d) Position du débat chez les
littéraires
Toujours en rapport avec la maladie du Sida nous avons lu le
roman de Chantal Magalie MBAZOO KASSA intitulé « Sidonie
»132. Dans ce roman, l'auteur relate comment un jeune
fonctionnaire contracte la maladie du Sida avec une jeune serveuse d'un bar
nommée Sidonie. Sidonie est un personnage mais aussi la personnalisation
et la personnification du Sida réalisée par MBAZOO KASSA. On
trouve décrit toutes les vicissitudes aux quelles sont liées les
membres de la famille ; notamment, la contamination de sa femme, abandon des
parents, discrimination, mort du fonctionnaire...Tout ceci constitue les faits
sociaux vécus au quotidien par les Librevillois. Mais bien plus encore.
Ce qui attire notre attention c'est le fait que le prénom Sidonie, qui
est une représentation métonymique et personnifiée de la
maladie du Sida, soit pris comme titre d'une oeuvre. Nous lisons en cela la
puissance des représentations sociales et cela intervient comme une
preuve pour indiquer que ces représentations métaphoriques et
métonymiques du Sida existent et parcourent le social.
Les bandes dessinées ont aussi
représentés les différentes métaphores ou
métonymies du VIH/SIDA. En effet, le dessinateur EMUNGANIA OMADJELA
alias FARGAS, médecin, a publié dans les années 90 et en
2010 les aventures de Yannick DOMBI. Dans le premier épisode
intitulé « Yannick DOMBI ou le choix de vivre »133,
l'auteur présente comment le VIH/SIDA est conçu dans les
conceptions gabonaises. Il montre comment le Sida fait des ravages dans les
années 90 à cause de l'ignorance des modes de contamination et de
la puissance des expressions. En 2010, FARGAS récidive avec un
deuxième épisode de Yannick DOMBI intitulé « terreur
à Lambaréné »134. Ce qui est
présenté c'est les nouvelles formes de représentations du
Sida. Entre autre, pour guérir du Sida il faut dépuceler une
vierge, ou encore faire des prières de guérison mais encore
consommer du bois sacré avec de l'urine pour guérir du Sida. Ceci
montre que « toutes sortes de moyens furent mises au service de cette
« propagande » (...) : affiches, bien sûr ; tracts et brochures
; campagnes de presse ; cartes postales ; expositions itinérantes ou
muséales, mêlant artefacts, images et textes ; cinéma et,
plus près de nous, radio télévisions135».
Nous retenons de ces ouvrages que les paysages des représentations
sociales qu'offre le roman et les bandes dessinées sont gabonais. Quant
à la pandémie du Sida, elle est focalisée sur la maladie
et ses différentes représentations. Elles stigmatisent la
conscience collective afin de prendre conscience de la maladie. Elles
présentent les représentations sociales du Sida. Nous pensons que
ces bandes dessinées sont utiles dans le débat. Par le fait
d'illustration des scènes quotidiennes où les gens revendiquent
leur possession par l'imaginaire à travers métaphores,
métonymies et personnifications du Sida. Nous revoyons le social
caricaturé dans les bandes dessinées. Nous voyons les
réalités des scènes et rien n'est exagéré
dans ces bandes dessinées. C'est des transcriptions réelles des
représentations sociales du Sida et en faire fi, c'est laissé
passer l'occasion d'ouvrir la boîte de « Pandore ».
132 Chantal Magalie MBAZOO KASSA, Sidonie, Paris, Alpha
oméga, 2001.
133 FARGAS, Yannick NDOMBI, ou le choix de vivre, Libreville,
PNLS, 1991.
134 FARGAS, Yannick DOMBI, terreur à
Lambaréné, Libreville, PNLS, 2010.
135 Luc BERLIVET, « Une biopolitique de l'éducation
pour la santé » in Le gouvernement des corps, Paris,
Editions EHESS, coll « Cas de figure », 2004,P 38.
36
Nous nous sommes aussi laissé séduire par le
roman d'Albert CAMUS136. Dans ce roman il décrit comment la
peste est vécue par les populations. Si nous l'avons parcouru c'est
parce que le titre de la peste semble évocateur car étant aussi
l'une des métaphores pour décrire le Sida. Ce qui est
intéressant c'est que la peste est vécue comme une attaque, une
guerre. Nous retrouvons encore dans la problématique de la chasse, des
métaphores militaires. Cette chronique a le mérite de nous
transcrire la décontenance d'une épidémie et toutes les
représentations qui s'ajustent au moment « T » de la maladie.
Mais encore, nous avons l'expression de la transition entre le postcolonialisme
et le postmodernisme. Pendant que le Docteur Rieux est dans une lutte qui
implique la responsabilité de Soi et ensuite des autres, le Père
Paneloux regarde dans un sens différent. En effet, pour le père
Paneloux c'est l'autre, le Stupéfiant qui puni les hommes pour leur
mécréance. Nous avons donc cette articulation entre
postcolonialisme (Les autres comme origine du malheur ou de la maladie) et
postmodernisme (la maladie est la responsabilité de l'individu).
D'ailleurs LAPLANTINE, nous propose une analyse de ce que nous venons de
décrire. Pour lui, « La Peste de Camus, et plus
particulièrement l'affrontement célèbre mettant aux prises
le Dr Rieux et le Père Paneloux, illustre parfaitement cette double
série de représentations. Alors que pour le premier la maladie
est un scandale contre lequel il faut lutter jusqu'au bout, méme si l'on
sait que l'on est vaincu d'avance, pour le second, la peste qui ravage la ville
d'Oran est un juste châtiment envoyé par Dieu pour demander aux
hommes de se repentir137.»
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