Deuxième pantie :
LA CAMPAGVE ELECTORALE
ET
LES RESULTATS DU SCRUT~V
CHAPITRE I
LA CAMPAGNE ELECTORALE
Lancée par l'opposition nationaliste et
catholique, la campagne électorale commence pratique ment plusieurs mois
avant son ouverture officielle. Elle n'est marquée par aucun incident
grave, mais elle est menée avec vigueur et passion aussi bien par
l'opposition que par la majorité.
Le role joué par la presse est
extrêmement important, capital même en l'absence de tout autre
moyen efficace d'information. Il faut dire d'ailleurs qu'à cette
époque, malgré le développe ment récent de la
presse dite « d'information », la presse d'opinion avait une
importance, et en ce qui concerne Paris, une diversité que l'on a peine
à imaginer aujourd'hui. Pour ou contre la politique gouverne mentale,
pour ou contre l'Eglise, ces journaux mênent alors d'ardentes campagnes
en faisant large ment usage d'un ton polé mique dont la violence
surprend parois, et que l'affaire Dreyfus avait forte ment contribué
à répandre dans les milieux de la presse. Il y avait quelques
grands polé mistes, mais il y en avait aussi beaucoup d'autres, qui
hélas!, étaient loin d'avoir le talent d'Henri Rochefort. Et
certains articles antisé mites de La Libre Parole, certains articles
antireligieux de La Lanterne n'ont pas contribué, loin s'en faut
à élever le débat électoral.
Pour les deux forces en présence l'enjeu de la
lutte revêt une importance exceptionnelle. Pour essayer de convaincre le
maximum d'électeurs de voter pour la « bonne cause » chaque
camp entreprend un gros effort de propagande : affiches, réunions,
tournées ont rare ment été si no mbreuses. D'autres
moyens, inavouables ceuxlà, ont certaine ment été aussi e
mployés, mais dans ce do maine les faits sont três difficile ment
controlables. Quoiqu'il en soit des so mmes énormes sont
dépensées de part et d'autre, et il est intéressant de
savoir d'ob. elles proviennent. Une certaine partie des dépenses faites
au cours de la campagne électorale est couverte par les souscriptions
lancées par différents groupe ments tels le Co mité
national anti-juif ou l'Action libérale.
Mais les so mmes les plus i mportantes proviennent sans
doute de certains milieux commergants, industriels et bancaires ainsi que des
« caisses » de l'Etat et de l'Eglise.
En ce qui concerne le soutien des milieux d'affaires,
l'opposition et la majorité sont toutes deux assez bien
partagées. Pour la droite, on peut citer les banquiers Achille
Adam1 et Aynard2, le grand patronat du Nord, bien
représenté par un ho mme co mme Eugène Motte3,
député- maire de Roubaix et patron d'une très importante
filature, et aussi la très puissante corporation des maitres de forges
dont certains me mbres, tels Claudinon4 et surtout Eugène
Schneider' du Creusot mènent de pair activité
industrielle et carrière politique. En ce qui concerne la
majorité on peut citer les no ms de Christophe6 et Rouvier
dont les attaches avec les milieux bancaires sont connues et celui de Menier,
le chocolatier, député de Seine-et-Marne et ami personnel de
Waldeck-Rousseau. Mais on doit surtout a cet égard mentionner l'i
mportant role joué par le co mité républicain du commerce,
de l'industrie et de l'agriculture, appelé encore co mité
Mascuraud, du nom de son fondateur7. « Ce comite ne s'occupait
en principe que da la defense d'interets materiels etjouait le role
d'intermediaire entre les milieux d'affaires d'une part, et les milieux
gouvernementaux d'autre part, mais comme il disposait de vastes ramifications,
comme il etait egalement en liaison etroite avec la franc-maçonnerie,
son influence politique et en particulier electorale depassait cette
façade economique et etait considerable, surtout avant 1914
»8. a Compose alors essentiellement de republicains radicaux
appartenant au monde de la politique ou des affaires iljoua un role important
lors des elections legislatives de 1902 et 1906. Et dans la distribution des
fonds recueillis en vue de la propagande electorale republicaine, le Parti
radical fut certainement un des principaux beneficiaires avec l'0lliance
democratique »9.
Lorsque la Chambre issue des élections de 1902 se
réunit, la majorité de mande que des enquetes soient
effectuées sur les conditions dans lesquelles certains
députés de
1 Député
rallié du Pas-de-Calais.
2 Député
républicain progressiste du Rhône.
3 Il s'agit du vainqueur de
Jules Guesde en 1989 et 1902.
4 Député
républicain progressiste de Saône-et-Loire.
5 Député
rallié de Saône-et-Loire.
6 Député
républicain de gauche de l'Orne, battu en 1902.
7 Sénateur de la
Seine.
8 Daniel BARDONNET,
Evolution de la structure du Parti radical,
pp.251-252.
9 Ibid.,
p.254.
l'opposition avaient été élus.
Aucune de ces enquêtes ne prouva formelle ment que l'Eglise avait
financé la campagne électorale de certains candidats. Mais s'il
est manifeste ment exagéré de dire qu'à l'occasion des
élections a les moines ligueurs ont sacrifié leurfameux
trésor de guerre »10, il y a de sérieuses raisons
de penser que certains élé ments de l'Eglise ont apporté
leur concours financier a l'opposition. Les preuves manquent aussi en ce qui
concerne l'Etat. On peut si mple ment signaler qu'un
député11 se serait vanté au cours d'une
réunion publique d'avoir regu du gouverne ment, pour couvrir les frais
de sa campagne électorale, la so mme de trois mille francs.
L'i mportance que le gouverne ment et le Parle ment
ont accordée a l'élaboration, / la discussion et au vote de la
loi sur les associations, et surtout l'i mportance que la majorité et
l'opposition accordent a son application placent la question religieuse au
centre du débat électoral. C'est elle qui sert a tracer la li
mite entre « républicains » et « réactionnaires
», c'est-à-dire entre la gauche et la droite. L'Eglise se trouvant
ainsi directe ment concernée, il est intéressant de voir quelle
attitude elle a adopté au cours de la période
précédent les élections.
Pour la plupart des groupe ments et des journaux de
gauche il ne fait aucun doute que c'est l'Eglise qui a organisé et
payé la campagne électorale de l'opposition : a 1l est
aisé de prouvé que tous les coups re2us par nous ont
été donnés par l'Eglise »12 affirme a ce
sujet La Lanterne. Avant toute autre chose on doit préciser qu'il
était impossible que l'Eglise se désintéresse de ces
élections. En effet, de l'issue du scrutin dépendait non seule
ment le sort réservé aux congrégations religieuses qui
avaient déposé une de mande d'autorisation, mais encore l'avenir
de tout l'enseigne ment catholique et même celui du régi me
concordataire. Le problême est donc de savoir si elle a joué un
role actif important pendant la campagne électorale. Suivant son
habitude le pape Léon XIII avait reco mmandé a l'épiscopat
de garder une attitude prudente et de veiller a ce que l'ense mble du
clergé f6t de même dans toute la mesure du possible. Si l'on en
croit Charles Seignobos, les consignes pontificales ne furent pas
respectées car a la plupart des év,ques
10 La Lanterne,
numéro du 3 mai 1902.
11 DAUZON,
député radical du Lot-et-Garonne.
12 Cf. note
11.
entrerent dans la lutte »13. Mais si
l'on prend connaissance des rapports sur l'activité du clergé
pendant la campagne électorale, adressés par les préfets
au ministère de l'Intérieur14 après le premier
tour de scrutin, on aboutit a une conclusion sensible ment différente.
Certes un certain no mbre de prélats sont accusés d'être
intervenus en faveur de candidats de l'opposition, mais la plupart du temps les
preuves avancées pour étayer ces accusations sont peu
convaincantes. Malgré cela quelques préfets, tels Edgar Co mbes,
fils d'E mile Co mbes et préfet de l'Allier, n'hésitent pas a
réclamer que de sévères sanctions soient prises a
l'encontre de hauts dignitaires ecclésiastiques. Générale
ment les préfets se déclarent convaincus que les
évêques ont appuyé et mê me suscité
l'intervention de me mbres du clergé diocésain dans la bataille
électorale, mais ils avouent, en le regrettant, ne posséder
aucune preuve formelle de ce qu'ils avancent. En fait, la majorité de
l'épiscopat suivit les conseils du Vatican et resta soigneuse ment en
dehors des luttes électorales. On vit mê me l'évêque
de Nancy condamner les excès anti- ministériels de la presse
catholique, et l'évêque de Tarentaise reco mmander a son
clergé une très stricte attitude neutralité. Par contre,
certains prélats crurent qu'il était de leur devoir d'intervenir
dans le débat, et leur maladresse fut aussitot large ment
exploitée par les adversaires de l'Eglise : c'est ainsi que
Mgr Richard, archevêque de Paris, crut bon de publier un mande
ment électoral, dans lequel il déclarait notamment : / !l s'agit
de savoir si la société continuera a ,tre régie par les
enseignements de l'Evangile, ou si elle suivra les progrés des sectes
antichrétiennes qui proclament l'indépendance absolue de la
raison humaine... »15.
Beaucoup de simples prêtres et religieux eurent
un co mporte ment moins prudent que celui de la majorité des
évêques. Les rapports des préfets nous montrent certains
curés transformant leurs chaires en tribunes, d'autres faisant
distribuer ou distribuant euxmê mes dans leurs églises des
brochures antigouverne mentales, d'autres encore faisant du porte-a-porte pour
convaincre leurs paroissiens de voter pour le candidat de l'opposition. On sait
égale ment que des prêtres et des religieux se montrèrent
et prirent la parole au cours de réunions organisées par l'Action
libérale populaire ou la Patrie frangaise. D'autre part, d'assez no
mbreux ecclésiastiques participèrent aux souscriptions
lancées pour payer les frais de propagande électorale de
l'opposition; quelques-uns acco mpagnèrent d'ailleurs
13 Dans
L'évolution de la Troisième République
1875-1914, p.224.
14 Archives nationales,
Archives de l'ancienne direction des cultes, F 19
5.622.
15 Cité par Adrien
DANSETTE, Histoire religieuse de la France
contemporaine, p.573.
leurs envois de co mmentaires assez peu
évangéliques: ainsi ce prêtre orléanais, qui, en
adressant la so mme de 1,50 franc au Comité national antijuif,
écrivait : aA bas les Juifsl Et pour l'ecrasement de la bande juive et
du depute Vazeilles en particulier »16. Il est difficile
d'évaluer la proportion des me mbres du clergé, simples
prêtres et religieux, qui prirent part ainsi d'une maniCre si i
mprudente, au combat électoral. Ils furent a coup stir proportionnelle
ment plus no mbreux que les me mbres de l'épiscopat qui ne suivirent pas
les sages conseils pontificaux, mais il n'est pas du tout stir qu'ils aient
été la majorité.
En définitive, il n'est pas douteux que de no
mbreux élé ments du clergé participêrent, parfois
três active ment, a la campagne électorale. Mais ils se
recrut"rent surtout parmi les ecclésiastiques de rang inférieur,
et non pas, a quelques exceptions prês, dans les rangs de
l'épiscopat. Dans leur immense majorité les évêques
prirent en effet soin de ne pas intervenir dans le débat, du moins pas
ouverte ment. L'Eglise souhaitait certaine ment, et rien n'était plus
naturel, le succês de l'opposition. Nombre de ses me mbres firent tout
leur possible pour le faciliter mais malgré l'i mportance de l'enjeu,
elle ne s'engagea pas avec toutes ses forces dans la bataille
électorale; la majorité de la hiérarchie avait co mpris, a
l'école de Léon XIII, les vertus de la prudence.
*****
1. LA CAMPAGNE ELECTORALE DE LA DROITE
La droite est unani me a dénoncer la politique
ministérielle. Les nationalistes et les conservateurs la condamnent en
bloc, sans appel et souvent avec une violence inouïe: le ministere est a
une horde malfaisante »17, le a produit hybride du
conservatisme maçonnique et du collectivisme revolutionnaire
>>18; «depuis trois ans que le ministere Waldeck-Rousseau
gouverne avec le concours des radicaux et des socialistes revolutionnaires, il
n'est pas une liberte qui n'ait etc violee, pas un inter,t materiel qui n'ait
etc compromis ou menace »19. Dans ces conditions, a
la
16 La Libre Parole,
numéro du 26 avril 1902.
17 Profession de foi du
député de la 3ème circonscription du
17ème arrondissement de Paris.
18 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription du
7ème arrondissement de Paris.
19 Profession de foi du
député de la 4ème circonscription de
l'arrondissement de Lille (Nord).
victoire du ministere serait la defaite de la France!
»20. Et il faut donc « expulser, sans plus tarder, le
ministere Waldeck-Rousseau et toute sa bande pour les remplacer par un
ministere et une majorite d'ordre, de justice et de liberte!
»21. Les républicains progressistes prononcent une
condamnation de la politique ministérielle tout aussi nette dans le fond
mais plus mesurée dans la forme, et ils l'opposent en un saisissant
contraste a la « politique libérale », telle qu'elle fut
pratiquée du temps de Méline: « L'heure presente est
solennelle: la France va choisir entre deux politiques. La premiere, conforme a
la tradition republicaine, a ete celle de Thiers et de Gambetta: c'est la
politique du progres obtenu par l'amelioration constante de notre regime
social, par la liberte, la tolerance et le concours de toutes les bonnes
volontes. La seconde, conforme a la tradition jacobine, veut reformer la
societe par la contrainte, n'admet la liberte que pour ses partisans, et
pretend chercher le relevement de la condition des uns aux depens de celle des
autres, quitte a compromettre gravement la prosperite nationale
»22.
Chacune des trois tendances de la coalition de droite
s'attache principale ment, tout en faisant le procés de l'ense mble, a
critiquer un des aspects de la politique gouverne mentale: les conservateurs
s'en prennent surtout a son aspect religieux, les nationalistes attaquent
essentielle ment son aspect militaire et les républicains progressistes
adressent de préférence leurs critiques a son aspect
financier.
*****
Qu'ils soient conservateurs ou qu'ils s'intitulent
nationalistes, les catholiques dénoncent bien entendu avec la plus
extreme énergie la politique anticléricale de Waldeck-Rousseau.
Ils accusent le gouverne ment et sa majorité parle mentaire de prendre
de graves mesures de discrimination a l'encontre de ceux qui pratiquent la
religion catholique. C'est ce qu'exprime Jacques Piou en écrivant:
« Otre catholique, c'est être clerical et par consequent suspect.
Qui porte cette tare est un paria. Pour avoir acces auxfonctions publiques ou
être traite avec justice, il faut être inscrit a la Loge ou
reconnaitre Voltaire et Comte comme des
20 Profession de foi du
député de la 1ie circonscription de l'arrondissement
de Nancy (Meurthe-et-Moselle).
21 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription de
l'arrondissement des Sables-d'Olonne (Vendée).
22 Profession de foi du
député de l'arrondissement de Cherbourg (Manche).
prophètes. Un officier est mis en disgrace s'il a
ete eleve dans une ecole libre ou s'il y met ses enfants
>>23.
Les catholiques sont convaincus que la loi sur les
associations a constitue le premier acte de la campagne entreprise pour la
dechristianisation de la France »24 par a la secte
maçonnique qui espère, mais en vain, aneantir la Foi, soutien et
consolation des hommes » 25.C'est donc pour eux une loi de
persécution religieuse, qui a été faite pour disperser
leurs congrégations, confisquer leurs biens et interdire a leurs me
mbres d'enseigner: a La loi du 1er juillet 1901, sur les
associations, sert de pretexte pour supprimer tout ce qui nous restait de
liberte d'enseignement, proscrit des Francais, confisque leurs biens, prive le
pays des services qu'ils rendaient, avec un devouement sublime, aux pauvres,
aux infirmes, aux enfants qui trouvaient auprès d'eux l'instruction
chretienne, base de toute morale »26. Ils considèrent
qu'elle « viole le droit le plus precieux, la liberte individuelle, en
expulsant les religieux et les religieuses »22 et qu'elle /
represente la première application legale de la doctrine collectiviste,
par l'expropriation et la vente des biens des congregations
»28, a portant ainsi la plus grave atteinte au droit de
propriete, car après les religieux ce sera le tour de tous les
proprietaires »29.
C'est la clause de la loi de 1901 retirant le droit
d'enseigner aux me mbres des congrégations non autorisées qui
provoque le plus de colêre chez les catholiques. C'est pour eux une
intolérable atteinte a la liberté d'enseigne ment. Ils sont en
effet persuadés que si la majorité reste la même dans la
nouvelle Chambre, toutes les de mandes d'autorisation déposées
par les congrégations seront repoussées; ils en déduisent
donc que presque toutes les écoles tenues par des religieux ou des
religieuses seront obligées de fermer leurs portes. D'autre part le vote
sur le principe de l'abrogation de la loi Falloux signifie dans leur esprit que
la majorité n'est pas décidée a en rester là, et
qu'à brêve échéance le monopole d'Etat risque
d'être rétabli: a La liberte d'enseignement, garantie
indispensable des droits des pères de famille, a ete gravement atteinte;
plus gravement encore
23 L'Action
libérale, numéro du 19 mars 1902.
24 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription de
l'arrondissement d'Hazebrouck (Nord).
25 Profession de foi du
député de l'arrondissement de Bayeux (Calvados).
26 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription de
l'arrondissement de Cholet (Maine-et-Loire).
27 Profession de foi du
député de l'arrondissement de Lombez (Gers).
28 Cf. note
24.
29 Cf. note
27.
menacee pour l'avenir »30. La loi de
1901 est le a prelude probable d'une autre loi qui enleverait au pere le droit
de choisir l' educateur de ses enfants »31. Parce qu'ils
songent avant tout a défendre l'enseigne ment libre tel qu'il existe
alors, et probable ment aussi parce qu'ils veulent éviter d'indisposer
leurs alliés progressistes, la plupart des catholiques ne re mettent pas
en cause les lois laïques des années 80. Quelques-uns s'y risquent
cependant: l'un d'entre eux réclame le a droit pour les communes de
choisir leurs instituteurs et institutrices primaires ou, tout au moins, de
subventionner toutes les ecoles laIques ou libres sans distinction,
proportionnellement au nombre des enfants »32.
Les nationalistes, venus de la gauche, sont en
général assez discrets au sujet du problême religieux.
Quand ils en parlent, ils se disent résolus a défendre la
laïcité de l'Etat, mais ils prennent des précautions pour
ménager les sentiments religieux de leurs alliés et de leurs
électeurs catholiques : ainsi Cavaignac se déclare a
résolu a ne jamais franchir la limite ou la defense de l'Etat laIque
prendrait le caractere d'une entreprise contre l'inviolabilite de la conscience
individuelle »33.
Les républicains progressistes sont partisans
de défendre a contre tout empietement les prerogatives de la societe
civile »34 mais ils sont tout aussi résolus a
défendre la liberté de conscience. De même, ils ne veulent
pas que soit porté atteinte a la législation scolaire
laïque, mais ils repoussent a toute atteinte a la liberte d'enseigner, qui
n'est qu'une forme de la liberte de conscience »35. Enfin, ils
sont hostiles a la loi de 1901 car, tout en instituant la liberté
d'association, elle va a jusqu'a marchander ou meme a refuser a certaines
categories de Francais le benefice de cette liberte si longtemps attendue !
>>36.
*****
30 Profession de foi du
député de la 1ère circonscription de
l'arrondissement de Tournon (Ardèche).
31 Cf. note
25.
32 Profession de foi du
député de l'arrondissement de Baugé
(Maine-et-Loire).
33 Profession de foi du
député de l'arrondissement de Saint-Calais (Sarthe).
34 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription de
l'arrondissement de Beaune (Côte-d'Or).
35 Profession de foi du
député de la 1ère circonscription de
l'arrondissement de Saint-Omer (Pas-de-Calais).
36 Discours prononcé
par Poincaré à Rouen, reproduit par Le
Temps du 10 mars 1902.
Les mesures prises a la suite de l'affaire Dreyfus par
les deux ministres de la Guerre successifs du cabinet Waldeck-Rousseau, et en
particulier par le général André, sont viole mment
attaquées par les nationalistes et la plupart des conservateurs : le
gouverne ment est accusé d'avoir « désorganisé »
l'armée. D'autre part, co mme le ministère
bénéficie du soutien d'une partie des socialistes, il est
égale ment accusé d'avoir toléré et mê me
provoqué la campagne anti militariste de l'extrê me gauche. a
L'armee a ete abandonnee au genie malfaisant d'un ministre de la Guerre odieux
qui a accepte la triste mission de la demolir au lieu de la defendre et qui
livre nos officiers aux pires outrages et aux pires delations »
27.
Or les nationalistes assi milent l'armée a la
nation, a la patrie : L'armee c'est nous tous, ce sont nos fils, c'est le
meilleur de notre sang ! »28. a La patrie, c'est l'armee
gardienne des frontieres, des foyers, des droits et de l'honneur, sauvegarde
supreme de l'independance, grande ecole du devoir egale pour tous, image
vivante et puissante de la nation »29. S'en prendre a elle
c'est donc pour eux s'en prendre a la France : a Crier : ~ has l'armee ! A has
le drapeau ! C'est comme si l'on criait : a has la France !
»4°. Aux yeux de l'extrê me droite il est donc clair
que la ministère Waldeck-Rousseau est a la solde de l'étranger :
tout le prouve, et en particulier son premier geste qui a été de
faire gracier Dreyfus, a deux fois condamne pour avoir trahi sa patrie
»41.
La « désorganisation » de
l'armée, entreprise par le gouverne ment avec l'aide de tous les «
internationalistes », « antimilitaristes » et « sans-patrie
», constitue presque l'unique préoccupation des nationalistes de
tradition jacobine : «1l s'agit l~ d'une tentative plus funeste encore que
tant d'autres actes par lesquels le ministere actuel a suscite partout les
inquietudes et les mecontentements »42. Pour de no mbreux
catholiques influencés par les idées nationalistes, la
défense de l'Eglise et la défense de l'armée sont deux
causes égale ment sacrées : l'un d'eux déclare «ne
plus supporter que les sans-Dieu jettent la croix a la voirie et le drapeau
dans la fange »43.
37 Cf. note
27.
38 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription de
l'arrondissement de Verviers (Aisne).
39 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription du
16ème arrondissement de Paris.
40 Profession de foi du
député de la 1ère circonscription du
10ème arrondissement de Paris.
41 Profession de foi du
député de l'arrondissement de Condom (Gers).
42 Cf. note
33.
43 Cf. note
21.
Si quelques républicains progressistes portent
contre le gouverne ment des accusations presque aussi graves que les
nationalistes, la plupart des modérés anti ministériels
adoptent une position différente. Certes, ils dénoncent l'anti
militaris me : a J.e veux que l'armee nationale, qui est notre force, notre
fierte et notre honneur, soit respectee de tous et que les insultes au drapeau
soient impitoyablement chltiees »44, déclare l'un d'eux.
Cependant ils n'accusent pas le gouverne ment d'avoir voulu
"désorganiser" l'armée : a Le ministere actuel, pas plus qu'aucun
de ses predecesseurs, n'a eu le parti pris d'affaiblir la defense nationale
», déclare en effet Ribot4).
La Droite reproche a la majorité de faire a de
la diminution de la duree du service militaire une simple reclame electorale
»46. En effet, s'ils acceptent le principe de la
réforme, la plupart des me mbres de l'opposition exigent qu'elle soit
acco mplie prude mment et seule ment après que l'on ait pris certaines
mesures. Poincaré s'explique ainsi a ce sujet : a J.'espere que, le
moment venu, tous les patriotes (car il ne saurait ici y avoir question de
parti) se reuniront dans la même volonte de marcher, ici encore avec
prudence et par echelons, d'etablir comme preface a la reduction du temps de
service, une forte organisation des cadres, de mettre d'abord a l'epreuve le
nombre des engagements possibles, de ne rien faire, en un mot, qui puisse
risquer de diminuer nos effectifs ou d'affaiblir notre armee
»47. Il y a certains conservateurs qui, hostiles au service de
deux ans, proposent de limiter sa durée a un an mais de créer en
contrepartie une solide armée de métier.
*****
Le rétablisse ment de l'équilibre
budgétaire constitue aux yeux des républicains progressistes le a
devoir essentiel de la prochaine Chambre »44, a la reforme qui
prime toutes les autres »49. Pour arriver a ce résultat,
il faut selon eux tout d'abord di minuer les dépenses, en particulier
par a la limitation la plus stricte de l'initiative parlementaire en matiere
de
44 Profession de foi du
député de la 1ère circonscription de
l'arrondissement de Bayonne.
45 Discours prononcé
par Ribot à Marseille le 3 mars 1902, extraits reproduits dans
L'année politique, 1902.
46 Le Journal des Débats
, n° du 22 avril 1902.
47 Cf. note
36.
48 Cf. note
35.
49 Cf. note
36.
budget" 5&, ensuite "retablir la
confiance, la paix sociale,[..1 en finir avec les menaces qui effrayent les
capitaux, lesfont emigrer »51.
Les progressistes déclarent qu'en aucun cas la
situation financiere du pays ne saurait etre améliorée par
l'instauration de l'imp8t global et progressif sur le revenu. Ce ne serait
qu'un impot nouveau a qui retomberait presque exclusivement sur la terre et
acheverait la ruine de l'agriculture »52; il a entrainerait
fatalement un arbitraire intolerable et l'ingerence du fisc dans les affaires
privees »53 et il ferait fuir les capitaux. Aucune
réforme fiscale n'est envisageable pour les progressistes avant que le
budget ne présente a nouveau des excédents. On devra alors
employer ceux-ci a en partie a faire reculer la dette publique, en partie a
faciliter par des degrevements la reforme des contributions trop lourdes et
trop inegales »54.
En matiere financiere, les conservateurs adoptent une
position identique a celle des républicains progressistes mais co mme
toujours leur ton est plus catégorique que celui de leurs alliés
modérés. Selon l'un d'eux : a La situation financiere, resultat
d'une administration gaspilleuse et d'une politique coupable, devient de plus
en plus menaçante ; en 1901 le deficit constate depasse 150 millions
»55.
Pour améliorer cette situation, ils repoussent
a les nouveaux emprunts et les nouveaux impôts »56. a Je
veux une repartition plus juste des impots directs, notamment la suppression de
l'impot des portes et fenetres, la modification de la contribution mobiliere
personnelle, tout en rejetant l'impot global et progressif sur le revenu,
instrument de spoliation et d'inquisition qui, frappant a la fois la terre, la
famille et le travail, serait la ruine du pays »57.
5& Profession de foi du député de
l'arrondissement de Vitry-le-François (Marne).
5$ Profession de foi du député de la
1ère circonscription de l'arrondissement de Roanne
(Loire).
52 Discours prononcé
par Méline le 31 mars 1902 à Remiremont, reproduit par
Le Journal des Débats du 1er avril
1902.
53 Profession de foi du
député de l'arrondissement de Coutances (Manche).
54 Cf. note
36.
55 Cf. note
26.
56 Cf. note
30.
57 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription de
l'arrondissement de Saint-Quentin (Aisne).
Pour les nationalistes, la question financiere se mble
tout a fait secondaire ; ils se bornent a accuser le gouverne ment d'avoir a
creusé un deficit de plus de 150 millions et compromis le credit et la
bonne renommee de la France »58.
*****
De mê me, les problemes écono miques et
sociaux ne paraissent revêtir aux yeux des nationalistes qu'une
importance li mitée. Les mesures qu'ils préconisent dans ces do
maines sont ou bien inexistantes, ou bien dé magogiques, ou bien
identiques a celles proposées par les conservateurs et les
progressistes.
Ces problemes ont en revanche une importance beaucoup
plus grande pour les républicains progressistes et la majorité
des conservateurs qui adoptent a leur sujet, co mme a celui du probleme
financier, des positions analogues.
Repoussant notamment avec horreur toute idée de
nationalisation, ils s'opposent a ce que l'Etat intervienne dans la gestion des
entreprises co mmerciales, industrielles et agricoles, mais ils lui de mandent
par contre de prendre en faveur de celles-ci un certain no mbre de
mesures.
Ils sont en premier lieu unani mes a réclamer
que soient maintenues et mê me renforcées les barrieres douanieres
: a Je suis toujours pour le maintien des droits de douane en faveur de
l'agriculture, du commerce et de l'industrie, et pour le relevement de ces
droits, s'il en est besoin, afin de mieux proteger nos cereales et nos produits
français contre la concurrence etrangere » 59 déclare un
progressiste a ce sujet.
Ils de mandent aussi que des dégrevements
soient effectués, surtout en faveur de l'agriculture. La droite
modérée et conservatrice accorde en effet la plus grande
attention aux problemes agricoles, parce qu'elle considere l'agriculture co mme
étant non seule ment le secteur essentiel mais encore le secteur le plus
éprouvé et le plus négligé de l'écono mie
frangaise. a Je veux rappeler que la France est une nation agricole, que du
prompt relevement de
58 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription du
17ème arrondissement de Paris.
59 Profession de foi du
député de l'arrondissement de Bar-sur-Aube (Aube).
son agriculture depend la prosperite du commerce et de
l'industrie et par consequent la richesse du pays »60 proclame
un candidat républicain libéral d'Eure-et-Loir. Un autre assure :
« La France compte 5.553.000 agriculteurs. Leurs interets et leurs besoins
ont toujours ete negliges par les Chambres. Rien ou a peu pres rien n'a ete
tente pour ameliorer leur sort »61. Un troisiéme propose
: « L'agriculture souffre : elle a aussi besoin d'être degrevee
d'une partie des impôts qui l'ecrasent : le degrevement du principal de
l'impot foncier serait une action de justice, un soulagement partiel auquel
elle a droit »6'. Toute une série d'autres mesures est
égale ment envisagée en faveur de l'agriculture : réforme
du cadastre, organisation du crédit agricole, créations de
Chambres d'agriculture, assurances diverses, etc.
Pour l'ense mble de la Droite, « il est evident
que la solution des questions sociales ne peut resider que dans une union plus
intime du capital et du travail, et non dans la lutte des classes
»63. Modérés et conservateurs sont unani mes a
dire que les gréves sont inutiles : elles sont ruineuses pour
l'industrie et plongent les ouvriers dans la misére. Aussi de
mandent-ils que la liberté du travail soit absolue. S'adressant aux
ouvriers, un républicain progressiste déclare : « Sans
contrainte, sans contrale, vous devez rester les maitres de vos droits et de
l'emploi de votre de temps et de vos forces »64. Dans ces
milieux de droite, on constate l'existence d'une réelle méfiance
a l'encontre des syndicats professionnels, qui sont i mplicite ment
accusés d'entrave a la liberté du travail. En tout cas on
proclame bien haut qu' « il ne saurait y avoir aucune distinction de
traitement entre les ouvriers suivant qu'ils sont syndiques ou qu'ils ne le
sont pas »65.
Les ho mmes de droite font figurer en bonne place dans
leurs programmes « l'amelioration du sort des classes laborieuses ».
Mais il faut bien avouer qu'ils ne proposent pour ainsi dire aucune mesure
concrete permettant d'atteindre cet objectif. Certains d'entre eux ne cachent
d'ailleurs mê me pas leur hostilité a telle ou telle revendication
ouvriére essentielle : ainsi ce progressiste qui se déclare
« contre toute reglementation genante, exageree, telle que la journee de
huit heures, qui deviendrait bientat la journee de six heures, puis
de
60 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription de
l'arrondissement de Chartres (Eure-et-Loir).
61 Profession de foi du
député de l'arrondissement de Murat (Cantal).
62 Cf. note
26.
63 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription de
l'arrondissement de Saint-Omer (Pas-de-Calais).
64 Profession de foi du
député de la 2ème circonscription de
l'arrondissement de Dieppe (Seine-Inférieure).
65 Cf. note
36.
quatre, de deux et enfin l'ideal reve par les
paresseux : etre paye a ne rien faire »66. Quant au
problè me des retraites ouvrières, on de mande, a droite, qu'il
soit résolu par la mutualité : on pense en effet que dans ce do
maine« l'effort personnel doit etre a la base : la subvention de l'Etat
doit venir ensuite »67.
Les progressistes et les conservateurs ne trouvent pas
de mots assez durs pour dénoncer le collectivis me qu'ils accusent de
vouloir détruire l'ordre social existant et abolir la
propriété privée. 1l « tend a favoriser la discorde
entre les citoyens et a detruire tous les stimulants de l'activite humaine
»64. S'il pouvait mettre ses théories en application, ce
serait « l.égalité dans la misère ».
En prêchant la lutte des classes, il retarde la solution des
problè mes sociaux, car « il empêche le patron et l'ouvrier
de se tendre fraternellement la main et paralyse l'entente necessaire entre le
capital et le travail »69. 1l veut substituer la
propriété collective a la propriété individuelle
alors que celle-ci apparait « comme le stimulant le plus efficace de
l'activite humaine, comme la recompense la plus legitime du travail et la
garantie necessaire de la liberte »70. Par ailleurs les
catholiques accusent les collectivistes de vouloir la suppression de la famille
et de la religion, et les nationalistes les dénoncent comme étant
les pires enne mis des idées patriotiques et des institutions
militaires.
Aussi, pour la Droite, l'alliance avec les
collectivistes est-elle une chose inconcevable : « Je repudie toute
compromission avec les collectivistes, avec les ennemis de l'ordre social et de
la propriete »déclare Ribot71. Les républicains
progressistes ne peuvent pas admettre que Waldeck-Rousseau, un
modéré co mme eux, ait accepté de gouverner avec le
soutien des socialistes et, qui plus est, avec le concours de l'un d'entre eux.
Toute leur campagne se trouve donc axée sur l'idée qu'il faut ro
mpre cette alliance néfaste, cause de tous les maux dont le pays souffre
: « !l faut aussi, et surtout, rompre pour toujours avec le redoutable
precedent que >. Waldeck-Rousseau a cree en introduisant le collectivisme au
pouvoir. C'est la plus lourde faute qu'il ait commise. De celle-la derivent
toutes les autres. »72.
66 Cf. note
59.
67 Cf. note
51.
68 Ibid.
69 Profession de foi du
député de la 1ère circonscription de
l'arrondissement de Senlis (Oise).
70 Cf. note
53.
71 Cf. note
35.
72 Cf.
Le Journal des Débats du 1er avril
1902.
Pour re mplacer la majorité de gauche englobant
les socialistes, les républicains progressistes ont le choix entre deux
solutions : ou bien la « concentration », c'est-à-dire une
majorité excluant a droite les conservateurs et les nationalistes et a
gauche les socialistes et la plupart des radicaux-socialistes, ou bien la
reconstitution de l'ancienne majorité de Méline,
c'est-à-dire une majorité excluant toute la gauche socialiste et
radicale, mais s'étendant en contrepartie três loin vers la
droite. C'est la deuxiême solution que choisissent les progressistes qui
se sentent désormais plus proches des conservateurs que des radicaux. Un
article du Journal des Debats7<, répondant au Temps qui
mêne une active campagne en faveur de la "concentration" ne laisse planer
aucun doute a ce sujet. On y lit notamment : a La concentration republicaine,
qui n'a jamais ete que le plus empirique des expedients, ne saurait etre autre
chose demain. On peut s'y resigner, lorsqu'il n'est pas possible d'y echapper;
mais nous la donner comme ideal pour les generations nouvelles, et comme un
rajeunissement desirable pour les anciennes, depasse la mesure d'ironie que
comporte une situation aussi serieuse que la notre ».
*****
Alors que les progressistes se contentent de demander
un change ment de majorité, les nationalistes s'en prennent au
régi me parle mentaire lui-même, un régi me parle mentaire
qui, selon l'un d'entre eux, «n'a plus a faire ses preuves d'impuissance
et d'ignominie »74. Ils esti ment que le Parle ment dispose de
pouvoirs trop étendus et qu'il est incapable de les utiliser de
manière efficace : a Le Parlement a trop de puissance, tout en donnant
la preuve manifeste de trop d'impuissance »75. a La
preponderance abusive et l'action dereglee du pouvoir parlementaire ont
compromis a la fois la bonne gestion des affaires publiques et la marche
assuree, reguliere, continue des progres democratiques »76. La
résurrection d'un pouvoir exécutif indépendant et fort est
la solution qu'ils préconisent pour re médier aux abus du
régi me parle mentaire. En conséquence, ils de mandent que le
chef de l'Etat soit élu par un collège électoral
élargi ; no mbreux même sont ceux qui, partisans du régime
plébiscitaire, réclament son élection au suffrage
universel direct. Ayant alors la confiance
73 Cf.
Le Journal des Debats du 15 avril 1902.
74 Profession de foi du
député de la 3ème circonscription de
l'arrondissement de Nantes (Loire-Inférieure).
75 Cf. note
39.
76 Cf. note
33.
du peuple, il devrait être investi des pouvoirs
les plus étendus pour gouverner. Quant aux partis politiques,
tout-puissants en régime parle mentaire, ils n'auraient plus qu'à
s'incliner devant cette manifestation de la volonté populaire. Un
candidat nationaliste du Calvados s'expri me a ce sujet en ces termes : ill
faut donner un chef responsable a la Republique, un representant au pays, un
defenseur au peuple ! Et pour que ce chef soit vraiment l'homme de la nation,
le plus simple c'est que la nation le choisisse elle-même et lui delegue
expressement toute l'autorite dont il aura besoin pour defendre les interets du
pays. Le jour oa le peuple aura parle, les partis n'auront plus qu'a se taire
»77. Quant aux risques que co mporte un tel systè me
pour le régi me républicain lui-mê me, ceux qui le
préconisent se mblent s'en soucier fort peu et de toute fagon, pour eux,
« le pouvoir parlementaire sans contrepoids est encore plus intolerable
que l'absolutisme monarchique »78.
Si le régi me parle mentaire est dure ment
attaqué au cours de la campagne électorale par les nationalistes
et aussi par un certain no mbre de conservateurs, on constate par contre que la
droite monarchiste évite le plus possible de re mettre en cause la
République. Bien sfir l'appel lancé par le bureau politique du
duc d'Orléans proclame que a la Republique ne peut etre le regime
definitif de ce pays »79 mais, dans leurs professions de foi,
les députés monarchistes éludent la question. Certains,
tel Denys Cochin, affirment mê me que l'existence de la République
est a moins que jamais en question ».
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