Première partie : Les métaphores de la
maladie du Sida dans les espaces hétérotopiques de la
médecine traditionnelle indigène et populaire à
Libreville
Introduction de la première partie
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Emile DURKHEIM avait raison. « Les idées que nous
nous faisons nous tiennent à coeur, [...], et prennent ainsi une telle
autorité qu'elles ne supportent pas la
contradiction144». Nous sommes petit fils de traditionnaliste
et les idées que nous nous faisions de la maladie étaient
généralement tachées et entachées de
subjectivité. Pour ce faire, nous nous sommes aliéné et
« laissé posséder par les esprits » des scientifiques.
Car il fallait que l'on s'affranchisse des fausses évidences qui
dominent l'esprit trivial145. Pourquoi en parler à ce moment
de notre propos ? Pour la raison selon laquelle le terrain que nous avons
fréquenté pour collecter nos données était
particulier. Particulier, car nous le connaissions et que nous y avons
était socialisé. Nous avons été socialisé
non loin de cet espace hétérotopique de la médecine
traditionnelle indigène. Mais à notre grande surprise, certaines
choses que nous pensions connaître en fait ne l'était pas ! Cette
enquête nous a permis d'en savoir un peu plus sur certaines pratiques
effectuées dans notre société au sujet de la maladie
Les métaphores de la maladie nous ont conduites dans
divers espaces hétérotopiques de notre société.
Notamment les Mbandjas, les églises les bars, les marchés. Nous
étions curieux de savoir comment et quels termes utilisaient --ils pour
décrire la maladie du Sida. Nous avons des termes qui se distinguent,
notamment le Mwiri, le Mbumba, le Mbolou, le Mbumba Iyanô, le Nzatsi, le
Kôhng, Sidonie et le syndrome inventé pour décourager les
amoureux, la maladie du siècle, la grande maladie, les quatre lettres,
maladie du sexe, maladie du sang. Nous nous retrouvons en face de deux grands
ensembles qui sont la médecine ésotérique indigène
et les métaphores populaires. En ce qui concerne les deux ensembles,
nous nous apercevons que les métaphores utilisées restent
quelques peu dans le domaine du trivial, du sens commun.
Les espaces hétérotopiques que nous convoquons
dans notre second propos sont, les bars, les marchés, les salons de
coiffure (homme et dame), les files d'attentes, les transports en commun et les
scènes de spectacle. Les représentations que nous
décrivons sont au fait des commérages triviaux nommés
« Kongossa » ou encore CRIMADOR. Mais, quoique leur trivialité
ne souffre d'aucun doute, il n'en demeure pas moins qu'ils sont doués
d'une puissance symbolique et imaginative qui affectent, à tort ou
à raison, les représentations de la maladie du Sida.
Nous ne sommes donc pas sortis du registre de la discussion
autour de la maladie du Sida. Nous quittons tout simplement les eaux troubles
de la médecine traditionnelle indigène pour rentrer dans les
méandres des métaphores populaires au sujet du Sida. Encore que,
les représentations de la médecine traditionnelles sont, à
notre sens, propre au fait populaire. C'est donc une zone obscure propre
à la « nuit postcoloniale ». Car il s'agit de donner une
interprétation de ce que le milieu populaire entend par la maladie du
siècle, la grande maladie, les quatre lettres, Sidonie, Syndromes
inventé pour décourager les amoureux, maladie du sexe
144 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode
sociologique, Paris, PUF, coll « Quadrige », 2002,
11ème édition, p 32.
145 Emile DURKHEIM, Ibid, p 32.
et du sang, le mbolou. Toutes ces métaphores du Sida
interviennent dans l'espace et la progression historique du Sida dans la
société d'Afrique centrale postcoloniale. Elles ont muté
en même temps que le Sida progressait dans le temps. Elles sont parties
des plus triviaux vers les plus « raisonnables »
(biomédicalement parlant).
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