2- L'affectation de la mosquée au culte
chrétien :
Des aménagements sont effectués à
l'intérieur de l'ancienne mosquée pour l'adapter au culte
catholique, par l'installation des nouveaux mobiliers tout en utilisant
l'ancien comme ce fut le cas de la vasque à ablutions transformée
en cuve baptismale, le clocheton et la rampe de marbre du `minbar' servirent
à la construction de la chaire; le tabernacle fut exposé sur le
siège de marbre de l'imam avec des colonnes torses incrustées
d'onyx, et des gestes symbolique comme l'installation d'une statue de la Vierge
au `Mihrab' qui indiquait auparavant la direction de la `qibla', et
l'installation d'une croix sur la grande coupole de l'ancienne mosquée
en 1840.
L'abbé Bargès cité par Henri Klein donne
une description détaillé de la cathédrale en 1832 :
« Au-dessus de chaque galerie, excepte dans la garde orientale,
règne une tribune avec balustrade de bois d'un travail très
artistique. Cette tribune est occupée par les dames. Une place y est
réservée au Gouverneur et sa famille qui peuvent s'y rendre
directement du palais, lequel est attenant au templekDes armoires ont
été pratiquées çà et là, le long des
murs; les portes présentent des panneaux de pièces
rapportées, chacune de couleur différente.
Les pans intérieurs de l'église sont
revêtus, jusqu'à la hauteur de la tribune, de carreaux de
porcelaine blanche et bleue d'un très curieux effet. La chaire,
adossée à une colonne, est ornée de sculptures d'une
délicatesse et d'un fini remarquables. Devant le lieu où l'on
conservait le Coran (le mihrab) et vers lequel se tournaient les musulmans, en
priant, on a dressé une statue de la Vierge.
A quelques pas de là, s'élève le
maitre-autel, dont la richesse est en harmonie avec la beauté
de ce temple. II offre plusieurs espèces de marbres
précieux«Ce qui frappe le plus en entrant dans cette église,
ce sont les inscriptions presque colossales qui en ornent les parois. Les
lettres ont de trois à quatre pieds de long. Ces inscriptions expriment
des sentences tirées du Coran »64.
L'inauguration de la cathédrale eut lieu le jour de
Noel 1832, soit une semaine après la prise de la mosquée ;
à part les quelques aménagements reporté la dessus, le
bâtiment de la nouvelle cathédrale reste celui de l'ancienne
mosquée avec ses colonnes décorées de motifs
végétaux et ses inscriptions coranique sur tous les parois du
bâtiment.
A l'occasion de Pfiques, la reine Amélie offrit
à la nouvelle église ses vases sacrés et les premiers
ornements sacerdotaux ; le pape Grégoire XVI lui fit don d'un tableau de
Carrache, représentant l'Assomption et d'un calice d'or entoure de
pierreries et décoré du coq, symbole de la
vigilance65.
Cette vague de conversion qui créa des édifices
« églises par leur culte, mais mosquées par leur
architecture~.ces monuments qui ont bravé les siècles; qu'il
suffît de les parcourir pour en retrouver l'origine, et qu'ils fussent
eux-mêmes leur propre chronologie »66 ; Ces
édifices Hybrides ne semblaient pas poser problème à la
pratique du culte chrétien, en gardant même des
éléments qui font référence à l'islam, comme
les versets coraniques visibles en grands caractères dans la
décoration intérieur de la mosquée, des versets
gravées, en 1795, par le maitre Ibrahim Djarkeli67,
transcrits et traduits par l'abbé Bargès en 184068
(voir Figure.4), ces décorations sont relevées sans pour autant
choquer les fidèles.
64 L'abbé Bargès, « notice sur
la cathédrale d'Alger en 1839 », dans le journal asiatique,
troisième série, Tome XI, l'imprimerie royale, Paris, 1841.
65 JULIEN Charles André, op.cit.
66 M.P.Genty DE BUSSY, op.cit.
67 KLEIN.H, op.cit.
68 L'abbé Bargès, op.cit.
Figure 1 : La mosquée Ketchaoua avant sa conversion en
1832, d'Après une lithographie de Lessore et Wyld. Source :
MARÇAIS Georges, Manuel d'art musulman : L'Architecture (Tunisie,
Algérie, Maroc, Espagne, Sicile), Vol VII, Ed Picard, Paris,
1926-1927.
Figure 2 : Coupe de la mosquée Ketchaoua, Amable
Ravoisié, 1839. Source : MARÇAIS Georges, Manuel d'art musulman :
L'Architecture (Tunisie, Algérie, Maroc, Espagne, Sicile), Vol VII, Ed
Picard, Paris, 1926-1927.
Figure 3 : Mosquée Ketchaoua, plan d'Amable
Ravoisié, 1839. Source : MARÇAIS Georges, Manuel d'art musulman :
L'Architecture (Tunisie, Algérie, Maroc, Espagne, Sicile), Vol VII, Ed
Picard, Paris, 1926-1927.
Figure 4 : Mosquée Ketchaoua, versets gravées,
en 1795, par le maitre Ibrahim Djarkeli , transcrits et traduits par
l'abbé Bargès en 1840. Source : L'abbé Bargès,
« notice sur la cathédrale d'Alger en 1839 », dans le
journal asiatique, troisième série, Tome XI, l'imprimerie royale,
Paris, 1841.
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