Chapitre III : Les représentations
pentecôtistes et des confréries initiatiques modernes du Sida
à Libreville
Nous avons désespérément osé
penser que les représentations de la maladie du Sida auraient
évoluées depuis les années 1990 dans le milieu
ésotérique pentecôtiste en Afrique centrale. À ces
déviances représentatives et disparates de la maladie du Sida, se
sont ajoutées les représentations des cercles de
confréries initiatiques modernes. Nous connaissons les analogies du
milieu pentecôtiste sur le Sida le comparant à une punition divine
ou à une maladie du Diable. Mais, nous connaissons moins l'idée
qui circule dans le milieu des cercles de confréries initiatiques
modernes qui représente la maladie du Sida comme un Karma. Ici encore,
les espaces hétérotopiques sont les lieux des discours
déformés, perverties, qui illustrent assez bien le fait que ces
lieux sont des lieux de déviances et de transgression. Pourtant, ces
espaces sont des lieux du sacré, des lieux de la morale. Nous pensons
alors que le capitalisme aliène la morale par la puissance du charisme.
Il y a une économie des mots, qui est véhiculées par la
violence symbolique et par la violence de l'imaginaire. Toutes ces imaginations
font de cette maladie une maladie du karma, une maladie du Diable ou de Dieu,
une punition divine. La guérison divine devient la
propriété des leaders charismatiques des espaces
hétérotopiques des églises, et temples initiatiques.
Puisque nous ne devons pas omettre de dire que le Sida dans ces espaces est une
maladie qui est hors du secteur biomédical. Seul l'imaginaire,
l'imagination peut alors délivrer et extirper le mal. « La maladie
existe parce que le péché est entré dans le monde. Elle
est toujours le signe que nous vivons dans un monde révolté
contre Dieu, le rappel de la puissance satanique (...) L'homme malade ne peut
vivre sa maladie que dans la repentance247.»
SECTION 1 : Le pentecôtisme et le Sida : la
punition divine
Comme nous avons énoncé ci-dessus, nous pensions
que depuis les années 1990, les idées que l'ont se faisait du
Sida aurait évolués. Mais, bien au contraire, elles persistent et
se transposent dans un terme qui exclu la proposition de la maladie du Sida
comme une maladie du Diable. Aujourd'hui, les discours pastoraux, au sujet de
la maladie du Sida, se sont mutés en utilisant l'expression de punition
divine. Il s'agit dans cette section de penser les refondations de cette
pensée de la maladie du Sida comme punition divine.
1) L'évidence biomédicale du Sida et
l'obstination charismatique pentecôtiste
Il faut, dès le départ, préciser que nous
parlons dans cette partie de la métaphore de la maladie du Sida dans le
milieu religieux pentecôtiste. Cette métaphore est la punition
divine. Mais bien avant, nous devons présenter les autres
représentations pentecôtistes de la maladie
247Maurice Jeanneret, « Jésus-Christ et la
maladie », Les cahiers protestants, s.l, s.e, 1966, n°4-5,
pp 21-22.
du Sida. Le Sida était une maladie du diable, mais
aussi de la sorcellerie. Le Sida était une maladie que le diable a
envoyée par les moyens de perversion et de luxure pour éprouver
le peuple de Dieu. De fait la sorcellerie est le bastion des suppôts de
Satan, et l'objectif de la sorcellerie est le même que celui du diable
car la sorcellerie est gérée par le diable. Donc, le Sida, ou
être malade du Sida, était être atteint par la maladie du
diable ou de la sorcellerie. Pour cela il fallait faire une prière de
délivrance pour extraire le diable et le mal
sorcellaire248.
Jusqu'en 2006, la distribution des antirétroviraux
(ARV), n'avait pas encore pris une telle ampleur. Et c'est vers la fin de
l'année 2007 que la distribution des antirétroviraux devient
effective. Lorsque nous parlons d'effectivité c'est parce que la
distribution des antirétroviraux à commencé à
être gratuite. Puis, cette distribution est toujours à la bourse
des plus démunis. Mais plus encore, le service des statistiques du PLIST
a observé une augmentation des tests de dépistage du Vih/Sida de
32%249. Mais encore, toujours selon le service des statistiques du
PLIST250, il y a encore 20 ans les gens ne savaient ce que
c'était le Sida. Aujourd'hui méme un enfant du primaire peut dire
le mode de contamination du Sida ainsi que ce que c'est que la Sida. Ceci
inclut que les modes de contamination sont connus et ne se laisse plus
facilement préter à n'importe qu'elle interprétation.
Ce que nous voulons décrire ici, c'est le fait selon
lequel dans le début des années 1990, la début de la
maladie du Sida était méconnue et laissait place à toutes
sortes d'interprétations. C'est ainsi qu'« à l'instar d'un
être qui, devant une réalité objective qui le «
dépasse », qu'il dit « ne pas comprendre », qui n' «
est pas vraie » ou qu'il « ne réalise pas " comme on dit, la
société a recours à la puissance instituante de
l'imaginaire pour « réaliser " en produisant des significations
sociales qui donnent sens à l'évènement251."
Cependant, 20 ans plutard, la connaissance du Sida biomédical s'est
construite une évidence étiologique. Quoique aux abonnés
absents certaines représentations tendent à subsister, le fait
est que le Sida ait affirmé sa présence étiologique dans
le milieu religieux. Mais, ce n'est plus le Sida sorcier qui prend la place
après les différentes tentatives de délivrances qui
généralement n'ont pas échouées. C'est plutôt
la présence d'une volonté divine de faire souffrir un individu.
Car la punition divine est une forme de châtiment que Dieu inflige
à ses fidèles les plus récalcitrants. Sur le terrain de
notre étude nous avons suivie un cas de Mlle Micheline252 qui
souffrait du Sida dans une église 253 . Après les
différentes prières de délivrance et de
désenvoutement, Micheline continuait à se sentir de plus en plus
mal. Elle perdait du poids. Après avoir accusé le manque de foi
de Micheline, le pasteur de l'église lui recommandait des jeûnes
de plusieurs jours sans alimentation. Tout ceci contribuait à affaiblir
un peu plus Micheline. Dans les dernières semaines de vie de la malade,
le discours du pasteur avait changé. Il ne s'agissait
248Joseph TONDA, « Le Sida, maladie de Dieu, du
Diable et de la sorcellerie », Sciences sociales et santé,
Vol 25,n°4, Paris, Décembre, 2007
249 Donnée recueillie au PLIST en janvier 2010.
250 Il a refusé de décliner son identité car
c'est dans une discussion hors de son lieu de travail que nous avons eu
certaines informations classées confidentielles.
251 Joseph TONDA, La guérison divine en Afrique
centrale (Congo, Gabon), Paris, Karthala, p 47.
252 Mlle Micheline, niveau d'étude sixième,
chrétienne, ancienne caissière, mwiènè (morte le 13
septembre 2011)
253 Assemblée de Dieu du Gabon, église d'Owendo :Ad
Bananier.
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plus d'une maladie du Diable mais une maladie de Dieu, une
punition divine. Car aucun démon ne peut résister à aux
prières et aux différents jeûnes auxquels il avait soumis
Micheline. Dans ce cas, c'est la maladie de Dieu. Une maladie pour punir le
fidèle d'une vie de débauche et d'infidélité
à Dieu : une punition divine.
Donc, la punition divine que propose le milieu
pentecôtiste comme métaphore du Sida est en fait une sorte
d'obstination perverse. En fait, le terme de punition divine est un terme qui
est un dernier recourt lorsque la puissance charismatique du pasteur est
confrontée à l'échec. Pour éviter de mentionner le
terme échec, un terme plus approprié est utilisé qui n'est
autre que celui de punition divine. Ainsi, le pasteur concède sa
défaite, son impuissance face à la maladie du Sida non pas
à l'évidence étiologique et biomédicale, mais
à la volonté supreme d'un Dieu qui décide de faire
souffrir ses fidèles.
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