Les raisons économiques qui expliquent la contrebande
tiennent essentiellement au refus d'entrer dans les circuits officiels qui, en
imposant des règles d`échange et d'imposition, rendent certaines
opérations non rentables.
Pour éviter des paiements de taxes diverses, voire une
saisie.
Les opérations de contrebande concernent parfois cette
marchandise particulière qu'est l'argent, lorsqu'il est d'origine
criminelle et qu'il s'agit de le blanchir afin de pouvoir le
réintroduire dans les circuits officiels et, donc, de l'utiliser
librement. Selon la "U.S. Drug Enforcement Administration", le montant total du
marché illégal de la drogue aux USA a été, en 1985,
compris entre 50 et 80 milliards US$, générant plus de 25
milliards US$ de profits, soit plus que les résultats nets
cumulés des huit plus grandes entreprises américaines. Plus des
deux tiers de ces sommes sont, après blanchiment, réinvesties
dans le circuit légal des affaires, partout dans le monde. (Dodds, 1986)
Sous la pression des autorités américaines, de nombreux pays,
autrefois considérés comme des paradis fiscaux acceptent
progressivement souvent à contrec~ur de collaborer pour lutter contre
ces opérations de blanchiment de ce qu'il est maintenant convenu
d'appeler les narcodollars. Il en va ainsi principalement de la Suisse, des
Bahamas et des îles Caïmans. La récente intervention
militaire américaine au Panama permettra de mettre fin aux nombreuses
opérations en cours dans un pays qui jouait le rôle de plaque
tournante. Mais de nouveaux pays semblent prêts à prendre la
relève et à permettre des facilités bancaires sur lesquels
ils ne se montreraient pas trop regardants. Cela semble concerner, en
particulier, les États d'Europe Centrale, fraîchement
émancipés de la tutelle
soviétique qui trouveraient là un moyen rapide
d'accumuler les capitaux dont leurs banques ont tant besoin.
Les mouvements d'argent secrets ne sont donc pas prêts
de cesser. L'objet de cette étude n'est pas de s'attarder sur un aussi
vaste sujet, dans lequel les recherches du Professeur Ingo Walter font
autorité. Citons simplement un chiffre établi par ce dernier,
relatif au déséquilibre du compte courant des échanges
mondiaux (différence entre les recettes et les dépenses
déclarées par les différents pays). En 1983, dernier
chiffre estimé, les dépenses dépassent les recettes de
plus de cent milliards de dollars US. "Comment cela est-il possible? A
moins d'avoir accumulé un tel déficit de nos échanges avec
la planète Mars, il y a manifestement quelque chose d'anormal".
(Walter, 1988)
Pour permettre la rentabilité d'une opération dans
les pays à monnaie non convertible.
A l'exportation, la contrebande peut apparaître quand
la dépréciation du cours officiel de la monnaie locale devient
telle qu`aucune fausse facturation possible ne permettra d'obtenir un paiement
raisonnable. Dans une étude précédente relative au
phénomène de fausses facturations dans le commerce international
avec des pays à monnaies non convertibles (VERNA, 1989), nous avions
défini les situations limites au-delà desquelles les fausses
factures sont impuissantes à résoudre les dilemmes
économiques de certains entrepreneurs locaux. Les principaux cas
étaient :
À l'importation, la contrebande devient la seule issue
lorsqu'il est impossible à l'importateur d'obtenir du gouvernement une
licence d'importation et/ou que les tarifs douaniers sont si
élevés qu'il lui sera ensuite impossible de maintenir des prix de
vente concurrentiels sur le marché intérieur.
La contrebande apparaîtra une fois de plus, à
l'exportation lorsque le premium sur la monnaie de l'acheteur sera trop
élevé et que les autorités refuseront de compenser cela
par une prime suffisante à l'exportation. L'exportateur, du fait d'un
taux de change aberrant de ses devises en monnaie locale, risquera alors de
travailler à perte en obtenant, du change de ses recettes
extérieures, un montant inférieur à son prix de revient
local. (Warner, 1982)
C'est ainsi qu'en Guinée, par exemple, les
autorités avaient été contraintes d'instaurer une bourse
aux diamants où les enchères se faisaient en devises
étrangères (US $ en général) et où les
autorités garantissaient aux vendeurs qu'ils pourraient conserver 30 %
du montant dans ces devises, le solde leur étant payé en monnaie
locale au cours officiel. Moyennant quoi on estimait que, au mieux, entre 10 et
20 % seulement de la production était présentés à
la bourse, le reste disparaissant par des chemins inconnus!
Autre exemple d'importance : celui de l'or. En Chine, fin
1987, on estimait officiellement qu'environ le quart de la production sortait
du pays par contrebande. La raison en est simple. Le gouvernement paye l'or aux
prospecteur privés 20% moins cher que le cours mondial et ce en monnaie
locale non convertible, le yuan. C'est ainsi que la mine de Yangjiang, par
exemple qui produisait 20 kg de métal par an en 1985 n'en a produit que
63 g en 1987. On parle ainsi, au total de la disparition de 25000 tonnes de
minerai aurifère en quelques années. (Franklin, 1988) La
situation n'est pas meilleure en Bolivie. Sur une production potentielle de dix
tonnes par an, trois sont perdues par manque de moyens techniques de
récupération et sur les sept tonnes restantes, une seule entre
à La Banco Minera de Bolivia, les six autres disparaissant
par le biais de la contrebande, ce qui au prix du marché
en 1984 représentait 70 millions de dollars. (UDAPE, 1985)
Citons enfin l'intéressante étude de Robert
Franco (1981) sur le comportement des producteurs de cacao au Ghana qui
démontre clairement que les exportations de contrebande continuent aussi
longtemps que les cours de change de la monnaie locale par rapport aux devises
étrangères n'ont pas été correctement
ajustés, et ce indifféremment du prix payé aux producteurs
en monnaie locale. Car les marchés officiels et parallèles
restent en relation du fait de la contrebande (Macdo, 1982).
Les principaux contrôles que veut détourner la
contrebande à l'exportation concernent des régulations ou des
destinations. Il y a également quelques restrictions quantitatives ou
qualitatives, selon les cas.
Les contrôles de régulation. Citons par exemple
le problème du COCOM. (Comité de coordination sur la limitation
multilatérale des exportations) Les pays membres de cette organisation
(les pays membres de l'OTAN, moins l'Islande plus le Japon) ont mis au point
l'opération Exodus visant à empêcher toute exportation de
matériels "sensibles" vers les pays communistes où à
risque. Ces mesures renforcées ont permis l'appréhension de
nombreux contrebandiers pour un ensemble d'opérations
représentant 250 millions de dollars US de produits de haute
technologie.