3. Actes de langage des slogans révolutionnaires
:
Comme il a été indiqué par
F.Béatrice (Fraenkel. 2007 :102,103), les slogans
révolutionnaires sont au même titre que des slogans de
manifestations qui ont été jugés par Austin comme des
actes de langage. Il s`agit que ce type de slogan n`est ni simple ni seulement
un énoncé, il représente une action (Austin. 1962
:273).
Pour le premier modèle syntaxique, les slogans sont des
énoncés à l`impératif. Des mots d`ordres
exprimés en plusieurs langues : dégage ! Irhal ! (go) out
! et celui de
42 J.R.Searle. Speech Acts, Londres et new York:
Cambridge University Press. 1969. PP:5761. (trad. Fr . les actes de langage.
Paris, Hermann.1972).
dégage Moubarak ! Ce sont en effet des
énoncés dits performatifs primaires ou implicites, dont Austin
classe l`ordre parmi les performatifs. Dans ce cas n`importe quel protestataire
manifestant peut s`adresser à Moubarak et lui ordonne directement en
disant : « je vous ordonne de vous dégager ».
En suivant toujours une perspective Austinienne, cet acte de
langage révolutionnaire est un acte locutionnaire lorsqu`il se
relève d`un acte de dire ou d`articulation d`un énoncé
doué d`une signification. Il peut être aussi
considéré comme un acte illocutionnaire de sorte qu`en disant
dégage !, les manifestants accomplissent leur acte de
révolution ou de dégagisme en entraînant des rapports
d`influence et de force avec leurs interlocuteurs, ils se distinguent comme
révolutionnistes contre le régime. C`est un acte aussi
conventionnel, il ne se réalise que par le moyen d`un ensemble de
façons et de manières sociales partagées (mécanisme
d`un processus révolutionnaire) qui lui assignent sa valeur d`action,
d`où il s`inscrit cette compatibilité entre le verbal et le non
verbal du langage présupposé.
Enfin, l`acte perlocutionnaire est aussi accompli dans la
mesure où les manifestants cherchent à obliger comme faire
persuader Moubarak à céder le pouvoir et se
démissionner.
Par son énoncé, le peuple égyptien ou les
manifestants ont réussi à exercer leur acte d`énonciation
en comptant sur sa force illocutionnaire pour aboutir enfin à
réaliser ses effets perlocutoires. Donc en scandant dégage
!, les révolutionnaires se basent sur la force d`un
énoncé d`une valeur d`ordre directe ou de requête
accompagnée de ses spécificités phonologiques,
paralinguistiques. Ils ont réussi finalement à faire
réagir son interlocuteur et réalisant les effets
perlocutionnaires désirés ou réels, résumés
dans la réponse aux différentes réclamations
scandées. Ces effets perlocutionnaires déterminent et identifient
déjà le slogan révolutionnaire en le distinguant des
autres types lorsque « on ne peut pas non plus employer n`importe quelle
sorte de phrases pour accomplir n`importe quel acte illocutoire » (Lyons.
1987 :353). C`est cette compatibilité de correspondance entre la
structure de l`énoncé et sa force illocutoire qui contrôle
et implique la signification commune entre manifestants et les
représentants du régime. Il s`agit d`une compréhension, de
la part de ces derniers, de l`intention de la
communication visée par l`énoncé
dégage !, que c`est un slogan révolutionnaire que c`est une
révolution.
Il est nécessaire de préciser que cet acte de
langage d`une valeur performative impérative, un mot d`ordre, est parmi
les types de mandes (Lyons. 1987 :365) au même titre que les
requêtes, les exigences, les prières, etc. C`est un
énoncé directif, un acte illocutoire dit exercitif de sorte que
les manifestants ordonnent le président en lui imposant et proposant
« quelque ligne de conduite ou modèle de comportement
précisé dont le seul moyen convenable est celui d`un
énoncé de mode impératif d`une phrase dite
jussive (Lyons. 1987 :367) utilisée pour transmettre les
mandes.
Ensuite un autre modèle de structure a
été distingué dont les manifestants ont scandé
« Al chaab yourid isquat al-nizam », « Al chaab youride
rahil al-nizam » (le peuple veut le départ / la chute du
régime). Get énoncé « le peuple veut »
est inspiré d`un vers poétique d`un célèbre
poète Tunisien Aboulkacem Echebbi, quand il a dit : « Si un jour le
peuple veut vivre, le destin se doit de répondre ». Cet acte
d`énonciation caractérise sa valeur d`un énoncé
performatif « car il prolonge ce vers : si le peuple veut..., en assumant
son principe existentialiste » (J.Nabiha. 2011 :47). En fait,
c`était le slogan le plus répondu dans ce mouvement le printemps
arabe. C`est grace à ce slogan qui est devenu plus ou moins universel,
que la langue arabe s`est mondialisée en stabilisant une
nouvelle dimension politique assignée au peuple comme leader de la
révolution, affirme Nabiha (J.Nabiha. 2011 :47).
Ges deux énoncés des slogans se
caractérisent par une valeur performative explicite contrairement
à ceux du mot d`ordre. Ce type de slogans se distingue comme des «
exigences », un autre mode de mande grâce à la force de la
présence du verbe vouloir, un verbe d`exigence malgré le fait que
son énoncé est beaucoup plus proche de la requête. Encore
par le moyen de cette phrase jussive le peuple explicite son exigence suivant
le modèle « je veux / j`exige (avec insistance) le départ et
la chute du régime ».
Par le fait d`être prononcé, d`être
articulé, ce slogan d`un modèle « le peuple veut...
» se manifeste comme un acte de dire donc un acte locutoire. Un acte
aussi illocutoire accompli au même titre que celui de dégage dont
les locuteurs ou les manifestants installent un rapport d`influence, de force
qui se relève d`une supériorité entre actants. Il est
aussi accompli en prétendant d`atteindre ses effets perlocutoires
d`oü
il détient cette force de la façon et de la
manière dont il est conventionnellement articulé et
réalisé, ainsi de la force de son insistance, pour se manifester
comme un acte exercitif et ,selon Searle, directif. Selon ses conditions et ses
effets perlocutoires réalisés, cet acte est aussi réussi
comme celui de « dégage ! » et les autres en faisant
réagir leurs interlocuteurs.
En plus, les manifestants ont scandé « A bas
le régime » et « A bas Moubarak » avec des
énoncés toujours performatifs plus ou moins implicites qui
peuvent être traités en tant que déclarations à
part, d`autre part des énoncés impératifs qualifiés
à : «faites tomber à bas le régime »,
«faites tomber à bas Moubarak», ou « j`ordonne de faire
tomber à bas le régime (Moubarak) ».
Le peuple égyptien ou les manifestants déclarent
leur sentiment d`opposition contre le régime et son premier
représentant, le président Moubarak. A cet égard l`acte
illocutoire ne peut qu`être déclaratif. Alors que pour
l`impératif, l`acte est exercitif, directif.
Ensuite, chaque slogan de ce modèle est un acte de dire
qui veut dire locutoire aussi bien doté d`une force illocutoire ayant
les mêmes effets perlocutionnaires. Il est aussi réussi en se
soumettant aux mêmes conditions des autres précédemment
analysés.
Pour ce qui concerne les slogans de vendredi, ils sont des
énoncés simples qui peuvent être, par leur contexte
d`énonciation, dotés et assignés d`une valeur performative
implicite et caractérisés comme des actes locutionnaires
accomplis.
« Vendredi de la colère », comme un
acte illocutoire, peut être équivalent à un performatif
d`avertissement par l`énoncé : « je vous avertis, ce
vendredi je suis en colère, ou ce vendredi est de la colère
». Donc un acte promissif partageant les effets perlocutoires avec
dégage !
«Vendredi du départ » : un autre
acte locutoire par un énoncé implicitement performatif. C`est un
mande d`une valeur d`exigence équivalent à un autre
énoncé possible que chaque révolutionnaire peut
réaliser en disant « j`exige le départ ce vendredi ».
Donc est un acte illocutoire exercitif et directif aboutissant par sa force
à des effets identiques dont le même acte perlocutionnaire a
été encore accompli.
Il en va de même pour «Vendredi du défi
», est un énoncé implicitement performatif qui se porte
sur l`avertissement d`une part, d`autre part sur le défi
lui-même,
et équivalent à des énoncés tels
que « je vous défie ce vendredi ; je vous avertis du défi de
ce vendredi ». Par ces deux différentes valeurs exprimées,
l`énoncé laisse se classer parmi les actes illocutoires promissif
avec les mêmes effets perlocutoires.
Pour le dernier modèle des slogans de structures
diverses, une de ces dernières est proche de la devise comme : «
pain, liberté, et justice sociale », «
dignité, liberté, et justice sociale », «
changement, liberté et justice sociale ». Ce sont des slogans
implicitement impératifs équivalents à la demande : «
je demande dignité, liberté, et justice sociale ». Donc un
acte en plus locutoire, il est exercitif directif ayant presque les mêmes
effets perlocutoires.
Les manifestants ont scandé aussi «
révolution jusqu'à la victoire, révolution dans toutes les
rues de l'Egypte ». Un autre acte illocutoire d`une valeur
impérative implicite d`un avertissement et d`un défi
énoncés (je vous défie, je vous avertis que la
révolution ne s`arrête pas jusqu`à la victoire, dans toute
l`Egypte) en indiquant un acte promissif.
Un autre slogan aussi particulier, celui de «
l'armée et le peuple, une seule main » par lequel les
manifestants affirment que l`institution importante de l`Etat (l`armée)
garde sa neutralité en assurant la protection des manifestants et de la
révolution. C`est un acte illocutoire expositif, et représentatif
pour Searle.
Donc en concluant, tous les propos énoncés des
slogans révolutionnaires se disposent de leur valeur performative
explicite ou implicite exprimée notamment par l`impératif
(l`ordre), l`exigence, l`avertissement, le défi et même
l`affirmation, ce qui limite l`acte de langage de la révolution entre
exercitif, promissif et parfois expositif quand il s`agit d`affirmation.
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