2-2-Les entrevues
On a réalisé des entrevues semi dirigées
basées sur trois thèmes élaborés au
préalable afin de recueillir les informations pertinentes au regard des
questions de recherche, et en se fondant sur les activités
délinquantes de chaque acteur interviewé. Les entrevues
étaient ainsi personnalisées. Les trois thèmes
explorés étaient les suivants : (1) le «rationnel» ou
les raisons des intervenants initiaux ou finaux de la contrebande sous-tendant
leurs activités délinquantes, (2) leurs différents modes
opératoires, et (3) les jugements qu'ils portent sur les divers types
d`activités de contrebande qu`ils pratiquent. On a fait part
également des jugements dont ils font l'objet de la part des
autorités locales.
Premier thème : le
«rationnel»
En ce qui a trait au «rationnel» sous-tendant les
pratiques, les questions étaient fondées sur les activités
réelles de chacun des intervenants initiaux ou finaux de la contrebande.
On connaissait ces activités au moment de faire l'entrevue puisque on a
demandé à chaque acteur de parler des motivations justifiant de
leur entrée dans la contrebande sur une copie, quelques jours avant la
date de l'entrevue.
Voici des exemples de questions posées aux
répondants, le cas échéant, dans le cadre de ce premier
thème :
Pourquoi accepte t- ils de participer aux activités
illicites de contrebande?
Peut-on être appréhendé pour participation
à cette activité, y a-t-il une raison particulière
à cela?
Pourquoi les acteurs n`arrOtent pas cette activité
illicite qui est la contrebande de marchandises ?
Existe-il des stratégies qui permettent à
l`acteur de mieux faire passer les marchandises de contrebande sans se faire
appréhender?
Pourquoi les acteurs ont largement concentré leurs
activités dans le district autonome d`Abidjan et non ailleurs?
Les acteurs commettent-ils un certain nombre de contrebande
sur diverses marchandises ? Est-ce leur intérêt pour ces
activités les marginalise?
Est-ce que les acteurs ont des activités d'ordre
politique, social ou communautaire?
Pourquoi les acteurs risquent leur liberté ou leur vie
pour ces activités illicites et non pas pour d`autres activités
plus licites?
Pourquoi les acteurs ne sollicitent l`aide d'un organisme
subventionnaire, de leurs proches ou mOme de l`Etat avant d`entrée dans
la contrebande ?
Deuxième thème : les critères
d'évaluation des différents Modes d'opération de
contrebande
Voici maintenant des exemples de questions qui visaient à
connaître les critères d'évaluation des différents
modes opératoires de contrebande. La première question
était posée à tous les intervenants initiaux ou finaux du
phénomène. Cette première question introduisait une
série portant sur les critères d'évaluation des modes
opératoires.
Lorsque vous obtenez l`information de votre fournisseur que
votre commande est expédiée, pouvez-vous me dire le mode
opératoire que vous utilisez? En d'autres termes, est-ce que vous pouvez
me dire si ce sont vos fournisseurs qui facilitent l`entrée des
marchandises de contrebande, ou si c`est vous qui le faite
à votre propre compte ?
Les questions subséquentes visaient à obtenir
des précisions sur la réponse donnée à cette
première question; elles variaient donc selon la réponse obtenue.
Voici des exemples de questions que nous avons posées aux acteurs ou aux
enquêtés pris sur la base de données des acteurs
témoins de la police, de la douane et la gendarmerie nationale.
Parmi les différents types de contrebande de
marchandises (alimentaires, équipements de construction, drogues,
cigarettes, alcools, voiture de luxe etc.), quels sont ceux, selon vous, qui
ont eu le plus de poids dans la contrebande?
Parmi les marchandises citées, quelles sont celles qui
sont plus soumises au trafic illicite de la contrebande dans des
périodes récentes et plus localisées dans le district
autonome d`Abidjan, et ont eu un poids négatif sur l`économie de
cette localité?
Parmi les différents types de contrebande de
marchandises (traditionnelle, ou documentaire), dont les fournisseurs sont des
groupes de criminels organisés, des complices dans l`administration
publics ou parapublics, dans les entreprises, etc.), quels sont ceux qui ont eu
le plus de poids ces dernières années?
Si vous n'aviez pas eu de complicité dans l`appareil
administratif et judiciaire ivoirien pensez-vous que vous auriez obtenu votre
permanence en matière de contrebande?
Sur quels critères évaluez-vous
l`efficacité de votre mode opération? Que doit contenir un mode
opératoire en matière de contrebande?
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Quelles sont les exigences qu`un mode opératoire impose en
matière de contrebande?
Troisième thème : les
jugements
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En ce qui a trait aux questions portant sur les jugements des
intervenants initiaux ou finaux de la contrebande à l'endroit des
différents types d`activités de contrebande, elles se sont
raffinées et précisées au cours du processus de cueillette
des données. L'accumulation d'informations à propos des jugements
ainsi qu'à propos de la position occupée par ceux qui les
exprimaient au sein de la structure des rapports de force nous a permis
d'identifier les types d`activités valorisées ou dominantes au
sein des groupes criminels, ainsi que les acteurs soit défendant, soit
contestant ces types d`activités. L'identification des types
d`activités dominantes rendait possible, du mOme coup, l'identification
des types d`activités dévalorisées. En ce sens, on peut
dire que les réponses obtenues aux questions portant sur les jugements
nous ont permis de reconstituer progressivement la configuration des rapports
de force entre les différentes conceptions des activités de
contrebande au sein des groupes criminels et de leurs complices.
Il importe d'ajouter qu'un très grand nombre de
contrebandiers, une fois le climat de confiance établi lors de
l'entrevue, portaient spontanément des jugements sur les divers types de
contrebande au sein de leur groupe ainsi que sur la production d`actes de
contrebande immédiats ou plus éloignés. En outre, il est
arrivé à certaines occasions, afin de susciter un jugement de la
part des répondants sur des enjeux d'importance dans leurs
activités et/ou dans leur mode opératoire, que nous rapportions
les opinions de témoins actifs (sans les identifier) que nous savions
contraires ou différentes des leurs. Cette stratégie portait
fruit dans la très grande majorité des cas.
Voici quelques exemples de questions que nous avons posées pour
connaître les jugements des intervenants initiaux ou finaux de la
contrebande en tenant compte des bases de données de la police, les
douanes et la gendarmerie nationale.
Que pensez-vous des critères d'évaluation de vos
modes opératoires pour ce qui concerne les activités de
contrebande ?
Comment classez-vous vos activités ? sont-elles de l`ordre
du normal ou de l`anormal?
Que pensez-vous des fournisseurs, acheteurs vendeurs ou
revendeurs qui, au sein d`un réseau bien ficelé font
prospérés la contrebande, dans le district d`Abidjan?
Que pensez-vous de vos complices directs au sein de votre
groupe?
Êtes-vous d'accord de travailler en leur compagnie?
Considérez-vous que les activités de contrebande
sont meilleures que les activités de commerce légal ?
Vous avez employé plusieurs modes opératoires
dans votre carrière criminelle ; quels sont ceux que vous avez le plus
employé et dont l`efficacité ne fait aucun doute?
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