D- Reconversion : édifice cathédrale -
fonction mosquée :
Après 130 ans d'occupation française en
Algérie et sept ans de guerre de libération et suite au scrutin
d'auto-détermination du premier juillet 1962 durant lequel « le
peuple algérien s'est prononcé pour l'indépendance de
l'Algérie coopérant avec la France....la France reconnait
solennellement l'indépendance de l'Algérie »75 le
04 juillet 1962 ; dans les mois qui suivent la cathédrale Saint-Philippe
est reconvertit au culte musulman et redevient la mosquée Ketchaoua.
Dans la foulée des festivités de
l'indépendance en Algérie à l'été 1962, et
pendant une période qui a connu beaucoup de rebondissement sur tout le
territoire algérien et essentiellement à Alger, la reconversion
de la mosquée Ketchaoua passe presque inaperçue au regard des
évènements majeurs qu'a connu la capitale en cette
période. Ainsi, je n'ai pas été en mesure de
déterminer la date exacte de la reconversion, mais on peut tout affirmer
que la reconversion de la cathédrale Saint-philippe en mosquée
s'est déroulée entre juillet 1962 et le mois de décembre
de la même année, durant lequel l'église du
Sacré-Coeur fut élevée au rang de cathédrale de la
ville d'Alger.
L'abbé Jean-Pierre Henry, Archeveché d'Alger
raconte l'épisode de cette reconversion : « Le lendemain de
l'indépendance, les algérois ont envahi la cathédrale et
ont réclamé son retour au culte musulman. Et des tractations se
sont ensuivies, de telle sorte qu'en novembre 1962, elle était redevenue
mosquée. L'Eglise a trouvé normal de faire en sorte que cet
édifice puisse revenir au culte musulman. Et la chose avait
été préparée par la construction du
Sacré-Coeur durant les années de la guerre d'indépendance
»76, ainsi en peut en déduire que comme ce
fut le cas dans plusieurs villes en Algérie au lendemain de
l'indépendance, l'occupation de la mosquée par la foule s'est
faite spontanément par les riverains qui ont demandé qu'elle
retrouve sa fonction de mosquée ; les négociations qui ont
suivent avec la communauté chrétienne ont abouti au
déplacement du siège de la cathédrale d'Alger à
l'église du SacréCoeur et au retour de la mosquée
Ketchaoua au culte musulman, ces négociations ce sont
déroulées dans une période de conflits interne au sein du
nouveau pouvoir algérien, ou les pressions sur les algérois et
surtout sur la communauté chrétienne étaient accrus.
75 Journal officiel France, 04 juillet 1962, P6483.
76 Reportage, « Ketchaoua : mosquée
d'Alger », revue TDC, Diffusion Lundi 2 avril 2001 sur La
Cinquième, Conception Hervé Pernot, Auteur-Réalisateur
Mehdi Zergoun.
Depuis qu'il a retrouvé sa fonction de mosquée,
l'édifice de l'ancienne cathédrale Saint-Philippe n'a pas subi de
modifications architecturales majeures ; le mobilier intérieur a
été changé et les chaises de l'ancienne église ont
laissé place au tapis de la mosquée, l'ancien
`minbar'77 retrouve sa fonction initiale après avoir servie
de chaire pour la cathédrale pendant 130ans et les décorations
faisant référence au culte catholique ont été
enlevées, les croix surplombants les tours de l'ancienne
cathédrale ont laissé place aux croissants lunaires.
Le véritable défi de cette reconversion fut
l'aménagement du `mihrab' vers lequel se dirigent les fidèles
lors des prières et qui doit obligatoirement être orienté
vers la Mecque, ce qui veut dire vers l'Est dans le cas de la ville d'Alger.
Dans un plan type de mosquée, l'entrée est aménagé
du côté opposé de celui du `mihrab', pour permettre aux
fidèles de se retrouver directement orienté vers la Mecque et
pour faciliter la circulation à l'intérieur de la salle de
prière ou on n'a pas le droit de traverser les lignes pendant le temps
de la prière ; or l'entrée de l'ancienne cathédrale
Saint-Philippe se retrouve plein Est dans la même direction que la
Mecque, ce qui emmena les autorités religieuses de poser un mur
isolé à l'entrée, dans lequel on pratiqua une niche qui
servira de `mihrab', ce qui donne à la mosquée de Ketchaoua un
aménagement intérieur unique, ou l'on est obligé de
contourner le mur à l'entrée de la mosquée, prendre les
passages des deux côtés de la salle pour rejoindre la file
arrière des fidèles. Get aménagement intérieur
improvisé interpelle les fidèles sur le fait que le
bâtiment en place n'a pas été conçu pour être
une mosquée.
En plus des aménagements intérieur, un espace
d'ablution a été construit du côté Nord-Ouest de
l'édifice, ce qui oblige les fidèles à traverser toute la
longueur de la mosquée pour y arriver et revenir après à
la salle de prière ; les croix sur les deux tours et sur la coupole
centrale ont été enlevé comme toutes les
références au christianisme qui ont été
enlevées de la décoration de la façade.
L'édifice a subi plusieurs opérations de
restauration sans pour autant subir de transformations architecturales
majeures, ces opérations ont été limitées à
des consolidations et des confortements pratiqués dans
différentes partie due essentiellement aux problèmes
d'instabilité du sol qui subsistent. La dernière opération
en date a débuté en 2008 et est
77 Escabeau surélevé d'où l'imam
fait son prêche.
toujours en cours, cette restauration qui vient suite au
séisme de 2003 qui a frappé les environs immédiats
d'Alger, lors duquel la mosquée à subit des dégâts
au niveau des tours qui menaçaient de s'effondrer (Figure.10) en plus
des autres problèmes liées à l'âge de
l'édifice, Abdelouahab Zekkagh architecte restaurateur et directeur de
l'OGEBC maitre de l'ouvrage de l'opération, énumère les
dégâts qu'a subit la bfitisse et les mesures d'urgence prisent
:
«Les pierres de la partie supérieure des balustres
surmontées par des blocs constitutifs se sont écartées, ce
qui donne une légère inclinaison. Nous devons procéder
à une opération délicate comme le cerclage à trois
niveaux de la hauteur outre les travaux d'étanchéité que
nous prévoyons, car il y a de grands problèmes d'infiltration des
eaux pluviales»78.
Pendant les travaux de restauration (Figure.11) , la
mosquée reste fermée au public et cela depuis 2008 , ce qui a
provoquer l'inquiétude des fidèles sur des travaux qui ont
été prévu dans un délais de huit mois, enfaite il
«a été difficile de fermer ce lieu de culte, la
population locale n'a pas tellement apprécié parce qu'elle
entretenait un rapport particulier avec cette mosquée qu'elle
préfère aux deux autres lieux de prière situés non
loin de let. Le ministère de la Culture a pu, néanmoins,
réussir la prouesse de la faire fermer. Le ministère des Affaires
religieuses, propriétaire de l'espace, voudrait le restituer au plus
vite»79.
Malgré la confusion que porte l'édifice actuel
avec sa dualité bfitiment cathédrale/fonction mosquée, sa
réappropriation par la communauté musulmane a été
très rapide et il occupe la fonction de grande mosquée de la
ville à part entière en dépit de son aménagement
intérieur particulier. Un membre du ministère algérien des
affaires religieuses affirme en 2001 : « Grâce à Dieu, la
mosquée Ketchaoua a retrouvé sa vocation première. Lieu de
culte musulman, nous y célébrons les cinq prières de la
journée, celles des vendredis et des fêtes
religieuses»80, de l'autre côté, il y'a toujours
une partie de la population qui se sont toujours gênés par le
nature du bâtiment qu'occupe la mosquée jusqu'à affirmer
que « s'il y a une
78 Propos recueillit par M.Tchouban, article «
opération de restauration et de sondage », Quotidien El Watan,
édition du 26/11/2008.
79 Propos de Nabila Seffadj, architecte en chef de la
restauration de la mosquée Ketchaoua, recueillit par Nadir Iddir, «
Les travaux de confortement entamés », Quotidien El Watan,
édition du 16/05/2009.
80 Reportage, « Ketchaoua : mosquée
d'Alger », op.cit.
mosquée à Alger qui ne reflète pas
notre patrimoine historique c'est bien celle-là, elle n'est plus
authentique, ceci dit ces valeurs patrimoniale sont aussi immenses
»81.
Le rôle du style architectural de l'ancienne
cathédrale et surtout le caractère orientaliste et mauresque des
traitements de la façade, qui ont été puisés dans
les répertoires de l'architecture arabo-islamique ont sans doute
facilité la réception de l'édifice reconvertie sans grands
efforts à une mosquée en 1962.
81 Propos d'un étudiant en architecture
à l'EPAU d'Alger, recueillie au cours de l'enquête sur terrain,
février 2012.
Figure 10 : Mosquée de Ketchaoua, détails des
tours, Alger, 2009. Photo prise par Amari Reda, décembre 2009.
Figure 11 : Mosquée de Ketchaoua, photographie de la
façade principale, Alger, 2009. Photo prise par Amari Reda,
décembre 2009.
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