7.1. A quoi sont dues les
motivations
La motivation désigne les forces qui agissent sur une
personne où à l'intérieur d'elle pour la pousser à
se conduire d'une manière spécifique, orientée vers un
objectif. Les pulsions, enjeux ou mobiles aux quels obéissent les
salariés dans leur travail affectent leur productivité. A bien
des égards, la fonction de manager vise à stimuler les
motivations individuelles en faveur des objectifs de l'organisation.
Toute motivation est orientée vers un but
c'est-à-dire un résultat auquel l'individu veut parvenir.
Néanmoins, les motifs sont difficilement observables (on ne peut que les
supposer). Ils sont nombreux et plus ou moins conflictuels chez une même
personne. La manière dont les salariés choisissent d'obéir
à certains enjeux plutôt qu'à d'autres et
l'intensité avec la quelle ils y répondent, varient
considérablement. Les théories de la motivation peuvent
être divisées en deux catégories ; les premiers
partent des besoins c'est-à-dire des « manques »
ressentis d'ordre physiologique, psychologique ou sociologique. Les besoins
poussent à l'action car ils créent des tensions que la personne
veut réduire ou éliminer.
Le comportement motivationnel lié aux besoins peut
être décrit de la façon suivante.
L'apparition de besoins incite à vouloir les
satisfaire, d'où des actions en conséquence avec des
résultats qui sont vécus comme de récompenses (si cela
marche) ou des punitions (dans le cas contraire).
Ce fonctionnement conduit à une réorganisation
interne des besoins initiaux (il les apaise, il les aménage, etc..).
Maslow et Herzberg font partie des auteurs les plus connus en
matière de théorisation des besoins. L'un et l'autre ont
cherché à structurer les sources de motivation, soit en les
hiérarchisant (sous forme de « pyramide », soit en
les opposant de façon dialectique (par la théorie des
« deux facteurs ».
Mais si leurs modèles sont éclairants, il n'est
pas facile de les relier à la pratique organisationnelle. Leurs
principes ne permettent pas d'intervenir sur des personnes dont les logiques
d'action réagissent à des contextes ou à des objectifs
particuliers.
7.2 Interactions sociales et
motivations
D'autres théories motivationnelles étudient les
processus guidant les choix supposés conscients ou volontaires des
individus. Les plus connues sont celle des attentes (avec des variantes qui
attribuent aux salariés des objectifs stratégiques) et celle de
l'équité (qui insiste sur les comparaisons sociales et
l'importance d'être traité avec justice par rapport aux
autres).
Toutes deux cherchent à expliquer pourquoi certains
résultats deviennent désirables pour un individu.
D'où l'intérêt vite perçu de le
théoriser : en besoins, mobiles objectifs ou pulsions selon les
paradigmes choisis.
La théorie des attentes part du principe que les
individus font d'abord un choix parmi les résultats supposés de
certaines activités.
En se basant sur leur intuition ou leur expérience
passée, ils évaluent la conduite appropriée.
Ils sont motivés pour agir là où ils
espèrent être efficaces et pouvoir en tirer des récompenses
désirables.
De son coté, la théorie de
l'équité confronte les rétributions reçues (ou
attendues) à celles qu'ont eues (ou pourraient avoir) d'autres personnes
dans des situations similaires. Si ce qu'on reçoit est aussi bien ou
préférable, on a de quoi être motivé.
Même accompagnement d'une compréhension des
processus (comparaison sociale, expectation), les logiques motivationnelles ont
très difficiles à utiliser en gestion, car trop
générales et donc incomplète au regard des situations
particulières. Il faut donc les relier :
- A des théories du sujet, qui analysent
l'identité individuellement son évolution dans une dynamique
vitale (comme le font valoir).
C'est intérêt des scénarios motivationnels
(Michel, 1989), qui sont des modèles dynamiques d'articulation des
motivations. Ils « règlent les conflits entre motivations
contradictoires » et assurent un cheminement personnel en
référence avec des présentations du passé et des
interprétations de l'avenir.
- A des théories du contexte, qui font intervenir la
trame sociale et l'acculturation, les rivalités mimétiques. Les
influences sociales etc. Dans cette perspective, les champs motivationnels sont
de bons cadres de compréhension de la motivation. Ils montrent le poids
des conditionnements sociaux et l'importance des relations que nouent les
individus avec les objets complexes de leur socialisation (dans des jeux
d'attachement, d'implication ou d'engagement).
Au pire, on peut observer des pertes du désir profond
(celui du « sujet ») au profit d'ersatz motivationnels
(ceux du moi adapté) avec des effets psychologiquement destructeurs
(Burkard Sieverse, 1990).
De façon étonnante, les cotés
« nos scientifiques » de Maslow et de Herzberg ont
retrouvé instinctivement ce jeu des significations particulières.
Au delà de théories spécifiques sur les objets
motivationnels, ils ont mis en valeur une dynamique personnelle à
construire avec chaque salarié.
Maslow a beaucoup insisté sur le développement
individuel (l'appel à se réaliser) Herzberg sur
l'approfondissement par le travail (l'appel à se responsabiliser). C'est
pourquoi ils restent populaires. Au delà de l'investigation
scientifique, ils font passer l'intuition que l'homme est motivé de
façon contingente mais en rapport avec les valeurs universelles de son
être, ce qui n'a pu manquer de plaire au Etats unis.
La motivation n'est pas qu'un processus de
déclenchement, son principal rôle est une régulation
continue et une direction active du comportement en dirigeant et en
coordonnant différentes opérations vers un objet but, elle
transforme une série d'actes segmentaires en une action significative.
Avec Abraham Maslow ou la hiérarchisation des besoins.
Dans le cadre de l'optimisme nuancé de l'après-guerre, il est en
relation avec des gens comme C. Arguris, R. Likert et D Mc Gregor. Pour ce
dernier, notamment, la manière dont une organisation est dirigée
dépend d'hypothèses implicites sur la nature humaine et le
comportement des hommes.
Selon la théorie X, les hommes seraient paresseux,
immatures et en mal de contrôle pour agir.
Selon la théorie Y, ils seraient capables de se
développer et de se responsabiliser par eux-mêmes. Mais
l'hypothèse y n'est pas un système absolu. « Les gens
exercent une auto direction et un auto contrôle dans la mesure où
ils sont concernés par les objectifs organisationnels.
Les politiques et pratiques managériales affectent leur
degré d'engagement (Mc Gregor, 1969).
La théorie de Maslow repose sur une hiérarchie
des besoins (physiologiques, de sécurité, d'appartenance,
d'estime et de réalisation de soi). Une fois satisfaits les besoins
psychologiques fondamentaux (chaleur, nourriture, sexualités), une foi
garanti le besoin d'évoluer dans un environnement sûr et
structuré (offrant un abri, de la protection, de la stabilité),
les besoins supérieurs d'amour (l'acceptation par les autres,
l'affection d'estime, le pouvoir, le prestige, la responsabilité) et de
réalisation du potentiel peuvent être à leur tour
satisfaits.
La réalisation de soi correspond au fait que l'homme
doit devenir sincère avec sa propre nature (What a man can be he must
be »). Mais pour y parvenir, il y a des conditions préalables
de liberté d'expression ou de justice.
Chez Maslow donc, la réponse a un besoin en fait
émerger d'autres situés à des niveaux plus
élevés. L'homme n'est pas qu'instinctuel.
Il a des besoins supérieurs qui sont moins animaux,
moins tangibles, plus vastes.
Mais afin de pouvoir y répondre, il doit sortir de la
crainte, car celle-ci est pathogène.
A partir de ce constant, l'apport de MASLOW est un patch work
de préconisation, intégrant des réflexions sur la sagesse,
la maturation psychologique ou les psychothérapies.
Du point de vue des entreprises et de leur gestion, l'auteur
complète le courant des relations humaines, il montre l'insuffisance des
seules incitations instrumentales (les rétributions financières
ou matérielles), témoignant pas ses travaux que d'autres
aspirations existent « relevant de phénomène de
cohésion des collectivités de travail ou encore d'accomplissement
de soi (Moisdon, 1997).
On a critiqué la hiérarchie de Maslow, dans la
mesure où un résultat dans un certain niveau ne supprime pas le
besoin correspondant. Un besoin peut changer de forme ou d'exigences quand il a
été satisfait. Par exemple, y répondre peut devenir un
dû (« j'y ai droit) là où il fallait des efforts
(« j'ai à le gagner ») tout dépend des
interprétations et des jeux sociaux.
Plus profondément, Maslow a inscrit sa
recherche dans une psychologie globale de l'être. C'est ce dont
témoigne un de ses ouvrages. Fondamentaux « to ward a
psychology of being » (1968). Pour lui « la nature humaine
a été sous estimée » « l'homme a une
nature supérieure qui est tout aussi instinctive que sa nature
inférieure.
Elle implique des besoins de sens du travail, de
responsabilité, de créativité, le besoin d'être
honnête et juste, de faire ce qui en vaut la peine et de vouloir le faire
bien » c'est pourquoi il préfère une psychologie du
développement à une psychologie de l'adaptation.
Trop de frustration rend agressif (1941). Il faut
répondre aux besoins fondamentaux comme des étapes sur le chemin
de la réalisation de soi (1968).
Que dit Maslow de cette réalisation
personnelle ? » C'est un état où l'individu est
plus intègre moins divisé plus ouvert sur l'expérience
plus attentif à sa propre personnalité. Il s'y montre
« plus expansif, plus spontané, plus créateur, plus
enclin à l'humour, moins centré sur lui-même, plus
indépendant de ses besoins de base »
En bref, il devient davantage lui-même « il
réalise ses potentialités, il se rapproche de l'essentiel de ce
qu'il est de la plénitude de son humanité (1968).Cette
réalisation de soi ne peut se séduire à de
l'accomplissement au travail.
Maslow l'a trouvée avant tout dans les
expériences paroxystiques (« peak
expériences ») c'est-à-dire dans des moments de
bonheur, d'extase, de vécu intense (« avec abandon devant
expérience comme devant quelque chose de grand ») ces
expériences permettent une intégration profonde des
différents focettes de soi, « Au service d'une plus grande
maturité ».
« On est plus responsable, plus
actif, plus autonome ; on est libéré des blocages, des
doutes, des réserves ; on est plus spontané, plus expressif,
on est plus créateur » il y a là comme un processus en
déploiement. Les individus dont le devenir est positif font plus souvent
les expériences paroxystiques de la saisie de l'absolu dans le relatif
(1968).
Avec Frederick Herzberg ou la double nature des motivations
tout en se basant de la publication d'un ouvrage collectif
intitulé « the motivation to work », il a
interprété intelligemment les résultats en donnant
à penser (par la théorie des deux facteurs) et à faire par
exemple. Il distique l'amour déficient (D-love), basé sur
l'insécurité ou l'appartenance, de l'amour de l'autre (B-love)
c'est-à-dire de l'être actualisé pour le potentiel
d'actualisation de l'autre.
Dans ces conceptions en faveur du job enrichement, Maslow
démontre combien de fois que l'objet initial est
rectifié » « la manière dont s'est
formée dans les institutions dominantes, la conception même de la
nature humaine » au détriment du plaisir au travail.
Trop souvent « l'industrie gâche le bonheur
que l'homme s'efforce d'atteindre, et ce en dépit des tentatives les
plus sincères des dirigeants ».
« La fonction première de tout groupement
social devrait consister à mettre en oeuvre les moyens permettant
à l'homme de jouir d'une vie ayant un sens (1971).
Dans un premier temps, Herzberg découvre qu'il y a deux
types des facteurs intervenant sur la psychologie du travail :
- Les premiers sont intrinsèques (l'hygiène de
vie). Concernant avant tout la qualité de l'environnement, ils
répondent à des besoins en l'absence des quels on est mal
à l'aise ou frustré.
Leur manque ou leur dysfonctionnement rendent insatisfaits,
donc poussent les salariés à réclamer en leur faveur (par
exemple en matière d'hygiène et sécurité, de
condition de travail, de rémunération de base, de rapports
hiérarchique ou des relations professionnelles). Mais leur
présence apaise sans vraiment stimuler.
- Les seconds facteurs sont intrinsèques (auto
motivation). En font partie l'intérêt au travail, les
responsabilités reçues, la rémunération d'ordre
incitatif ,les possibilités de reconnaissance et d'accomplissement
à travers l'activité professionnelle.
Ce sont eux qu'Herzberg préconise de développer
par enrichissement du travail incluant la préparation, le
contrôle, la discussion des objectifs et la complexification des
tâches.
Cette première théorisation a un double
intérêt. Tout d'abord, elle redit les valeurs contrastées
des objets motivationnels.
Certains (de nature hygiène ne font que calmer la
frustration (ils tendent à rétablir un équilibre
passif).
D'autres (de nature dynamique) alimentent la stimulation
à produire (ils donnent du coeur à l'ouvrage).
En suite Herzberg repense à sa façon la
hiérarchie des besoins (les plus bas sont liés au »
confort » environnemental ou à la sécurité, les
plus élevés ont un rôle d'activation et de progression
personnelle).
Le problème d'Herzberg est qu'il ait voulu lui aussi
généraliser son analyse en le réinterprétant avec
une visée morale et psychologisante. Face aux entreprises de son temps,
notre auteur est mi- effaré, mi-subjugué. C'est surtout le cas
dans « le travail et la nature de l'homme (1971).
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