II-2: Les principales méthodes de blanchiment
d'argent: cas du secteur bancaire
Comme par le passé, les banques demeurent un
mécanisme important pour l'écoulement des revenus de la
criminalité. Les experts ont signalé plusieurs formes
d'activité qui tendent a indiquer l'existence d'opérations de
blanchiment d'argent dans le secteur bancaire.
- Les méthodes traditionnelles de blanchiment d'argent
dans le secteur bancaire
L'une de ces activités est l'utilisation de
comptes sous des faux noms, ou au nom de personnes ou d'intérêts
opérant pour d'autres bénéficiaires. Dans
cette dernière catégorie entrent différents
intermédiaires utilisés pour le blanchiment des capitaux,
notamment les membres des professions juridiques et les comptables. Elle
comprend aussi les sociétés écrans. Dans tous les cas, les
comptes sont utilisés pour faciliter le dépOt ou le transfert de
fonds illégaux. Souvent, on se trouve face a une superposition complexe
de
transactions faisant intervenir des comptes multiples au nom
de multiples personnes, entreprises ou sociétés écrans.
Les experts ont noté plusieurs caractéristiques prouvant
l'existence du blanchiment des capitaux par l'intermédiaire de tels
comptes. Par exemple, les opérations observées sur ces comptes
concernent souvent des montants plus importants que ceux auxquels on pourrait
s'attendre compte tenu de la nature prétendue de l'activité du
titulaire du compte en question. En outre, la documentation
présentée a l'appui des opérations, comme les contrats de
prêts, les garanties, des contrats de vente ou d'achat ou les lettres de
crédit, est souvent fausse ou entachée de vices juridiques. Si le
titulaire du compte est une entreprise, celle-ci a souvent été
constituée en société ou enregistrée auprès
de la chambre locale du commerce peu de temps auparavant. En outre, dans bon
nombre de cas, les parties a la transaction semblent être liées.
De fait, il se peut que ce soit une seule et même personne. Ces tendances
ont été particulièrement apparentes dans les comptes
ouverts et utilisés par des particuliers ou des entreprises ayant des
liens avec l'ex-Union soviétique et l'ex-bloc de l'Est7.
Une autre tendance identifiée par les experts en lutte
contre le blanchiment d'argent est l'utilisation de bureaux de
représentation des banques étrangères pour écouler
les revenus provenant d'activités criminelles. En
effet, les bureaux de représentation peuvent offrir un avantage
important pour les blanchisseurs de capitaux. Dans certains pays, mais pas dans
tous, ces bureaux peuvent accepter des dépOts puis transférer les
fonds sur leurs propres comptes auprès d'une banque locale, sans
divulguer l'identité des déposants et des
bénéficiaires.
Outre celles décrites ci-dessus, d'autres techniques
habituelles du blanchiment de capitaux continuent d'occuper une place
importante dans le secteur bancaire. Les transferts
électroniques restent un instrument essentiel a toutes les
étapes du processus de blanchiment. En effet, les transferts
électroniques permettent a la fois d'opérer des dépOts ou
des retraits entre deux ou plusieurs comptes. Les transactions (dépOts
ou retraits) sont très souvent fractionnées
(réalisées a des valeurs peu significatives), même lorsque
la déclaration des transactions importantes en espèces
8 n'est pas obligatoire. En outre, d'importants dépOts en
espèces sont encore effectués dans certains secteurs, en
particulier par des individus et des intérêts liés a
l'ex-Union soviétique et a l'ex-bloc de l'Est.
7 Il s'agit des régimes politiques qui étaient
en place dans l'ex-Union des Républiques Socialistes Soviétiques
(URSS) et les pays communistes de l'Est de l'Europe. En effet, avec la chute du
« bloc communiste,, en 1991, certains anciens dirigeants communistes ont
choisi de blanchir les revenus acquis illicitement aux moyens de divers
opérations financières.
8 Les établissements financiers et les banques ont
obligation de déclarer les opérations excédant un certain
seuil a leur banque centrale. Les blanchisseurs de capitaux ont donc tendance a
éviter de figurer sur ce genre de déclarations pour ne pas
éveiller les soupcons.
- Nouvelles menaces de blanchiment d'argent dans le secteur
bancaire
En plus des méthodes traditionnelles de blanchiment de
capitaux, examinées ci-dessus, l'émergence de nouvelles
techniques de paiement présente de nouveaux risques. En effet, le
secteur des services bancaires et des services financiers se développe
et teste un éventail de nouveaux produits, généralement
appelés "cyberpaiements", et destinés a
remplacer l'argent ou a offrir d'autres nouveaux moyens de réaliser des
transactions.
Un élément essentiel de la technologie des
cyberpaiements est l'utilisation des "cartes a puce".Il s'agit
de cartes de crédit contenant un microprocesseur sur lequel est
chargé un certain montant. Ces cartes peuvent par ailleurs être
lues par des distributeurs automatiques ou des terminaux qui déduisent
le montant de chaque transaction du total du crédit disponible. Lorsque
la carte est vide, elle peut être rechargée dans un automate
manuel, par téléphone, au moyen d'un portefeuille
électronique ou d'un ordinateur personnel, ou bien elle peut être
tout simplement jetée. Le terme "cyberpaiements" comprend aussi les
systèmes "bancaires électroniques" grace auxquels les actifs
disponibles sont détenus dans un ordinateur personnel et
transférés électroniquement par la voie d'Internet. Les
premiers produits de ce type étaient en général
d'application très limitée. Pour la plupart, ils fonctionnaient
dans un système clos. Les transactions devaient commencer et/ou finir
dans une institution financière. La durée de validité des
cartes, ou le montant qui pouvait y être chargé, était
aussi limitée. Les cartes de téléphone utilisées
dans un grand nombre de nations européennes sont un exemple de ces
premières applications de la technologie.
Plus récemment, toutefois, les concepteurs se sont
heurtés a moins de restrictions. Une somme plus importante, voire
illimitée, peut être chargée sur les nouveaux produits
qu'ils ont mis au point. Ceux-ci peuvent être utilisés dans tout
établissement de détail agréé. Certains permettront
même de stocker les actifs et de réaliser les transactions dans de
multiples monnaies. En outre, ce qui est plus surprenant, certains permettront
d'avoir accès aux actifs et de les transférer sans passer par une
institution financière. De toute évidence, cette technologie
offre d'immenses avantages, tant pour les pouvoirs publics que pour le secteur
privé. L'accès instantané aux services bancaires a partir
d'emplacements éloignés peut considérablement
améliorer l'efficience et réduire les dépenses
d'exploitation. Malheureusement, les avantages que les cyberpaiements
représentent pour l'activité commerciale légale sont aussi
ceux qui attirent les blanchisseurs de capitaux. La possibilité de
réaliser d'importantes transactions de facon anonyme, et
entièrement en dehors du système bancaire, pourrait permettre aux
blanchisseurs d'argent de se soustraire aux mesures de prévention que
les membres du GAFI ont tant oeuvré a mettre en place.
A l'heure actuelle, les experts ne disposent pas de
données montrant que les techniques des cyberpaiements sont
manipulées par des intérêts criminels. Pourtant, on
s'accorde généralement a reconnaItre que cette question doit
être traitée d'urgence. Compte tenu de la vitesse a laquelle
l'industrie des cyberpaiements se développe, et de la menace
très
importante que son utilisation abusive ferait peser sur les
mécanismes actuels de lutte contre le blanchiment des capitaux, les
organismes de contrOle et de répression de cette activité, et en
premier lieu le GAFI, ne doivent donc pas attendre que les blanchisseurs
d'argent aient déjà commencé d'exploiter les
possibilités offertes par les cyberpaiements pour agir.
La première partie nous a permis de donner un
aperçu de la notion de blanchiment de capitaux. Par ailleurs, nous en
avons présenté l'origine et les principales techniques. Il
ressort de notre approche préliminaire que le blanchiment d'argent est
un phénomène en constante mutation qui favorise la
délinquance financière et le terrorisme. Le premier objectif de
notre étude est en partie atteint. Il s'agit désormais, pour
nous, de présenter les enjeux économiques de la lutte contre le
blanchiment de capitaux.
LES ENJEUX ECONOMIQUES DU BLANCHIMENT DES
CAPITAUX
DEUXIEME PARTIE :
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