La politique industrielle et le développement économique au Burkina Faso( Télécharger le fichier original )par Métebrenda Bertin Sosthène KABORE Université catholique de l'Afrique de l'Ouest/ unité universitaire de Bobo- Dioulassso - Master 1 2010 |
1.2 Analyse de la situation industrielle du Burkina Faso : les produits industriels et transformés
La taille du secteur manufacturier burkinabé est estimée à 11% du PIB, mais le secteur industriel moderne est beaucoup plus petit. Un rapport du MCPEA l'estime à seulement 2% du PIB2(*). Sa contribution à l'emploi est encore plus modeste : 8 pourcent de l'emploi salarié, 2,3 pourcent de l'emploi total3(*). Le secteur moderne comprenait 72 unités de production en 2005, dont sept concentraient 78% du total de la valeur ajouté (2004). Le secteur textile, essentiellement l'égrenage du coton, contribue 37% de la valeur ajouté du secteur industriel moderne. L'agroalimentaire compte pour encore 32%. Le secteur est donc très peu diversifié. Dans ce chapitre, le secteur est défini de façon plus large pour incorporer des produits transformés dans le secteur informel et capable d'être exportés, tel que le beurre de karité et les produits d'artisanat d'art. Par contre, l'égrenage du coton et l'abattage des animaux sont couverts dans les chapitres qui traitent ces filières. La filière agro-alimentaire est encore peu développée au Burkina Faso. La transformation des produits agricoles tels que la production de beurre de karité et d'huiles végétales est encore largement artisanale et peu portée vers l'industrialisation. Une grande partie de ces produits sont exportés sans transformation vers d'autres pays dans la sous-région où ils sont transformés pour la consommation locale ou la réexportation vers les marchés européens. Mais il y a quelques créneaux porteurs tel que les fruits et légumes séchés, dont le chiffre d'affaires va au-delà d'un milliard FCFA. La plus grande exportation de produits transformés (à part la fibre du coton) est les cuirs et peaux, qui ont atteint une valeur importante de plus que 20 milliards FCFA (40 million $US), plutôt 5,5 milliards FCFA selon le MCPEA4(*). C'est aussi un des seuls produits transformés exporté en dehors de la sous-région. L'autre est le sucre, avec une valeur de 4,8 millions $US en 2003 et 20045(*), qui bénéficie d'un quota européen sous l'accord Lomé, mais aura probablement du mal a gardé ce marché autrement. Une petite gamme d'autres produits du secteur manufacturier moderne est exportée aux pays voisins pour un total estimé à 12 milliards de FCFA (24 millions $US) dont la moitié est les cigarettes (6,2 milliards de CFAF en 2004). Les pays enclavés comme le Burkina Faso sont mal placés pour développer des industries d'exportation. Beaucoup de ces industries dépendent d'un certain nombre d'intrants importés et c'est normalement plus facile pour un pays côtier d'assurer leur fourniture régulier et à moindre coût. Le marché pour les produits manufacturiers est aussi assez limité au Burkina Faso. Ainsi, des pays comme la Côte d'Ivoire et le Sénégal se sont toujours jouis d'une base industrielle plus grande. Le processus d'agglomération dans ces centres de production s'est aggravé avec la création de l'UEMOA et l'élimination des droits de douanes sur le commerce communautaire pour les produits qui répondent aux règles d'origine. La crise ivoirienne a peut-être ralenti cette évolution, mais cet effet n'est que temporaire. Le renforcement de l'intégration et le libre échange au sein de la CEDEAO risque de favoriser le Ghana et le Nigéria. Les corps gras L'huile de graine de coton Il existe actuellement deux usines au Burkina et une centaine d'unités de production artisanale d'huile de graine de coton. Alors que les unités artisanales produisent uniquement pour le marché local, on estime que 20 pourcent de la production industrielle est exportée, essentiellement dans la sous-région. Jusque récemment, les deux producteurs industriels souffraient de la concurrence des huiles de cuisson importées, originaires essentiellement d'Asie, qui étaient vendues bien moins cher sur le marché local et les marchés de la sous-région. La plupart des produits importés échapperaient, dit-on, au paiement des droits de douane et de la TVA. De ce fait, les usines locales fonctionnaient très en-dessous de leur capacité de production. Mais, la situation a changé en 2004 avec la hausse des coûts de transport qui a réduit l'avantage compétitif des produits importés. Aujourd'hui, la principale usine fonctionne presque à pleine capacité et, signe d'une confiance retrouvée, DAGRIS, le propriétaire majoritaire de cette usine, envisage d'en construire une seconde. Le beurre de karité Le Burkina Faso est le premier producteur mondial de noix de karité, mais moins de 10% des exportations se font sous la forme de beure de karité produit localement. Ces ventes sont essentiellement destinées à entrer dans la composition de produits cosmétiques plutôt que l'industrie alimentaire qui représente le gros du marché. Plus de transformation se fait dans trois usines situées dans la sous-région et, pour le reste, en Europe, où, par un procédé industriel impliquant une extraction mécanique et des solvants chimiques, les noix sont transformées en un corps gras végétal. On estime que 75 % de la production locale de beurre de karité est obtenue au moyen d'un procédé artisanal laborieux demandant beaucoup de temps. Les noix sont transformées en un corps gras utilisé comme base pour des crèmes pour la peau, des lotions capillaires ou des produits pharmaceutiques, vendus essentiellement sur le marché local. Quelques unités de transformation sont passées à un stade semi-industriel, en faisant appel à un procédé qui facilite grandement la production et améliore la qualité du produit. La SN-CITEC est la seule usine burkinabé produisant industriellement du beurre de karité, en annexe à sa principale activité d'extraction de sous-produits de la graine de coton. Le cours international des noix est fixé par des acheteurs multinationaux. Il est resté assez bas mais stable, fournissant une source restreinte de revenu complémentaire aux femmes qui pratiquent la cueillette des fruits. Bien que les marges soient beaucoup plus élevées dans les produits de beauté que dans l'industrie alimentaire, le cours du beurre est resté lié, jusqu'ici, au cours du marché mondial des noix et ne tient guère compte de la valeur ajoutée localement. On peut s'attendre à ce que la transformation de la noix de karité en corps gras alimentaire reste l'apanage de deux ou trois multinationales, mais l'utilisation du beurre de karité comme base pour des produits de beauté laissera des possibilités à des producteurs spécialisés pour les trois raisons suivantes : (i) il est généralement reconnu que dans le procédé de transformation industrielle un certain nombre de propriétés intéressantes du produit sont perdues ; (ii) dans l'industrie cosmétique, l'absence de traces de produits chimiques est considérée comme un atout et (iii) il y a une demande croissante et insatisfaite de produits certifiés organiques. Il reste donc des possibilités pour accroître les revenus des productrices burkinabé, par l'exportation de beurre de karité plutôt que de noix. Le rêve de nombreuses organisations sahéliennes était de pouvoir faire monter fortement le prix payé aux producteurs grâce à une activité de transformation dans les villages ou à une fabrication industrielle plus évoluée et à plus grande échelle de produits intermédiaires à base de beurre de karité. Par contre, la biochimie du beurre de karité est assez complexe, ce qui représente un défi considérable pour la délocalisation d'une part importante de l'activité de transformation industrielle en Afrique plutôt qu'en Europe. En effet, lorsque le beurre de karité contient des impuretés, il peut facilement rancir au cours d'un transport à longue distance. En outre et comme pour la transformation du cacao, il y a une préférence des grands acheteurs et transformateurs Non-africains de conserver pour eux-mêmes le raffinage ultime du produit et l'importante valeur ajoutée qui en découle. Il y a un consensus parmi les acheteurs internationaux de beurre de karité : pour que le beurre fabriqué localement concrétise son potentiel commercial, il faut une profonde restructuration de la filière. Les efforts passés pour associer les petits producteurs avec les acheteurs internationaux ont eu des résultats au mieux divers, malgré une série de programmes financés par des donateurs, qui avaient procuré, à des groupes de producteurs, de la formation et des équipements afin d'améliorer la qualité de leur produit. La capacité de petits groupes de producteurs à établir des liens durables avec une niche de marché très segmentée et en évolution rapide en fournissant, en temps voulu, un produit conforme aux normes internationales de l'industrie cosmétique est limitée par l'insuffisance de leurs connaissances en gestion et de leur accès au crédit. De ce fait, les fabricants internationaux de produits de beauté se procurent leur beurre de karité essentiellement auprès de producteurs multinationaux, car si sa qualité industrielle est inférieure à l'optimal, du moins est-elle constante et fiable. Les cuirs et les peaux Cette filière est très dépendante de celle de la viande puisque le nombre de peaux est fonction de l'activité des abattoirs, réglementés et non- réglementés. Il y a trois groupes d'acteurs principaux dans cette filière :
privatisées. Le TAN-ALIZ peut exporter plus de 3 millions de peaux de chèvres et de moutons et environ 25.000 peaux de bovins par an. Cette tannerie représente 85% de l'ensemble de la production de cuirs et peaux et la presque totalité des exportations. Sa capacité est limitée par son inaptitude à collecter un nombre suffisant de peaux brutes d'une qualité acceptable. Une petite partie seulement de sa matière première vient de l'abattoir officiel de Ouagadougou, le reste venant d'un large réseau de collecteurs qui ramassent les peaux d'abattoirs informels ou semi-officiels du Burkina et de pays voisins. Les principaux marchés d'exportation sont l'Europe où le produit burkinabè est considéré comme offert à un prix compétitif. Si le marché européen pour divers types de peaux et de peaux semi-transformées (stade « wet blue », etc.) est énorme, il est très concurrentiel. Les acheteurs européens sont surtout intéressés par les peaux semi-transformées, car le produit brut entraîne des coûts de transport plus élevés et la première transformation soulève des problèmes d'environnement qui ont causé son déclin en Europe. La transformation au-delà du stade « wet blue » nécessite, elle, un haut niveau de savoir-faire et c'est là que les Européens ont bâti leur réputation. Le cuir de chèvre et de mouton est utilisé pour les chaussures, le vêtement et les accessoires, l'utilisation finale étant déterminée par la qualité de la peau qui, elle-même, dépend de la façon dont l'animal a été élevé puis abattu. La demande mondiale de peaux semi transformées est forte et devrait encore s'accroître, tout déclin de la demande européenne étant plus que compensé par une augmentation de la demande asiatique. TAN-ALIZ s'est établi une réputation de fournisseur fiable de peaux de chèvre et de mouton de qualité moyenne et c'est la seule grande unité industrielle de la sous-région capable de satisfaire les normes internationales. Elle pourrait fortement accroître ses revenus d'exportation par une combinaison d'accroissement de l'offre et d'amélioration de la qualité du produit. Ainsi elle est fortement liée à l'organisation et l'avenir de la filière. Augmenter l'offre dépendra beaucoup de la transformation des exportations d'animaux vivants à l'exportation de la viande. Améliorer la qualité exigera un changement des pratiques d'élevage et d'abattage. La société TAN-ALIZ est un cas intéressant car elle bénéficie d'un monopole de fait pour l'exportation des cuirs et peaux qui pourraient être sujet de débat. Pourquoi ne pas encourager la compétition dans ce secteur ? Est-ce qu'il n'y a pas un effet négatif sur les producteurs ? Par contre, son succès à répondre aux normes internationales et à exporter des volumes signifiants est impressionnant. Le fait que son marché est international veut dire qu'elle fait face à la concurrence pour son produit et est obligé, donc, à maintenir sa compétitivité. En plus, les cuirs et peaux sont des produits marginaux pour les éleveurs. Ceux ne sont pas les raisons pour élever les animaux. C'est possible même que la présence d'une telle tannerie augmente la demande pour ces produits secondaire. Finalement, les éleveurs ont aussi la possibilité d'exporter les cuirs et peaux sur les animaux vivants. Il y a sans doute des exportations transfrontalières des cuirs et peaux de façon informelle. Tant que ces options demeurent, les abus de ce monopole sont probablement mineurs. Mais ce serait utile de lancer une étude sur cette composante de la filière, à la fois pour améliorer l'offre, augmenter la transparence, et renforcer si possible les bénéfices aux pauvres. Les textiles L'industrie textile est établie en Côte d'Ivoire et au Sénégal depuis 50 ans et depuis plus de 35 ans au Bénin, Burkina, Mali, Niger et Togo, mais l'expérience a partout été décevante. Les quatre plus gros pays producteurs (Bénin, Burkina, Côte d'Ivoire et Mali), transforment aujourd'hui moins de 5 pourcent de leur production de fibre, alors qu'ils en transformaient 25 pourcent il y a 25 ans. FASO FANI a été la principale industrie textile du Burkina, allant du tissage à la confection. Comme elle faisait de grosses pertes, elle fut fermée à la fin des années 90. La partie impression a été récemment remise en marche, et la société est restructurée sous le nom de FASOTEX. Mais en 2007 elle était toujours à la recherche des investisseurs internationaux. Comme l'équipement est devenu obsolète et les tissus doivent être importés, elle ne peut fonctionner qu'avec des subventions. Le seul autre fabricant de textile qui fonctionnait au Burkina Faso en 2006 était la Filature du Sahel (FILSAH), une usine de filature qui a été fondée en 1997. Située à Bobo- Dioulasso, elle emploie actuellement 80 ouvriers permanents et 90 travailleurs temporaires et a une capacité de 5.400 MT de fil de coton fin par an. La compagnie a été sévèrement frappée par la crise en Côte d'Ivoire qui était son marché d'exportation principal, fournissant plus de 50% de sa production aux usines textiles de COTIVO et FTG. En 2005, son degré d'utilisation de capacité avait diminué à 10 pourcent. La société a été restructurée avec un rééchelonnement de ses dettes et l'injection d'un nouveau capital par le Fonds Burkinabé de Développement économique et Social et par SOFITEX, qui détient maintenant 37,5 pourcent des parts. Elle transforme aujourd'hui 1 pourcent de la production nationale de fibre et doit être subventionnée. Dans le cadre de son nouveau plan d'affaires, la société prévoit d'exporter principalement vers le Maghreb et l'Europe. Cependant, ses perspectives sont incertaines dans la mesure où elle fait face à la rude concurrence mesure où elle fait face à la rude concurrence deux marchés. Le handicap principal de l'entreprise est sa structure de coût où l'électricité prend une part disproportionnée (Tableau 5). La société projette d'augmenter sa production jusqu'à 50 pourcent de sa capacité, mais à ce niveau sa marge brute serait toujours une fraction de ce qui serait nécessaire pour couvrir ses frais généraux et la dépréciation. Quant aux délais de livraison, la société aura des difficultés pour concurrencer les fournisseurs turcs qui peuvent livrer leurs produits en trois jours comparés à un délai de livraison de quarante jours pour FILSAH. Tableau 5: structure des coûts directs de la FILSAH
Le Sahel dispose d'un avantage comparatif dans la production de coton graine qui est cultivé manuellement dans des zones où le coût d'opportunité de la main-d'oeuvre familiale est très faible. Mais le Sahel n'a pas d'avantages comparatifs dans la transformation de la fibre en filets, qui constitue le premier échelon de la filière textiles/ habillement. Cette première étape emploie peu de main d'oeuvre non spécialisée, mais elle requiert des machines et beaucoup d'électricité qui est très chère au Sahel et au Burkina en particulier. Comme le montre le Tableau ci-dessous, le coût de la main d'oeuvre burkinabé se situe parfaitement dans la gamme des coûts du travail des pays concurrents mais la compétitivité d'une filature au Burkina est gravement altérée par le coût de l'électricité. Tableau 6: Structure des coûts des filatures de quelques pays (Unités : USD/Kg de fil de coton)
Source : ITMF - Comparaison des coûts de production La BOAD a financé en 2003 une étude visant à définir une stratégie de développement de l'industrie textile à l'échelle de l'UEMOA et à identifier les niches qui pourraient être les plus profitables, notamment dans la confection. Les auteurs présentèrent une stratégie qui devait permettre d'accroître la part de la production de coton transformée au sein de l'UEMOA de 5 pourcent en 2003 à 25 pourcent en 2010. Mais, selon les auteurs, les investisseurs devraient recevoir une subvention de 30 pourcent sur leurs achats de fibre et cette subvention devrait être garantie pour trente années au moins6(*). Une seconde étude couvrant l'Afrique du Centre et de l'Ouest a été engagée l'année suivante par la Banque Mondiale. Les auteurs ont noté que les investisseurs ne seraient intéressés que s'ils recevaient des conditions de faveur multiples: subventions sur les intrants et les transports, prêts d'investissement concessionnels et exonérations d'impôts7(*). Une troisième étude fut faite par la FAO en 2005. Selon les auteurs, les investisseurs devraient recevoir une subvention de 40 pourcent sur le coton fibre ; l'électricité et l'aménagement des usines devraient également être subventionnés. Les auteurs concluaient « La stratégie proposée est à la fois ambitieuse et risquée, et le taux de rentabilité interne serait très faible...Le risque de la composante textile et vêtements serait très élevé8(*). » Une quatrième étude couvrant les quatre pays cosignataires de l'Initiative coton fut organisée par la Banque mondiale. Les conclusions confirmaient ceux de la seconde. « Dans les quatre pays concernés, l'industrie du textile et de la confection est tombée dans une situation précaire. On assiste aujourd'hui à un désinvestissement. Attirer de nouveaux investisseurs dans une région où les investisseurs établis ferment leurs portes ne serait pas tâche facile9(*) ». Selon les auteurs, l'activité la plus prometteuse consisterait à utiliser les déchets des usines d'égrenage pour fabriquer des toiles d'emballage pour les balles de coton ; mais ceci joint aux activités artisanales ne couvrirait que 2 pourcent de la production de fibre. Viendrait ensuite la production de tissus pour confectionner les uniformes de l'armée, de la police et des écoles. Mais « comme les uniformes sont aujourd'hui confectionnés par des tailleurs locaux, cela ne générerait pas grande activité en aval. Il faudrait probablement 5 à 10 ans avant d'arriver à l'exportation de tissus et 15 à 25 ans pour créer une chaîne de confection destinée à l'exportation10(*) ». En bref, Burkina ne peut pas disposer d'une industrie textile compétitive dans le court ou le moyen terme. Autres produits manufacturiers Le reste du secteur manufacturier consiste principalement en entreprises de substitution d'importations dans un nombre limité de sous-secteurs pour un petit marché intérieur caractérisé par un faible pouvoir d'achat. Peu de ces sociétés sont confrontées à la forte concurrence d'autres fabricants locaux du secteur formel. Mais il y a souvent de la concurrence venant du secteur informel ou des importations, et des fois de manière `déloyale'. Par exemple, dans le cas des labels pour l'huile végétale, une entreprise moderne était préoccupée par la contrefaçon de ses labels par les producteurs locaux. Aussi ils doivent souvent concurrencer des importations bon marché, dont une partie significative est importée frauduleusement. Dans quelques sous-secteurs seulement les sociétés ont pu établir une base d'exportation, et seulement à titre d'essai (Tableau 6.3). Il faut noter que les producteurs qui sont les plus concurrentiels et qui projettent d'augmenter leurs exportations (boissons non alcoolisées, pesticides) sont essentiellement des fabricants qui peuvent produire une large gamme de produits basés sur un nombre limité d'ingrédients importés. Ceci leur donne la capacité d'adapter rapidement leurs produits à une demande changeante et de maintenir les délais de livraison. Lors de l'enquête informelle réalisée pour la présente étude, aucune des sociétés interviewées n'a établi des liens significatifs en amont avec les fournisseurs locaux. Les raisons données incluent le manque de compétitivité des produits locaux en termes de prix et de délais de livraison, et les difficultés d'obtenir le remboursement de la TVA dû aux exportateurs. Dans un cas, il s'est avéré plus facile d'importer le même produit (emballage) hors taxes.
Il y a un consensus fort parmi ces sociétés sur les obstacles principaux auxquels elles font face. Les restrictions sur l'emploi des travailleurs temporaires ont obligé toutes ces sociétés à employer une partie significative de leur main d'oeuvre par l'intermédiaire d'agence de travail temporaire; dans le cas de productions saisonnières telle que celle de pesticides, cette proportion peut atteindre deux tiers de leur main-d'oeuvre totale. Les coûts de la main-d'oeuvre qui en résultent peuvent être deux fois plus élevés qu'en cas d'embauche sans intermédiaire, et comme les agences d'emploi ne garantissent pas qu'elles fourniront le même travailleur la prochaine fois, les entreprises sont souvent obligées de former de nouveaux ouvriers temporaires à chaque fois. Les importations frauduleuses sont clairement considérées comme un problème important par la plupart des entreprises de substitution des importations. Dans le cas du producteur de pneu, ce problème mine de manière significative sa compétitivité et limite son potentiel d'exportation dans la sous-région. Les producteurs de boissons non alcoolisées sont également confrontés au problème des importations frauduleuses mais leurs capacités à présenter rapidement de nouvelles saveurs et différentes tailles de bouteille leur permettent de jouer sur la variété du produit et, dans une moindre mesure, sur le prix. L'unique fabricant local de pesticides vend la majeure partie de sa production sous contrat aux trois compagnies cotonnières; ses principaux concurrents sont les grands producteurs multinationaux de pesticides, dont aucun ne fabrique localement. Les entreprises projettent de pénétrer le marché de détail local mais là, elles devront concurrencer les importations bon marché d'Asie. L'Artisanat Le Burkina Faso est généralement reconnu comme un centre régional pour la production d'artisanat avec une large gamme de produits enracinés dans les traditions locales. Les produits typiques incluent les masques en bois, les boites en cuirs, les statuettes en bronze, la poterie en céramique et les travaux ethnographiques. L'importance du Burkina Faso en tant que producteur d'artisanat est reflétée dans le Salon International de l'Artisanat de Ouagadougou (SIAO), une foire commerciale bisannuelle qui est considérée comme la foire commerciale d'artisanat incontournable d'Afrique de l'Ouest et devient de plus en plus prisée par les acheteurs étrangers. Avec moins d'un pourcent du total des exportations, l'artisanat représente toujours qu'une petite partie des revenus totaux d'exportation mais cette proportion est en augmentation et les revenus d'exportation ont doublé depuis 1998. D'ailleurs, le secteur est un important créateur d'emploi. Bien que les statistiques fiables sur l'emploi dans l'artisanat sont rares voire inexistants, une étude récente estime que 900.000 personnes (dont 500.000 des femmes) tirent la totalité ou une partie de leurs revenus de ce secteur11(*). Le gros de leur production est pour le marché local. Néanmoins, le secteur comprend environ 50 exportateurs, dont la plupart sont des opérateurs informels qui collectent leurs produits auprès de réseaux de producteurs artisanaux et les vendent par l'intermédiaire des foires commerciales étrangères ou aux acheteurs de passage. Seulement une poignée d'exportateurs ont réussi à établir des contacts réguliers avec des acheteurs internationaux.
Le secteur a été l'objet d'un appui considérable des bailleurs, dont une grande partie s'est concentrée sur le Village Artisanal de Ouagadougou (VAO)12(*). Ce centre regroupe 70 unités de production, employant 500 ouvriers ; ses revenus en 2005 approchent CFAF 360 million (720.000 $US). Son principal appui a été LUX-DEVELOPMENT qui a soutenu le centre depuis 1997 mais il est prévu que ce soutien se termine en 2007. Le village a atteint l'autofinancement des ses frais généraux de fonctionnement. Cependant, il est sous pression d'augmenter ses revenus car il n'est pas certain que la structure sera viable sans appui externe au delà de cette date à son niveau actuel de performance. Le marché mondial pour les produits et les accessoires d'artisanat est en plein essor mais il est dominé par des fournisseurs d'Asie et d'Amérique Latine. Cette domination conduit un nombre de plus en plus important d'acheteurs internationaux à rechercher de nouveaux designs et des sources alternatives d'approvisionnement, mais jusqu'ici l'Afrique Sub-saharienne est resté encore relativement inexplorée à cause des inquiétudes concernant la fiabilité de l'approvisionnement et l'uniformité de la qualité. Le marché américain pourrait représenter une importante opportunité d'exportation pour les producteurs d'Afrique de l'Ouest, d'autant plus que leurs produits bénéficient d'un accès exempté de droits de douanes dans le cadre de l'accord AGOA. Ce marché est fortement segmenté et comprend des magasins de détail traditionnels, des grands magasins, des boutiques, des catalogues, des marchés et de plus en plus, des points de vente Internet. En outre, il y a une demande croissante de produits Afro-centraux de la classe moyenne afro-américaine satisfaite par l'intermédiaire d'un réseau de foires d'Églises et de catalogues spécialisés. Les différences régionales de goût sont beaucoup moins prononcées aux États-Unis qu'en Europe et par conséquent, chaque segment du marché des États-Unis représente une opportunité de vente beaucoup plus homogène et plus importante. Néanmoins, seul un nombre restreint d'exportateurs d'Afrique de l'Ouest est parvenu à établir des relations durables avec un ou plusieurs de ces segments. Au Burkina Faso, l'activité artisanale est surtout individuelle ou familiale. Cette caractéristique est à la base de ses difficultés de conquête de marchés internationaux pour trois raisons essentielles : i) le manque d'organisation des artisans qui les empêche de réaliser des commandes importantes ; ii) le manque d'expertise technique en commerce international qui fait que le marketing n'est pas du tout professionnel et dépend davantage de contacts personnels ; et iii) l'insuffisance de connaissances sur les tendances du design qui se traduit par une production d'articles non adaptés au commerce international. Les quelques exportateurs d'artisanat de la région qui ont réussi à s'établir partagent les principales caractéristiques suivantes :
producteurs d'artisanat ;
capacité d'adapter rapidement les produits en conséquence ;
habituellement plus d'une personne. Le VAO, à première vue, est bien placé pour répondre à ces conditions mais ses performances sont handicapées par ses deux missions qui sont plutôt difficiles à combiner : (a) devenir un exportateur rentable des produits artisanaux sur un marché d'exportation exigeant et en constante évolution ; et (b) fournir une plateforme pour le renforcement de capacité et le plaidoyer pour ses membres. La première mission exige une structure de gestion efficace, de faibles frais généraux et une bonne expertise technique et de commercialisation. La deuxième mission mène typiquement à une structure ONG ou coopérative qui, l'expérience l'a montré, résulte rarement en une performance durable d'exportation. Dans le cas du VAO, le fait que son fonctionnement est sous la tutelle de la Chambre de Commerce et que sa gestion est dirigée par une personne salariée mène à la conclusion que la deuxième mission a pris le pas sur la première. Il faut reconnaitre que le VAO a réussi à jouer un rôle important dans le renforcement de capacités des artisans. Néanmoins, son performance à l'exportation, le focus principal de ce rapport, n'a pas encore atteint son potentiel. Son mode de fonctionnement plutôt coopératif risque d'handicaper sa capacité d'exercer des contrôles adéquats sur la production et la qualité de ses producteurs ; du coté commercial la structure n'a pas encore réussi d'établir un réseau de clientèle durable sur les principaux marchés d'exportation, malgré des années d'assistance technique dans le développement du produit, de visites des foires commerciales internationales etc. Les investissements substantiels qui ont été faits au cours du temps dans les bâtiments, l'équipement et le capital humain devraient permettre au VAO de jouer un rôle primordial dans l'accélération des exportations d'artisanat au Burkina Faso mais pour cela, il faudrait revoir sa structure de gestion, son plan d'affaires, et son mode de fonctionnement. L'exploitation industrielle Le Gouvernement du Burkina Faso a déjà montré sa ferme volonté de faire la promotion de ce secteur avec : - l'adoption du Code des investissements miniers en 1993 ; - l'adoption d'une Déclaration de politique minière en 1996 suivie de réformes subséquentes menées dans le cadre du PRECAGEME ; - l'adoption du Code Minier de 1997 ; - l'adoption d'un nouveau Code Minier en 2003 qui accorde plus d'avantages fiscaux et douaniers aux investisseurs miniers. Cependant des problèmes subsistent de nature à retarder les investissements miniers, et partant, freiner l'accélération des exportations de produits miniers. Ces problèmes résident dans l'interprétation de la loi minière par les différents acteurs notamment les fonctionnaires des services des impôts et des douanes. Cette situation a été soulignée par la quasi-totalité des investisseurs miniers interrogés, qui constatent des retards importants dans le traitement de leurs dossiers alors que les délais accordés pour la durée de vie des permis sont limités. Par ailleurs des lenteurs sont accusées dans le remboursement de la TVA qui est payée en avance sur les intrants et cette situation prive parfois les sociétés minières de trésorerie alors que les fonds investis sont des fonds à risque. Les compagnies évoquent également la non-exonération de certains services fournis par les compagnies de géo-services qui répercutent alors les coûts de la TVA sur les factures des commanditaires, ce qui rend l'exploration très onéreuse au Burkina. Les compagnies minières souhaiteraient une exonération pure et simple de la TVA comme c'est le cas dans les pays voisins. Par ailleurs l'application stricte du régime des admissions temporaires (AT) à certains matériels et équipements gêne leurs travaux lorsque la compagnie opère sur plusieurs permis (ce qui est le cas pour certaines d'entre elles qui opèrent jusqu'à 18 et même 28 permis à la fois). Quelques compagnies ont évoqué le problème des emplois temporaires. Le Code du Travail prévoit qu'un contrat temporaire renouvelé plus de deux fois devient définitif alors que l'exploration étant aléatoire les compagnies ne peuvent recruter du personnel permanent. Les compagnies souhaiteraient donc soit la révision du Code du Travail, soit l'inclusion dans le Code Minier d'éléments relatifs aux emplois temporaires. Ces sociétés ont aussi cité des retards importants dans l'obtention des documents, l'interprétation des textes législatifs par les fonctionnaires de manières différentes à chaque situation, et une interprétation plus souple par le Ministère des Mines que par le Ministère des Finances et Budget. Pour faire face à ces situations, il est recommandé l'organisation d'ateliers et de séminaires d'échanges et de formation à la connaissance et à l'application des textes législatives et réglementaires du secteur minier, afin que tous les acteurs puissent s'informer, se comprendre et parler le même langage dans l'interprétation des textes miniers. En effet le Ministère des Mines, des Carrières et de l'Énergie et celui de l'Économie et Finances ont mis en place une commission mixte de concertation entre les acteurs, pour une meilleure information sur les rôles et les missions de chacun. Le secteur industriel a contribué pour 23% à la formation de la valeur ajoutée en 2008. Cette contribution est soutenue par l'industrie manufacturière, l'agroalimentaire, les BTP et les industries extractives dont la contribution croît depuis 2006. L'industrie burkinabé est très peu exportatrice. Les principaux produits exportés sont le coton fibre et l'or. En effet, les exportations en valeur de ces produits ont représenté respectivement 35,74% et 22,6% de l'ensemble des exportations du pays en 2008. La contribution de l'or était de 8% en 2007. Avocet Mining TLC a investi 125 milliards de francs CFA (quelque 190 millions d'euros) pour les recherches et la construction de la mine d'Inata, dont la durée de vie est estimée à sept ans. L'ouverture de cette mine porte à cinq en moins de trois ans le nombre de mines d'or entrées en production au Burkina Faso après Taparko et Youga (centre-sud), Mana (ouest) et Kalsaka (nord). Selon le Fonds monétaire international (FMI), les exportations de coton ont rapporté 120 milliards FCFA (environ 180 millions d'euros) à l'Etat en 2009, contre "autour" de 180 mds FCFA pour l'or (plus de 270 M EUR). Pour 2010, le FMI table sur des revenus de 300 mds FCFA (plus de 450 M EUR) pour l'or contre seulement 100 mds FCFA (150 M EUR) pour le coton. * 2 _ MCPEA, Rapport sur l'Industrie au Burkina Faso 2003-2004, Juillet 2005 * 3 _ Banque mondiale, Creating Better Jobs for Poverty Reduction in Burkina Faso, Oct. 2006 * 4 _ Le premier chiffre vient du comité de la balance des paiements, MFB, le deuxième du Rapport sur l'Industrie au Burkina Faso 2003-2004, MCPEA * 5 _ www.faostat.org * 6 _ «Étude d'identification et de promotion d'unités régionales dans la filière coton de l'UEMOA » mars 2003, encadré 47, page 65 * 7 _ Padeco study, volume 2, février 2004, sommaire exécutif. * 8 _ Page 67.Une subvention d'un milliard FCFA pour 4000 tonnes de fibre est équivalente à une subvention de 40% sur le prix de la fibre carreau usine [620=680-60 (coût usine mise à FOB)]. 40% =100.000/ (4*620). Page 65 section 9.3.1 et page 66 section 9.3.5. * 9 _ Rapport daté de décembre 2005 et reçu en février 2006. * 10 _ Ibid. * 11 _ UEMOA, Etude sur la compétitivité sectorielle des économies des pays membres de l'UEMOA, 2005. * 12 _ Cette section a bénéficié des discussions le comptable du VAO, plusieurs représentants du LUXDEVELOPPEMENT à Ouagadougou et à Niamey, un expert du West Africa Trade Hub de l'USAID, et les commentaires de la Directrice Générale du VAO. |
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