Conclusion de la première partie
A la lumière de tout ce qui précède, nous
pouvons retenir quelques considérations générales.
D'abord, que le mariage, dans la société traditionnelle,
n'existait pas tel que nous le connaissons aujourd'hui, à en croire les
propos de
200 Louis ROUSSEL, op.cit., p.206.
201 Simon David YANA, « Statuts et rôles
féminins au Cameroun. Réalités d'hier, images
d'aujourd'hui », op.cit., p.37.
Nicolas METEGHE N'NAH et du Pasteur OGOULA-M'EYE. Par
ailleurs, dans la recherche de l'épouse, « la société
traditionnelle tenait peu compte de la liberté de choix des enfants
»202, c'était du ressort exclusif de la famille et la
future épouse était toujours épouse était toujours
choisie dans une famille de bonne réputation.
Dans une autre mesure, entre bru et sa belle-famille,
c'étaient toujours des rapports de soumission qui devaient
prévaloir ; il fallait que la bru soit soumise pour la réputation
de ses parents d'abord et le respect de son mari ensuite. Les quelques
rapports conflictuels qui pouvaient surgir provenaient des
belles-soeurs surtout quicherchaient à dominer cette
dernière.
Cependant, l'arrivée de l'école, de l'Eglise et
du travail salarié a modifié ces rapports. La bru, instruite et
suivant par exemple le catéchisme et travaillant, voit peu à peu
sa condition s'améliorer au sein du couple et avec sa belle-famille.
C'est le temps de la dot, du mariage à l'Eglise, et de
l'état-civil mais surtout, du choix du conjoint devenu maintenant une
affaire individuelle. Les avis des parents interviennent en seconde position,
parfois pour seulement approuver le choix, de peur de créer une brouille
dans le futur ménage.
Ce qui nous conduit à nous poser la question de savoir
si les rapports conflictuels que nous voulons rendre compte entre bru et
belle-mère, au sein de la famille gabonaise actuelle, ne trouvent-ils
pas leur origine dans le fait que le choix du conjoint, avec l'introduction de
l'Eglise, l'école, le travail rémunéré, soit devenu
une affaire individuelle et où l'avis des parents ne compte plus
vraiment ? Autrement dit, pourquoi bru et belle-mère sont-elles en
conflit ?
![](Rapports-mere-fils---travers-la-bru-dans-la-famille-gabonaise-actuelle5.png)
«Le sociologue n'observe pas la réalité
sociale, mais des pratiques [...] Entre lui et son objet d'étude
s'interpose un ensemble d'interprétations et
d'interventions.>>203 D'autant plus que << le
sociologue a la particularité qui n'a rien d'être un
privilège, d'être celui qui a pour tâche de dire les choses
du monde social,et de les dire autant que possible, comme elles sont : rien que
de normal, de trivial même, en cela.>>204 Car
« le problème sociologique est toujours de comprendre ce qui se
passe en termes d'interaction sociale. Ainsi le problème sociologique
n'est pas tant de savoir pourquoi des choses ne vont pas selon le point de vue
des autorités [...] mais bien comment le système entier
fonctionne d'abord, quelles sont ses fondations et comment il est maintenu
ensemble.>>205 En définitive, <<
l'étude de la société ne peut être que celle d'un
ordre ; l'étude des acteurs ne peut être que celle de leurs
croyances et de leurs projets.>>206
Ce qui a motivé le choix de ce sujet, c'est notre
volonté de comprendre et de tenter d'expliquer la nature des rapports
qui existent et prédominent entre la belle mère et la bru au sein
de la famille gabonaise actuelle. En effet, la famille << constitue
un système de rapports entre les conjoints, les parents et des
alliés et entre le système qu'ils constituent et les autres
sous-systèmes de la société (notamment économique
et politique).>> 207
En partant de l'observation de la famille gabonaise actuelle,
le constat qui se dégage des rapports entre belle mère et bru
montre des rapports mitigés, voire ambigus qui constituent l'objet de
discussion ou kongossa208, dans les différents
quartiers de Libreville. Ces discussions qui rapportent comment les mariages
sont défaits attestent que la famille gabonaise, en tant que premier
lieu de socialisation de l'individu, connaît des tensions internes qui
ébranlent la vie de couple. Aussi, belle mère et bru s'inscrivent
dans des logiques et des rapports souvent controversés. On
203 Alain TOURAINE, Pour la Sociologie, Paris, Seuil,
(coll. « Points »), 1974, p.25.
204 Pierre BOURDIEU in Méditations pascaliennes,
cité par Claude JAVEAU in Leçons de sociologie, Paris,
Armand Colin, 2001, p.5.
205 P.L. BERGER, Invitation to sociology, cité
par Claude JAVEAU in Leçons de sociologie, Paris, Armand Colin,
2001, p.82.
206 Alain TOURAINE, op.cit., p.213.
207 Raymond BOUDON et F. BOURRICAUD, Dictionnaire critique de
la sociologie, Paris, Quadrige/Puf, 2004, p.251.
208 Expression gabonaise désignant les commérages
de tout genre.
note des forces qui débouchent sur d'éventuelles
séparations des conjoints ; il importe pour nous de mener cette
étude sociologique afin d'en saisir les mécanismes de non
reproduction de la famille et d'en apprécier l'étendue. Tel est
l'objectif visé par cette recherche.
Ainsi, au regard de ce constat que nous avons dressé
précédemment, nous nous posons la question de savoir
pourquoi bru et belle-mère sont en conflit ?
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