4) La maladie du siècle et la grande maladie
Lorsque nous présentons le Sida comme maladie du
siècle ou représentations sociales, c'est bien sûr en
première intention en référence aux grandes maladies qui
ont parcouru les époques des sociétés. Nous prenons
référence sur « la lèpre médiévale, la
syphilis de la renaissance ou la tuberculose du début de la civilisation
des machines211." Ainsi énoncé, « le Sida est la
Peste du 20ème siècle212". Elle est la
maladie du siècle, la grande maladie qui sévit sur notre
ère de la postcolonie. C'est la maladie qui défraie les
chroniques depuis plus de 20ans, qui mobilise toute la communauté
scientifique et politique. C'est la maladie à « la mode ».
C'est la maladie qui crée des revenus énorme pour les organismes
internationaux aussi bien que pour les firmes pharmaceutiques213.
C'est la maladie de la peur, de toutes les attentions, l'ennemi
mondial214, la maladie du siècle, la grande maladie.
En seconde intention, la maladie du siècle et la grande
maladie est une donnée recueillie in-situ. Nous étions debout
(inconfortablement) dans un transport en commun (SOGATRA) et la circulation
avait été arrêtée, durant une demie heure, pour
laisser passer le cortège présidentiel. Nous avons reconnu le
véhicule présidentiel, mais aussi le véhicule du
ministre
209 François LAPLANTINE, Anthropologie de la
maladie, Paris, Editions Payot, 1992, p 280.
210 François LAPLANTINE, Op cit, p 116.
211 Mirko D . GRMEK, Histoire du Sida, Paris , Payot et
Rivages, 1995, p 21.
212 Maroun TARABAY, Les stigmates de la maladie.
Représentations sociales de l'épidémie du Sida,
Paris, Editions Payot Lausanne, coll « Hic et Nunc », 2000, p 53.
213 Lire à ce sujet Yannick ALEKA ILOUGOU, Le
marché symbolique du préservatif et du Sida à
Libreville, Libreville, FLSH, Département de sociologie,
mémoire de maîtrise, 2010.
214 Maroun TARABAY, Op cit, p 54.
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des sports René NDEMEZO OBIANG. Les dames et certains
hommes, visiblement impatients et énervés suite à la
chaleur caniculaire, se mirent à discuter en traitant les
personnalités qui passaient de « GAGUI215» et de
personnes ayant la maladie du Siècle et la grande maladie216.
Ainsi prononcé et contextualisé, le terme de maladie du
siècle est proche d'une injure. Tout corps portant le virus est un corps
injurieux à l'ordre social. Car être malade du sida c'est porter
un germe nuisible, un germe de la déchéance et des
péchés sexuelles de la perversion. Le sida est une maladie de la
perversion et, de fait, quiconque est porteur de ce virus est
immédiatement taxé, étiqueté, stigmatisé et
marginalisé. Être malade du Sida est une forme d'injure, et la
maladie du siècle est cette injure dans ce cas précis, Nous
sommes ici dans une forme avérée de
stigmatisation-marginalisation des personnes vivants avec la maladie du Sida.
Dans ce cas, la métaphore est une forme de marginalisation, une
expression déshumanisante.
Outre cet aspect de discrédit lancé sur les
porteurs de la maladie du Sida, nous avons fait une analyse des personnes
autorisés qui produisent ce discours comme le dit BOURDIEU. Dans ce bus
de transport en commun de SOGATRA, nous avons pu remarquer que les personnes
qui ont produit ces métaphores de grande maladie et de maladie du
siècle sont des personnes instruites. En effet, bien avant qu'ils
prononcent le discours sur « GAGUI » et « la grande maladie et
la maladie du siècle », la discussion tournait autour des travaux
« dit de l'émergence ou de l'énervance217 ».
Nous avons remarqué que c'était des débats de
lettrés avec tous les préjugés que le sens commun puisse
produire. Donc, ces métaphores de maladie du siècle et de la
grande maladie sont des métaphores prononcées par des
lettrés. Ce n'est donc pas seulement les « illettrés »
qui ont les conceptions les plus triviales sur la maladie du Sida. Car dans ce
bus, nous avons constaté que les lettrés sont eux aussi
producteurs de représentations sociales qui pervertissent la maladie du
Sida.
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