2 -L'Importance des résultats, leur
généralisation et limites
Dans cette enquête on a pu utiliser les outils de
recherche suivants : (observation, interrogation, questionnaires, entrevues et
statistiques). Après la comparaison entre les faits provenant des
données recueillies dans l`expérience et les faits
envisagés dans les hypothèses, comparaison correspondant à
la vérification de la validité des hypothèses. On s`est
posé la question de la généralisation des enseignements
produits par notre vérification.
En effet, on ne peut prétendre, pour valoriser,
légitimer ou encore compléter cette démarche, que ce qu`il
a constaté dans les circonstances particulières de la recherche
est ou serait constatable dans toutes autres circonstances, dans d`autres lieux
et d`autres temps. À condition que les contextes et les
caractéristiques des variables qui aient conditionné nos
observations s`y retrouvent sans changement.
Or, comme le soutient JEAN-CLAUDE PASSERON (né en
1930), ces contextes et caractéristiques dans le monde social ne sont ni
constants ni entièrement connaissables, ce qui limite
inévitablement les possibilités d`une
généralisation des assertions sociologiques ou criminologiques
qui, par ailleurs, n`ont de sens et de pertinence qu`en restant
orientées sur des particularités et des singularités
spatio-temporelles, condition qui place ce travail de recherche dans une
position intermédiaire et médiatrice entre l`histoire
événementielle et le raisonnement expérimental
statistique. La technique d`échantillonnage s`est limitée
à un nombre réduit d`individus soit 33, c`est un
échantillon à choix raisonné cela est dO au fait que d`une
part, les moyens humains et financiers ont fait défaut et d`autre part,
on n`a pas pu atteindre un grand nombre d`individus parce que nos acteurs dans
l`étude ne sont pas des individus facilement visibles ou
repérables comme par exemple les enfants dans
ou de la rue. L`enquOte a donc porté sur des
récidivistes contrebandiers déjà connus du fichier des
forces de l`ordre.
Les données chiffrées constituaient en quelque
sorte un instrument de validation des récits des acteurs. En ce sens,
les données issues des histoires personnelles apportaient un
éclairage «objectif» qui complétait les données
provenant des entrevues.
L'analyse du questionnaire (annexe15) retrace les
conditions personnelles d`entrée de l`acteur dans l`activité. Les
questions ont été déjà codifiées et remises
aux acteurs. Elles ont été faites à partir de
critères de classement des actes de contrebande que nous avons
élaborés et appliqués de façon systématique
à toutes les productions délinquantes des intervenants
réalisées durant la période précédent
l'obtention de leur permanence. Cette systématicité visait bien
sûr à assurer la validité des résultats. Les
questionnaires retraçant l`histoire de la participation de l`acteur au
phénomène étant essentiellement des instruments de mise en
valeur professionnelle dans un but d'acquisition de ressources
matérielles et/ou symboliques (promotion sociale, gain facile d`argent,
intégration dans une sous culture délinquante où
l`activité principale sera la contrebande de marchandises de toute
sorte, etc.), le classement fait par les acteurs de leurs productions
délinquantes ne répondait pas toujours à notre exigence de
systématicité. Certains intervenants classent, par exemple, parmi
les conduites contrebandières, des actes de corruption qui s'apparentent
davantage à de l`escroquerie qu`à une activité de
contrebande. D'autres inscrivent la contrebande dans des activités de
commerce normal qui, en fait, ne répond pas au point de vue juridique
à cette réalité. Il est parfois difficile, par ailleurs,
de distinguer les actes de contrebande présentée de la
criminalité des cols
blancs, destinée à des auditoires
privilégiés et intellectuellement au point.
Les entrevues visaient à aller au-delà de
l'observation factuelle des tendances mises en lumière par les
données chiffrées issues de l'analyse retraçant les motifs
qui semblent expliquer la participation des acteurs à l`activité
illicites de contrebande, et à saisir les logiques sociales à
l'uvre dans la construction et la transformation de la dynamique de production
d`activités criminelles. Elles permettaient de contextualiser les
données chiffrées en mettant à jour les rapports de force
entre les acteurs et ainsi éviter les inférences abusives
auxquelles auraient pu donner lieu des interprétations fondées
sur la seule comptabilité des productions délinquantes.
Étant donné que les entrevues exploraient le "rationnel>
sous-tendant les choix des acteurs en matière de production
délinquante, elles pouvaient revêtir pour certains un
caractère d'"auto-analyse> (Bourdieu, 1993). En d'autres termes, on a
eu l'impression, dans le cadre de certaines entrevues, que "la personne
interrogée profitait de l'occasion qui lui était donnée de
s'interroger sur elle-même sur de la licitation ou de la sollicitation
que lui assuraient nos questions ou nos suggestions. Pour opérer un
travail d'explicitation gratifiant et douloureux à la fois, et pour
énoncer des expériences et des réflexions
réservées>. Certains intervenants, au terme de l'entrevue,
déclaraient eux-mêmes que celle-ci avait été une
occasion de faire le point sur leur carrière et/ou de
réfléchir sur les motifs de certains choix qu'ils avaient faits
au cours de leur vie liée à leur activité illicite de
contrebande. Ce processus d'"auto-analyse> s'est notamment manifesté
chez certains participants à travers un travail de recherche des
"bons> termes au fil de l'entrevue pour construire et exprimer le mieux leur
pensée et expérience. Comme dans tout processus d'explicitation
de soi, certains acteurs adoptaient
successivement des termes ou des formulations diverses pour
expliquer une réalité ou un phénomène donné
comme si la recherche du «bon>> mot ou de la «bonne>>
formule constituait un exercice d'approfondissement de la connaissance des
motifs à l'origine des choix qu'ils ont faits. On a tenu compte de cette
dimension des entrevues lors de l'analyse des données ainsi que dans la
sélection des extraits. On a cherché à sélectionner
les extraits qui rendaient le mieux compte de la pensée des participants
telle qu'elle se manifestait à la suite du travail d'explicitation.
Enfin, l'analyse des données, tant celle provenant du questionnaire que
celle issue des entrevues a été faite en conformité avec
le principe d'exhaustivité. Toutes les informations pertinentes au
regard de notre question de recherche ont été retenues et
soumises au crible de l'analyse. Les résultats de notre enquête
constituent ainsi l'aboutissement d'un travail de construction
d'hypothèses successives sans cesse confrontées à l'apport
de nouveaux matériels.
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