants.
L`auteur évoque en outre l`importance que revêt
la collaboration du secteur privé notamment des entités
corporatives bancaires et financières, en matière de lutte contre
la contrebande et le blanchiment.
MARC ALAIN présente une activité criminelle
lucrative ; la contrebande des produits du tabac, on peut d`abord douter
qu`elle mérite d`être assimilée à de la
criminalité économique au sens ou nous l`avons défini.
Ensuite s`il est vrai qu`une forte proportion des contrebandiers n`a que des
activités illicites et qu`à cet égard ils ne sont pas
partie prenante de l`économie légitime, il demeure que les
contrebandiers dépendent très directement des fabricants de
produits licites par exemple, les cigarettes. A cet égard, les
contrebandiers permettent en fait à ces acteurs officiels de
l`économie que sont les fabricants de satisfaire le plus grand nombre
possible de consommateurs, surtout ceux pour qui les taxes sur la marchandise
constituent une entrave.
MARC ALAIN fait d`ailleurs très utilement la
différence entre l`offre de marchandises de contrebande et la
demande. Laquelle dépend
notamment du gouvernement et de ses politiques fiscales, mais
aussi des rapports entre le citoyen et l`Etat.
Alors le sujet traité par Marc Alain a une dimension
internationale, le texte de LUG VALLEE et de Stéphane Dupuis porte sur
une criminalité clairement circonscrite dans un espace urbain (exemple
de MONTREAL). Il s`agit en l`occurrence de fraude à l`assurance et, pour
Otre précis, de frauder à l`assurance pour incendie
volontaire.
Le choix des contributions que nous avons fait ici n`est
certes pas de nature à rendre compte de toute l`étendue du champ
sur lequel nous nous engageons. Il peut toutefois nous en donner un
aperçu, illustrer par la diversité des criminalités que
l`on peut qualifier d`économiques et nous offrir un petit
échantillon des différentes approches méthodologiques
pouvant être mises à profit dans ce champ.
Il nous a enfin permis d`accorder à la production
criminologique empirique une part respectable de cette thèse.
Après un examen de la documentation criminelle, on
remarque que seuls quelques documents portent directement sur la contrebande
comme une manifestation d`un crime organisé et dans lesquels on
mentionne par exemple, le commerce de contrebande à AKWESANE JAMIESON,
(1999 p256-272) ; Jamieson et al, (1998, p245-272) ; Jamieson et al ; (1998
p285-319). Ailleurs, des auteurs comme BEARE portent brièvement leur
attention sur le sujet, mais l`approfondissent rarement de façon
significative (BEARE, 1998).
On peut étendre la portée de la présente
recherche en examinant les documents qui traitent spécifiquement de la
contrebande dans certaines collectivités par exemple, les
communautés Mohawks de KAHNAWAKE, KAHNESATAKE ou AKWESANE, comme l`uvre
de HORNUNG, (1991). A l`exception de ce dernier ouvrage, qui découle du
mémoire de
doctorat de l`auteur, ces sources sont des recueils de
l`expérience de journalistes qui ont fait la chronique des conflits et
l`activisme politique dans les collectivités Mohawks.
Bien que les livres que produisent les auteurs actifs dans les
medias soient souvent instructifs et convaincants, il importe de ne pas oublier
qu`ils renferment peu d`exposés clairs, voire aucun, des méthodes
appliquées dans la conception ou la réalisation des recherches.
En l`absence de détails sur les modèles de collectes des
données et de structures d`entrevue, entre autres, on ne peut dire en
toute certitude la mesure dans laquelle ces conclusions sont dignes de foi ou
généralisables et, par conséquent, on doit utiliser les
sources journalistiques avec prudence et réserve. Il faut
également tenir compte du fait que le but des recherches journalistiques
est fort diffèrent de celui des recherches en sciences sociales.
Cela étant dit, on peut ajouter une ressource
supplémentaire à une gamme très restreinte d`ouvrages de
recherche grace à l`utilisation prudente des livres écrits par
les journalistes. On peut aussi y ajouter des articles de journaux et de
revues, qui sont relativement nombreux, mais comme ouvrages populaires
journalistiques, ils sont d`une utilité limitée pour les
recherches sociales.
Dans l`ensemble, la société savante ne semble
porter qu`une attention limitée au phénomène de la
contrebande en général. L`attention accordée à la
contrebande au sein des groupes sociaux semble, quant à elle, quasi
inexistante. Par contraste avec l`importance, de l`attention portée au
conflit social avec la loi en général, et plus
particulièrement à la surreprésentation des
délinquants dans le régime de la justice pénale, le crime
contrebandier n`est tout simplement pas un sujet qui a été
examiné de manière significative, ni comme
élément du conflit avec la loi, ni entant que facteur participant
à la surreprésentation. Et bien qu`en matière de justice,
on accorde une place remarquablement importante à la justice
répressive et réparatrice, il ne semble pas qu`on ait
étudié de mesures répressives ou réparatrices pour
ce qui est de la contrebande. Cela est peut être attribuable, du moins en
partie, à la tendance des programmes de justice répressive ou
réparatrice à se limiter aux actes criminels de nature
relativement bénigne, ce qui n`est pas le cas de la contrebande. C`est
aussi sans le moindre doute une manifestation du manque général
d`attention à l`égard de la contrebande en tant que sujet
d`étude. Aussi, de toute évidence, il est urgent de diriger
davantage l`attention des chercheurs sur le phénomène croissant
de la contrebande ainsi que sur l`examen du potentiel que représentent
les programmes les plus novateurs au chapitre des initiatives de justice
répressive mais surtout réparatrice.
De fait, il convient de remarquer que, bien que
l`intérOt de la recherche pour le sujet de la surreprésentation
ne se soit manifesté que depuis 25 ou 30 ans, on a produit, grâce
à cet intérêt, une quantité remarquable de
données d`analyses.
En même temps, la recherche sur la contrebande est
réputée pour avoir eu ses origines dans les années 60, et
a donné lieu à remarquablement peu de données et
d`analyses et mOme à notre époque ou les enjeux sont des «
sujets populaires », pratiquement aucune recherche n`a été
faite en profondeur soit sur des formes particulières de déviance
que pourrait être assignées à la catégorie de la
contrebande, ni aucune analyse cohérente des activités comme ce
commerce illicite dans le paradigme du crime. C`est d`autant plus remarquable
lorsque l`on pense que la contrebande est devenue manifeste en des endroits
comme le
district d`Abidjan, situé dans la région des
lagunes de la Côte d`Ivoire, alors mOme que l`intérOt pour le
domaine de la recherche de la criminalité contrebandière et des
conflits avec la loi s`est tellement aiguisé. Comment se peut-il, que
cet aspect du champ plus vaste ait pu être négligé et
quelles en sont les implications pour les enjeux comme la
surreprésentation ou l`avenir de la politique de justice pénale.
Bien que l`on reconnaisse la difficulté de documentations, la recherche
donne à penser qu`il faut comprendre la contrebande comme un processus
ou une méthode permettant de commettre des types particuliers d`actes
criminels « BEARE, 1996, 14-15 ; STAMLER 2000, 431-432 » plutôt
que comme un type particulier d`activité criminelle. La forme
d`organisation démontrée par les personnes qui s`adonnent
à l`activité illégale semble constituer un
élément essentiel de ce processus. Cependant, les débats
tournent beaucoup autour du degré d`organisation et de ses objectifs mis
en évidence dans différents types d`activités criminelles
organisées. En général, les débats semblent
être alimentés, aux deux extrêmes, par ceux qui comprennent
le phénomène en le comparant à un modèle de
réseau « SCHLOENHARDT, 1999, 214 ».
Les tenants du modèle ou de cette théorie
d`entreprise considèrent que la contrebande est dotée d`une
structure d`entreprise centralisée, hiérarchique et
bureaucratique « SCHLOENHARDT, 1999, 214 ». Bien que cette conception
semble avoir dominé une bonne partie des premiers travaux
réalisés dans le domaine, des recherches plus récentes
semblent indiquer qu`on attribue peut Otre à tort des structures
organisationnelles hiérarchisées et hautement rigoles aux groupes
du crime englobant la contrebande « COSA NOSTRA OU MAFIA9».
9 Réseau d'associations secrètes de gens
unis par des intéréts illicites communs. [PETIT LAROUSSE,
1983]
Cette position est cohérente avec l`existence d`un
modèle de réseau de la contrebande qui présente la
structure de groupes de contrebande comme le fait d`organisations
diversifiées et décentralisées ou les relations entre les
principaux acteurs sont définies horizontalement " SCHLOENHARDT, (1999,
p214) >. Ici, les chercheurs comme Haller, ont suggéré que bon
nombre des organisations pouvant relever de la contrebande ressemblent
davantage à des ensembles de partenariats qu`à des organisations
complexes " Haller, (1990, p229)>. ALBINI semble d`accord avec Haller et
fait remarquer qu`en dépit de ses caractéristiques rationnelles
certaines, il est juste de décrire le groupe de contrebandiers ou le
groupe cartellaire comme un " système souple de relations entre patrons
et clients ou de relations hiérarchiques comme la manifestation d`un
système rigoureusement organisé et bureaucratique > Albani,
(1998, p 350).
La théorie de la famille criminelle hautement
organisée et strictement réglementée est plus souvent
associée à Donald CRESSEY, (1969).
Margaret BEARE laisse aussi entendre dans son ouvrage qu`il
est de plus en plus probable qu`il s`agisse théoriquement d`une
organisation à structure horizontale plutôt que
hiérarchique, mais elle nuance ses propos en présentant
l`hypothèse selon laquelle les structures de la criminalité
contrebandière tendront à varier en fonction des activités
visées BEARE, (1996, p15). Toutefois, malgré ces distinctions,
madame BEARE constate que les opérations criminelles
contrebandières partagent généralement trois
caractéristiques essentielles ;
Une structure qui permet l`élimination et le remplacement
des contrebandiers sans mettre en péril la viabilité de
l`activité criminelle.
Une activité criminelle marquée par la
préparation constante de complots criminels c'est-à-dire une
activité criminelle constante et répétitive plutôt
qu`un ou deux actes criminels commis pour le profit.
La capacité d`opérer par la corruption politique ou
le potentiel de violence ou les deux « BEARE, (1996,) ».
Bien qu`on ne puisse vérifier la valeur
théorique de ces caractéristiques qu`en tentant de les appliquer
dans le monde réel, il conviendrait peutOtre de mentionner quelques
corollaires avant d`aborder le modèle de BEARE.
Madame BEARE propose en théorie que l`une des
caractéristiques communes de la plupart des groupes modernes de la
contrebande est leur capacité à éliminer et à
remplacer le personnel dans les relations liées à des
activités contrebandières répétitives. Selon toute
vraisemblance, lorsqu`il s`agit de ce genre d`activités, surtout si
elles sont commises dans de petite collectivité comme celle de la
région des lagunes de la cote d`ivoire et dans un domaine comme celui de
la contrebande de produits à petite échelle, où les
partenaires potentiels sont peu nombreux, le choix de remplaçants semble
limiter et la tendance à éliminer et à remplacer les
partenaires pourrait constituer une pratique douteuse bien qu`elle le soit
moins si elle vise à masquer les activités de quelqu`un. Dans la
mesure où des commentateurs comme Haller ou ALBINI ont raison, il semble
logique de suggérer qu`au moins une partie des partenariats ou des
relations patron client assurant le fonctionnement de l`organisation
dépendront, jusqu` à un certain point, de la personnalité
du sujet. C'est-à-dire que les gens ne s`engageront dans des complots
criminels qu`avec les personnes qu`ils croient connaître et auxquelles
ils estiment pouvoir faire confiance. Les risques inhérents au
remplacement peuvent prendre des dimensions
intéressantes dans un contexte comme celui de la
région des lagunes de Côte d`Ivoire, ou le commerce de contrebande
semble fonctionner à l`interne grace à des réseaux
subordonnés à des obligations ou à des contraintes
créées par les liens de parenté et à des
partenariats établis entre personnes non apparentées
fondés sur la communauté d`intérOts économiques et,
à divers degré, à des positions stratégiques ou
politiques essentielles à la réussite des partenariats.
Cependant, il est peu probable que la théorie de BEARE,
s`intéresse à la mesure dans laquelle ces complots et les
activités qu`ils permettent et favorisent nécessitent la
complicité de la classe politique ou d`agents dans l`application de la
loi. Or c`est là que réside le véritable problème
de la contrebande. Comment rendre le contrôle social plus efficace ? En
l`occurrence : comment rendre très efficace les services de police, les
services de justice, ou tout autre service administratif engagé dans la
lutte contre la contrebande ?
|