SECTION 2 : CONSTRUCTION DU MODELE D'ANALYSE
1. Recension des travaux antérieurs
Quand Jean COPANS énonce que « tout apprentissage
scientifique commence par la lecture des travaux antérieurs
»82, il convoque avec intentionnalité
la discussion autour d'une problématique précise. Nous allons
discuter le sens des imaginaires ; comprendre le sens des
représentations afin d'aboutir sur une grille de lecture qui rend mieux
compte de l'objectif de notre étude à savoir : pourquoi les
métaphores et les métonymies du Sida au Gabon sont-ils des
indicateurs du pouvoir de l'Etat au Gabon ?
a) Position du débat en occident
Nous ouvrons notre discussion avec Pierre MANNONI83
au sujet des représentations sociales. Ce qui nous captive dans cet
ouvrage c'est la précision qu'il émet sur le fait que les
représentations sociales sont des producteurs de sens. Bien avant cette
mise en évidence du sens, il dit ceci : « [les
représentations sociales] émaillent aussi les discours politiques
et religieux, ainsi que de tous les grands domaines de la pensée sociale
: l'idéologie, la mythologie, la démonologie, les contes et les
légendes, les fables et les récits folkloriques, la pensée
scientifique même, ainsi que les domaines moins nobles comme la
superstition, les croyances, les illusions répandues84».
Ce qui revient à-dire que le langage, les expressions sont tous sous la
« tutelle » des représentations. Tout le discours ou la
pensée sociale est
80 Philippe ADAM et Claudine HERZLICH, Sociologie
de la maladie et de la médecine, Paris, Nathan université,
coll « Sociologie 128 », 1998, p7.
81 Jérôme DAVID, « sociologie
imaginative, néomodernisme et réalisme symbolique »,
Zombies et frontières à l'ère
néolibérale. Le cas de l'Afrique du Sud post-apartheid,
Paris, Les prairies ordinaires, coll « penser/croiser », 2010, p
14.
82Mesmin - Noël SOUMAHO, Eléments de
méthodologie pour une lecture critique, Libreville, Cergep/
L'harmattan, 2002, p 124.
83Pierre MANNONI, Les représentations
sociales, Paris, PUF, coll « Que sais-je ? », 1998.
84 Pierre MANNONI, Op cit, p 6.
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codifié et a pour base les représentations
sociales. Elles sont douées d'un pouvoir coercitif. On ne les discute
pas. Elles sont et s'imposent à nous. Pour lui, « la
réalité n'est pas ce qu'elle est, mais qu'elles en font et c'est
avec une superbe désinvolture qu'elles se posent pour ce qu'elles
paraissent. Ce qui signifie qu'elles n'ont pas besoin de preuves pour
être, qu'éventuellement elles tirent les preuves d'elles
même, et que, sans se préoccuper d'être elles-mêmes
prouvées, elles s'offrent à prouver les choses en
dehors85». Mais il y a plus. Pierre MANNONI dit aussi que
« l'univers des croyances auxquelles l'homme adhère est, d'une
façon générale, immergé dans l'irrationnel. En
effet, son besoin de croire est tel qu'il ne se préoccupe guère
des justifications scientifiques ni des démonstrations rationnelles
susceptibles de rendre compte des contenus desdites
croyances86». Nulle n'est besoin de justifier la
présence ou l'explication d'une représentation. Elle est
là, et s'impose à nous par la force et le pouvoir du sens de
l'imaginaire. C'est ce qui permet à l'auteur de dire que « les
représentations sociales sont des producteurs de
sens87».
La discussion que nous entretenons avec Pierre MANNONI, nous
permet de présenter deux idées qui semblent pouvoir nous
éclairer le long de notre recherche. Il s'agit des métaphores et
des métonymies comme des représentations sociales, et des
représentations comme créateur de sens. En effet, les
métaphores et les métonymies ont pour effet d'imager des
situations. Elles sont des comparaisons qui décrivent des faits du
social. Dans le cas de notre recherche, les figures de styles
représentent toutes les notions imaginaires qui gravitent autour de la
maladie du Sida. Ces images ou ces imaginaires sont en fait des
représentations sociales. Et le propre de ces représentations
c'est qu'elles sont effectivement productrices de sens. Elles produisent le
sens de la maladie du Sida au Gabon. Ce sens est toujours un anathème
qui vise autrui. La maladie est toujours une malchance qui est lancée
par l'autre. C'est donc des métaphores et des métonymies
pourvoyeurs de sens dont nous voulons parler. Des représentations
sociales qui pensent la maladie du Sida comme une attaque ou un missile. C'est
sous cet aspect que la discussion avec Pierre MANNONI sera utile à notre
recherche.
Nous poursuivons notre discussion avec Pierre BOURDIEU
88. Il dit que « toute situation linguistique fonctionne comme
un marché dans lequel quelque chose s'échange. Ces choses sont
bien sûr des mots, mais ces mots ne sont pas seulement faits pour
être compris ; le rapport de communication n'est pas un simple rapport de
communication, c'est aussi un rapport économique où se joue la
valeur de celui qui parle89». C'est la situation linguistique
qui va intéresser notre auteur. Les mots ont un pouvoir et une dimension
économique. Les échanges linguistiques entre locuteur et
interlocuteur sont codifiés par des rôles assignés par la
communication. Pour lui par exemple, « pour que le discours professoral
ordinaire, énoncé et reçu comme allant de soi, fonctionne,
il faut un rapport autorité-croyance, un rapport entre un
émetteur autorisé et un récepteur prêt à
recevoir ce qui est dit, à croire que ce qui est dit mérite
d'être dit [...] Pour récapituler de façon abstraite et
rapide, la communication en
85 Pierre MANNONI, Les représentations
sociales, Paris, PUF, coll « Que sais-je ? », 1998, p 7.
86 Pierre MANNONI, Op cit, p 31.
87 Pierre MANNONI, Op cit, p 115.
88 Pierre BOURDIEU, « Ce que parler veut dire
», Question de sociologie, Paris, Les éditions de minuit,
1984.
89 Pierre DOURDIEU, Op cit, p100.
situation d'autorité pédagogique suppose des
émetteurs légitimes, des récepteurs légitimes, une
situation légitime, un langage légitime90». Les
personnes qui vont ou sont dans des lieux où l'on considère la
maladie comme un sort lancé par autrui se retrouve dans ce cas de
figure. Ils sont des émetteurs et des récepteurs
légitimes, et se retrouvent dans un lieu (ou non-lieu) qui impose un
langage précis. Ainsi cité, nous proposons d'énoncer une
formule de base que BOURDIEU identifie de la sorte : « habitus
linguistique + marché linguistique = expression linguistique,
discours91». Donc chaque discours ou expression linguistique
est nécessairement doté d'habitus linguistique et d'un
marché dans lequel peut être échangé ce discours et
ces habitus. Par habitus linguistique il entend « qu'il est le produit des
conditions sociales et par le fait qu'il n'est pas simple production de
discours mais production de discours ajusté à une «
situation », ou plutôt à un marché ou à un
champ92».
Considérer, la maladie du Sida comme un Mbumba, un
fusil nocturne, le Kôhng, une punition divine, un karma, une maladie du
siècle et du sexe ou un syndrome inventé pour décourager
les amoureux, c'est considérer les métaphores et les
métonymies comme habitus linguistique. Ce que pierre BOURDIEU apporte
à notre recherche c'est qu'il nous permet d'identifier ce champ ou ce
lieu ou s'exerce le pouvoir du discours. Ce lieu est le lieu des
représentations sociales, le lieu ou le champ de l'imaginaire. Mais
seulement nous pensons que nous ne sommes pas seulement dans un lieu d'un
marché linguistique. C'est-à-dire « toutes les fois que
quelqu'un produit un discours à l'intention de récepteurs
capables de l'évaluer, de l'apprécier et de lui donner un prix,
[un sens]93». Nous sommes dans un marché symbolique et
un marché de l'imaginaire. Par marché symbolique nous entendons
le lieu ou
s'échange les différentes formes de
représentations. Le marché de l'imaginaire est le lieu
oüce qui est irréel devient réel, ou l'allusion
et l'illusion se confondent et donne naissance à des
fantasmes et des fantômes. Or, la particularité
des métonymies c'est qu'elles participent à rendre indiscernable
le réel de l'irréel et c'est certainement l'un des aspects que
nous développerons dans cette étude.
Nous considérons la discussion avec Susan
SONTAG94 comme fondamentale à notre recherche. Elle est
fondamentale par la portée du titre de l'oeuvre : la maladie comme
métaphore, le sida et ses métaphores. Il va sans dire que cette
oeuvre a pour particularité de faire une présentation du comment
la maladie et le sida se représente dans l'univers social occidental.
Pour elle, « la maladie intervient en tant que châtiment surnaturel,
ou possession démoniaque, ou résultat des causes
normales95». Il y a déjà confirmation qu'en
occident la maladie est fabulée par l'imaginaire. Mais ce qui est
intéressant c'est qu'elle s'intéresse tout aussi aux producteurs
de ces métaphores. C'est en cela qu'elle pense que « la
société accusée de corruption et d'injustice a toujours eu
recours aux métaphores offertes par les maladies
90 Pierre BOURDIEU, Op cit, p 103.
91 Pierre BOURDIEU, « Le marché
linguistique », Question de sociologie, Paris, Les
éditions de minuit, 1984, p121.
92 Pierre BOURDIEU, Ibid, p 121.
93 Pierre BOURDIEU, Op cit, p 123.
94 Susan SONTAG, La maladie et ses
métaphores, le sida et ses métaphores, Paris, Christian
Bourgeois éditeur, coll « titre 101 », 1993.
95 Susan SONTAG, Op cit, p 61.
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pour atténuer les soupçons qui pesaient sur
elle96». Les causes de manque d'hygiène qui ont
amené la peste du 18ème siècle était la
véritable cause de la peste. Et la société en était
la seul responsable, non pas toutes les suppositions et superstitions qui y
donnèrent sens. A travers ce texte nous comprenons pourquoi « la
peste est la principale métaphore par laquelle on comprend
l'épidémie du sida97". Non seulement le Sida est une
maladie incurable, mais elle est aussi un mal qui montre l'impuissance des
pouvoirs publics face à cette pandémie. « Le sida devient le
cheval de Troie de tous les Etats98». En ce sens qu'il se
retrouve partout et dans toutes les individualités composant la
société, et par cet effet entre dans la société
comme un ennemi par le biais du sexe. Outre cet aspect de « cheval de sexe
" ou plutôt cheval de Troie, Susan SONTAG reconnaît qu'en occident
il y a un abus des métaphores militaires. Or ces métaphores ont
la forte particularité d'être péjoratives pour les malades.
« Car elles surmobilisent, elles sur-décrivent et elles contribuent
puissamment à l'excommunication et à la stigmatisation des
malades [...] Nous ne subissons aucune invasion. Le corps n'est pas un champ de
bataille. Les malades ne sont ni des pertes humaines inévitables, ni
l'ennemi99".
Ce texte de Susan SONTAG est pertinent en de nombreux points.
Le premier c'est qu'elle nous permet de rendre évident la notion que la
maladie et la maladie du Sida sont bien aussi traversées par des
métaphores en occident. Seulement, dans le cas de l'Afrique centrale, et
plus particulièrement dans le cas du Gabon, les métaphores ne
sont pas les seuls moyens pour comparer la maladie ou la maladie du Sida
à quelque chose. La métonymie au Gabon est utilisée pour
comparer une maladie à quelque chose. Seulement, dans le cas de la
métonymie, dans le cas du Gabon, le sida par exemple ne sera plus
seulement comparer à l'objet mais chosifié, il va devenir cette
chose. En fait comme nous l'avons dit quand nous dressions notre constat plus
haut, le réel et l'irréel sont confondus par le moyen de la
métonymie. Nous ne savons plus ou est l'imaginaire et la
réalité. Les fantômes ont envahi la société !
Et c'est cela qui nous intéresse. Car lorsque SONTAG énonce que
la société corrompue et injustice commandite les
métaphores, nous avons plus ou moins une réponse à notre
question de recherche qui est de savoir, pourquoi les métaphores et les
métonymies du Sida au Gabon sont-ils des indicateurs du pouvoir de
l'Etat au Gabon ? La société est corrompues et injuste, certes.
Mais nous pensons que ce n'est pas seulement la corruption dans son sens strict
- c'est-à-dire achat de conscience- mais la corruption du sens. La
corruption du mot, des expressions qui est commanditée par la violence
du sens. Il y a violence du sens chaque fois que dans une discussion la
métonymie prend le dessus sur le réel et permet de mettre une
paire de lunette imaginaire qui fait voir à un individu en une chose ce
qu'elle n'est pas et, surtout, finit pas croire que cette chose est ce qu'elle
n'est pas. La violence du sens c'est la puissance que les expressions, les mots
et les images exercent sur les individus par laquelle ils arrivent à
créer une fabulation du sociale. Pour finir cette discussion avec Susan
SONTAG, la métaphore militaire est l'une des caractéristiques
fondamentales de la pensée « indigène ". Au Gabon soigner la
maladie c'est extraire, lutter, combattre le sorcier qui a envoyé la
maladie.
96 Susan SONTAG, Op cit, p 97.
97 Susan SONTAG, Op cit, p 169.
98 Susan SONTAG, La maladie comme
métaphore, le sida et ses métaphores, Op cit, p 215.
99 Susan SONTAG, Op cit, p 232.
En ce sens nous sommes dans une société de
guerre, de chasse. Ceci justifie l'utilisation des métaphores et les
métonymies de guerre.
Ce sont ces métaphores ou métonymies relatives
à la guerre qui nous amène à nous entretenir avec
Grégoire CHAMAYOU100. Dans son livre il dresse le
procès plus ou moins détaillé des différentes
chasses à l'homme dans l'histoire. Mais nous retenons certains aspects
qui semblent intéressant pour nous. Pour lui, « le pouvoir
pastorales s'était défini comme une anti-chasse. Pourtant [...]
il développa à son tour des pratiques cynégétiques,
ses propres chasses à l'homme, des chasses
pastorales101». Cela peut être
interprété de façon à ce que les campagnes
d'évangélisation ne sont que de vastes campagnes de chasses. Il
chasse les fidèles qui en fait ne sont que des proies. Mais ce n'est pas
une chasse compris dans son sens premier. Entre autre persécution d'un
prédateur sur une proie dans le but de le tuer. Il s'agit plutôt
d'une chasse qualifié d'exclusion du mal. Il dit qu' « on est plus
ici comme précédemment dans une logique de
prélèvement prédateur mais dans une rationalité de
l'ablation salutaire ou de l'exclusion bienfaisante102». Il
faut extirper les fidèles d'un lieu de la tentation qui les
pervertissent et les égarent du chemin de Dieu. Pour cela les tactiques
sont de plusieurs ordres. « L'image favorite des chasses pastorales
d'exclusion est sanitaire : métaphores de la maladie, de la
gangrène ou de l'épidémie103». En effet
c'est plus par les métaphores sur les épidémies telle que
le Sida est une punition divine (ou un Mbumba) que les pasteurs (mais aussi les
nganga) capturent des fidèles en leur faisant croire que la maladie a
des causes surnaturelles que seul l'église (ou les MHSB) peuvent
guérir. Le pasteur devient un prédateur tout comme le nganga et
le moyen de séduction pour avoir les fidèles n'est autre que la
transformation d'une maladie biomédicale en maladie surnaturelle encore
nommée psychosomatique. Nous retenons que nous sommes dans une forme de
chasse quand nous regardons les métaphores religieuses et de la MHSB.
Une sorte de guerre que les pasteurs et nganga livrent à une maladie qui
est la maladie du Sida dans le seul but de conquérir des «
âmes ». Mais nous poursuivrons la discussion un peu plus loin avec
un africaniste nommée Joseph TONDA.
Nous avons entrepris une discussion avec Raymond
ARON104 sur sa lecture de Max WEBER dans L'éthique
protestante ou l'esprit du capitalisme. La première chose est que
selon ARON, « WEBER à voulu prouver que les conceptions religieuses
sont effectivement un déterminant des conduites économiques et,
par conséquent, une des causes des transformations économiques
des sociétés105». Marx WEBER dit qu'il cherche de
comprendre « la naissance de la classe bourgeoise occidentale avec ses
traits distinctif106». Mais ce qui nous intéresse c'est
lorsque Raymond ARON dit que Max WEBER définit le charisme
100 Grégoire CHAMAYOU, Les chasses a l'homme. Histoire
et philosophie du pouvoir cynégétique, Paris, La fabrique
éditions, 2010.
101 Grégoire CHAMAYOU, Les chasses a l'homme. Histoire
et philosophie du pouvoir cynégétique, Paris, La fabrique
éditions, 2010, p 34.
102 Grégoire CHAMAYOU, Ibid, p 34.
103 Grégoire CHAMAYOU, Op cit, p 35.
104 Raymond ARON, Les étapes de la pensée
sociologiques, Paris, Tel Gallimard, 1967
105 Raymond ARON, Op cit, p 530.
106 Max WEBER, l'éthique protestante ou l'esprit du
capitalisme, Paris, Gallimard, 1970, p 17
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comme « une qualité de ce qui est (...) hors du
quotidien107». C'est donc croire en des choses ou en des
personnes qui prétendent avoir des pouvoirs de se transformer en
bêtes, d'avoir des dons de guérisons divines ou en la
présence d'une dette karmique. En fait c'est ce point qui est
intéressant pour notre analyse. En fait, notre social est
possédé par la présence de charisme qui se conceptualise
à travers les métaphores et les métonymies du Sida. Car en
fait, toutes les représentations sociales sont des imaginations, des
leurres, des charismes pour reprendre WEBER. Chaque acteur qui produit les
métaphores et les métonymies est possédé par le
charisme. Et c'est la foi en ceux qui détiennent le pouvoir du charisme
qui crée une nouvelle forme d'économie : une économie des
mots et du sens.
A l'instar d'une discussion, nous avons suivi une
conférence prononcée par Michel FOUCAULT108. Ce qui
est utile dans cette conférence c'est que l'auteur déclare qu'il
y a des lieux utopiques dans chaque société. Que ces lieux ou
espaces sont des contre espaces. Il les identifie comme étant les
asiles, les cimetières, les jardins, les maisons closes, les prisons. Il
précise aussi que ces lieux sont non plus seulement des contre espaces
mais aussi des horslieux. Et ce sont ces hors lieux qu'il nomme
hétérotopies. Il continu en affirmant que ces lieux sont des
lieux sacrés, privées ou interdits. Et si tels est le cas, nous
pensons de fait que les églises, les temples, les Mbandjas, les bars,
les marchés, les transport en commun sont des lieux
hétérotopiques. Il poursuit son propos en mentionnant que ces
lieux hétérotopiques ont la particularité d'être des
lieux de ce que l'on peut considérer comme déviant. En effet, ils
sont les lieux dans lesquels sont proférés des transgressions
envers la morale. Les scandales de pédophilies dans les églises,
les profanations de tombes dans les cimetières 109, les
sacrifices humains dans les confréries et les Mbandjas, les
marchés c'est les ventes de produits avariés ; pour les bars des
réseaux de prostitutions et d'incitation à la débauche
mineur ; pour les transports en commun des lieux de surcharge donc un lieu
d'infractions. Cette conférence nous permet de mieux comprendre la
notion d'espace hétérotopique et surtout de la production des
discours dans, généralement, ces lieux de la «
déviance ».
Il est arrivé que nous rencontrions Florence BERNAULT
dans un texte sur la Sirène au Gabon110. Dans ce texte un
passage a particulièrement retenu notre attention. Elle écrit que
« en tant que fétiche du pouvoir, la Sirène n'appartient pas
aux catégories classiques des études du religieux au Gabon et,
partant, échappe aux déterminations analytiques de ces
dernières. Ni culte anti-sorcier, ni initiative thérapeutique, ni
mouvement syncrétique, ni société initiatique ou
secrète, elle dévie de l'énorme corpus de solutions
spirituelles, du christianisme conventionnel aux mouvements syncrétiques
millénaires (Bwiti, églises du réveil), en passant par les
groupements associatif (Rose-croix, franc-maçonnerie, Ndjobi) ou la
reformulation des stratégies initiatiques inventées en Afrique
centrale pour répondre aux
107 Raymond ARON, Op cit, p 545.
108 Michel FOUCAULT, L'art de penser, Paris,
Conférences audio MP3, 1966.
109 Lire à ce sujet Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY,
L'or blanc : le marché occulte et illégal du corps humain
à Libreville, Libreville, UOB, Faculté des Lettres et des
Sciences Humaines, mémoire de DEA, octobre 2010.
110 Florence BERNAULT, « La chair et son secret :
transfiguration du fétiche et incertitude symbolique au SudGabon »,
Fin de règne au Gabon, Paris, Karthala, coll « Politique
africaine », N°115, octobre 2009.
défis de la domination coloniale de la modernité
(Mwiri, Njembè)111». Ce passage retient notre
attention car notre terrain nous prouve tout à fait le contraire de ce
que vient d'énoncer Florence BERNAULT. Il y a en effet une initiation
et des recours thérapeutiques qui mettent
au centre de cette idéologie la Sirène. Nous
parlons ici du Mbumba Iyanô. Le Mbumba Iyanôest une
société initiatique qui voue un culte à la déesse
de l'eau : la Sirène. Et cette soit
disante Sirène peut nuire à une personne et des
soins thérapeutiques peuvent intervenir. Dans le cas de notre recherche,
les enquêtés nous déclarent qu'elle peut méme donner
des symptômes du Sida. Et, bien entendu, elle peut venir en songe donner
les soins thérapeutiques appropriés pour soigner l'individu.
Ainsi, notre terrain vient présenter une société
initiatique peut-être méconnu du public scientifique
européen et, nous comprenons que cet auteur ait affirmé un tel
propos car la population enquêtée ne lui a pas
révéler la présence de cette initiation. Les
enquêtés nous font généralement aller dans le sens
dans lequel ils veulent que nous allions.
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