B- La conversion cultuelle :
La conversion cultuelle d'un lieu de culte consiste à
le consacrer à un autre culte que celui célébré
dans l'édifice auparavant, cet acte bien que de nature religieuse
intervient tout de même dans un espace architectural et nécessite
des réaménagements de cet espace pour l'adapter à sa
nouvelle fonction.
Malgré qu'il s'agisse d'un changement qui va affecter
l'essence même de l'existence du lieu de culte qu'est la religion qu'on y
célébrait, cette conversion assure quand même la
pérennité de la fonction cultuelle de l'édifice, ce qui
constitue une continuité de son l'usage même s'il change de
confession, et garde en outre l'objet architectural qui continue d'exister on
assurant la célébration d'un nouveau culte, ce bfitiment d'une
autres époque et d'un autre style peut etre considéré
comme un trophée lié à une conquête ou à la
domination d'une communauté d'une autre.
Cette conversion cultuelle qui s'accompagne de peu
d'interventions sur le corps du bâtie et qui ne nécessite
généralement que de légers aménagements
intérieurs arrive tout de même à
88 GABI Dolff-Bonekämper, «Lieux de
mémoire et lieux de discorde »..Op.cit.
89 Déclaration finale de la conférence
européenne des ministres responsables du patrimoine culturel, Helsinki,
30/31 mai 1996.
90 GABI Dolff-Bonekämper, «Lieux de
mémoire et lieux de discorde »..Op.cit.
imposer « dans un cadre a priori inadapté, un
nouvel univers mental issu d'un discours théologique différent
»91 ; Ainsi, une semaine après
l'occupation effective de la mosquée de Ketchaoua en décembre
1832, on y célébra la messe de Noel et elle devint
l'église Saint-Philippe première cathédrale de la ville ;
de la même façon, après l'indépendance de
l'Algérie en 1962, l'ancienne cathédrale retrouve sa fonction de
mosquée en un laps de temps relativement cours.
Cette variation de la fonction mosquée/église
dans un même édifice, interpelle sur la nature de chaque lieu de
culte, et sur les convergences et les analogies qui rentrent dans le processus
d'installation d'une église catholique dans la bfitisse d'une
mosquée et vice-versa.
La mosquée se distingue de l'église par sa
vacuité de tout élément représentant ou faisant
directement référence à Dieu, et cela en accord avec l'un
des principes de l'islam qu'est la relation directe entre le créateur
qui est dieu et l'homme à l'instant de la prière, ainsi les
fidèles n'ont pas besoin d'intermédiaire pour s'adresser à
dieu. De là on comprend que la mosquée, `masjid' en arabe, ce qui
signifie « lieu de prosternation », est un lieu qui permet le
rassemblement des fidèles pour l'accomplissement des prières,
notamment les prières groupées par obligation comme celle du
vendredi92.
Mais ce lieu de rassemblement des fidèles a
évolué pour être au centre de la vie de la
communauté musulmane, du fait que l'islam «dans la culture
musulmane oft les domaines du politique, du social et du religieux sont
intimement mêlés, elle [la mosquée] sert aussi
d'école religieuse et d'espace de diffusion d'informations officielles
concernant les impôts ou les taxes par exemple ; on y rend aussi la
justice, on y tient des réunions publique« certaines des fonctions
des grandes mosquées sont aussi celles des cathédrales
chrétiennes, qui abritent par exemple des écoles
cathédrales et accueillent des assemblées de corporation
»93, ce qui était le cas de la mosquée de
Ketchaoua, qui était considérait comme une des grandes
mosquée de la ville d'Alger.
Ainsi, pour adapter le lieu de culte à sa nouvelle
confession, après une purification de l'édifice par aspersion
d'eau sur le sol et les murs, on procèdes à des changements de
mobilier par l'installation de sièges, banquettes, chaire et
maitre-autel pour l'église, et de tapis, lustres,
91 BARON Mathilde, Op.cit.
92 BAYLE Marie-Hélène, Op.cit.
93 BARON Mathilde, Op.cit.
`Mihrab' et `Minbar' pour une mosquée. Il arrive meme
qu'on utilise l'ancien mobilier en l'adaptant à un nouvel usage, comme
ce fut le cas du `Minbar' de la mosquée de Ketchaoua, transformer en
chaire pour la cathédrale en 1832, pour retrouver sa fonction initiale
en 1962. Ce mobilier nécessaire à la célébration du
nouveau culte est indispensable pour le déroulement de la conversion
cultuelle.
En plus de l'installation du nouveau mobilier, des
intervention sur la décoration intérieur et extérieur de
l'édifice sont effectuées, pour effacer les
références au culte anciennement célébrer dans les
lieux ; cette purification de l'ornementation est plus stricte du coté
musulman au regard de l'interdiction des représentation humaines et
animales dans les mosquée, ainsi toutes les décorations de cette
natures sont soit effacées soit recouvertes, et les croix sont
enlevées contrairement au clocher qui est toléré et peut
servir de minaret pour la mosquée ; ce changement de fonction à
une valeur symbolique très forte, l'appel à la prière du
succède à la sonnerie de cloches, ou l'inverse. La valeur de
cette élément d'appel caractéristique des mosquées
comme des églises explique l'importance accordée à cette
élément, ainsi « Les cloches de la cathédrale de
Compostelle furent emportées comme butin par le célèbre
Almanzor et suspendues comme des lustres, dans la grande mosquée de
Cordoue en 997 puis ramenées par Alphonse X le Sage après la
conquête de la capitale musulmane en 1236 »94 ; Dans le
cas de la mosquée Ketchaoua, le clocher est toujours en place, bien
qu'il n'a actuellement aucune fonction.
Dans le cas de la conversion cultuelle d'une mosquée au
culte chrétien, le souci d'effacer la décoration antérieur
des lieux est de moindre importance, du fait de la sobriété de
l'ornementation des mosquées qui est à caractère floral ou
géométrique, ne faisant pas référence directement
à l'islam, sauf pour les versets coraniques calligraphiés sur les
lieux, mais méme ces calligraphie ne font pas objet d'une proscription
stricte, ce qui explique qu'ils ont été gardés dans la
cathédrale Saint-Philippe après 1832.
Le changement de l'orientation est un acte crucial de la
conversion, par lequel on affirme la nouvelle destination de l'édifice,
les églises par tradition sont orienté vers l'Est par la mise en
place d'absides, les mosquées sont orienté en direction de la
Mecque par l'installation du `Mihrab' indiquant la `qibla'
direction de la Mecque.
94 Ibid.
Ces aménagements sont suivis par la consécration
de l'édifice au nouveau culte, les rites de conversion d'une
mosquée ou d'une église sont les meme que les rites de
consécration d'un nouvel édifice, le rituel de dédicace
qui est bien codifié du coté chrétien est
considéré « parmi les actions liturgiques les plus
solennelles et les plus riches de significationkEn consacrant par ses rites un
édifice matériel fait de mains d'hommes, la dédicace
exprime le mystère mrme de l'Eglise, temple de Dieu »95,
ce rituel a évolué à travers les siècles et sa
dernière codification date de 1977, ou le Concile Vatican II a
publié l'Ordo `dedicationis' destiné à la
consécration des lieux de culte, une consécration qui s'effectue
en plusieurs étapes.
Du coté musulman, l'inauguration a un caractère
moins cérémonial, la consécration de la mosquée se
fait par la célébration de la prière dans les lieux, et
l'édifice est aussitôt considéré comme une
mosquée à part entière.
L'inauguration de l'édifice comme un nouveau temple
purifié de l'ancienne religion, est fort en significations symboliques,
cet évènement consacre en même temps une victoire. Les
cloches ou le Azan' (l'appel à la prière) retentissent
célébrant la victoire, puisque les conversions de mosquées
ou d'églises sont liées étroitement aux victoires
militaires, aux conquêtes auxquelles elles succèdent ;
Contrairement aux invasions temporaires qui provoquent profanations ou
destructions, l'occupation durable des territoires permet la conversion des
édifices du culte96.
|