2. Rapports de force existants.
La vie du couple est, à ce qui semble, rythmée
par la succession des bons et mauvais moments. En effet, en dépit des
rapports de soumission et de respect, les rapports conflictuels pouvaient
surgir ; cependant ils restaient latents. Ils demeuraient donc latents parce
qu'il y avait des valeurs de respect classées sous la rubrique de
convention ; d'où un certain consensus entre parents qui s'était
installé, vu que le mariage était arrangé par ces
derniers. « Ce type de mariage, certes, pouvait présenter quelques
difficultés : il pouvait arriver que, même sous la pression la
plus forte, un des deux refuse le conjoint qui lui a été choisi.
Toutefois, il semble qu'il y avait moins de conflits.»161
Le plus souvent le conflit, a priori, provenait des
belles-soeurs, des beauxfrères, des cousins, car ils pouvaient prendre
la jeune mariée comme une esclave ; c'est-à-dire en «
t'envoyant trois ou quatre fois voire plus sans repos en disant va me
puiser de l'eau ; sert-moi ; on ne veux plus manger cela, prépare nous
telle chose.»162 Ce qui faisait que le jeune fille( bru)
pouvait, dans ce cas de figure ,oser répondre, estimant que la
circonstance était abusive ou, elle boudait et parfois, prenait
l'initiative de retourner chez elle.
C'est comme ça « que le père du mari
venait encore prier la belle-famille pour que la bru retourne en mariage et
pour cela, il donnait encore une nouvelle marchandise comme le vin, le
cabris »163 en guise d'amande. On peut aussi corroborer le
point de vue
161 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA,
op.cit, p.19.
162 Propos de madame Hélène YAYE.
163 Propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE.
d'Annick Sandra NYINGONE pour qui « ces conflits ne
devaient pas avoir lieu en présence du mari qui incarnait
l'autorité et le respect. Il y avait certainement des murmures de
mécontentement, des tentatives de règlements de compte, mais dans
l'ombre. »164 On notera aussi que « quand tu
appréciais un garçon ou tu faisais n'importe quoi, t'avais peur,
car cela faisait des problèmes avec la belle-famille ; on te
surveillait. Quelques fois, les soeurs présentaient encore d'autres
femmes à leur frère sachant qu'il est
marié.»165
Signalons au passage qu'il n'y avait véritablement pas
de conflits entre bru et belle-mère d'après notre enquetée
madame Hélène YAYE ; et si ils survenaient ; c'est conflits
étaient latents vu qu'on ne pouvait pas parler avec sa
belle-mère. Nous le répétons il y avait certainement des
murmures de mécontentement, mais tout ceci se faisait dans la
discrétion. Si la bru venait à mal se comporter, cela se
réglait en conseil de famille afin de ramener le calme parce qu'il y
`avait des philosophes coutumiers dans chaque famille.166
L'exemple de madame I.A167, qui a passé 15
ans dans sa belle-famille, étant donné que ses beaux-parents
l'ont prise à l'age de 8 ans et l'ont élevée, nous
édifie sur ces rapports conflictuels entre bru et la belle-famille. Elle
nous a confié qu'elle a eu de bons rapports avec sa belle-mère
mais la situation était tout autre avec ses belles-soeurs et ses
beaux-frères. En effet, « les belles-soeurs et les
beaux-frères étaient jaloux, ils inventaient des histoires
à propos de mon sujet en mal. Exemple, ta femme, dès que tu parts
au travail, elle sort. A un moment donné, ma belle-mère avait
pris en compte ces histoires et était devenue contre moi. Elle faisait
même deux jours sans me parler, sans manger ma nourriture. Mais je
partais toujours vers elle, demandais pardon même pour les choses que je
ne reconnaissais pas ; jusqu'à ce qu'elle comprit que c'étaient
ses filles qui
164 Annick Sandra NYINGONE, op.cit., p.71.
165 Propos de madame Hélène YAYE.
166 Selon les propos de monsieur Joseph Francis
MAYOMBO NZENGUE, chaque famille avait (chez les Nzébi par exemple) des
philosophes coutumiers, c'est-à-dire des gens qui, comme les
célébrants des mariages ou Okambi, réglaient certains
probl~mes au sein des foyers et apportaient des conseils dans
l'intérêt de la bonne marche de la famille.
167 Entretien avec madame I.A, Nzébi, 43 ans,
sans profession, mariée à la coutume et à
l'état-civil avec 7 enfants.
étaient à l'origine des problèmes ; elle
avait découvert une lettre écrite par sa fille demandant à
son fils de me chasser. »168
Dans la même perspective, madame Y.H169 nous
a déclaré qu'elle passait juste des journées avec sa
belle-mère pour se connaître. Le conflit a débuté
plutôt avec ses belles-soeurs qui demandaient de l'argent à leur
frère. Celui-ci répondait qu'il n'en avait pas. C'est ce qui a
fait « qu'elles s'acharnaient sur moi en me traitant de mauvaise.
Elles me disaient aussi que si je crois que j'ai trouvé le
mari~ je me trompe. D'où ma bellemère a
commencé à surveiller la maison et affirmait que son fils
participe seul aux besoins du ménage et que l'éducation des
enfants n'est pas bien faite.»170
Cette situation prouve que la belle-famille a un pouvoir, une
influence sur la bru. Mais avec l'arrivée des colons, les changements
considérables se sont opérés dans l'éducation de la
bru. D'où nous nous posons la question de savoir quelles sont les
incidences de la colonisation ?
Selon monsieur MAYOMBO NZENGUE, les conflits pouvaient se
résumer au fait que si « si la bru était gentille, elle
riait beaucoup avec n'importe qui, les belles-soeurs faisaient les
commérages qu'elle est bordelle, parce qu'elle rit avec les hommes,
quelques fois c'est motivé par l'homme ; il laisse sa femme sous la
garde de ses soeurs. Si elles te voient quelque part avec un homme, elles
partent rapporté et cela créait des
tensions.»171 Tout bien réfléchi, il n'y
avait pas de conflit entre belle-mère et belle-fille mais des
incompréhensions dans la maison. Par exemple, « si le mari de
la bru avait des cuisses légères, tu parts parler à la
belle-mère d'un mauvais ton. Et là, elle pouvait ne pas
apprécier mais ce n'était pas courant ; vu que ce n'était
pas facile d'adresser la parole au beau-père ou à la
belle-mère ; cela faisait en sorte que le mariage ne dure pas et qu'il y
ait divorce. »172
168 Propos de madame I.A.
169 Entretien avec madame Y.H, 40 ans, psychologue,
Myènè, qui vit en concubinage depuis 9 ans, 2 enfants. Elle
travaille à l'hôpital Général de Libreville et a
accepté de nous recevoir en mai 2008 à son lieu de travail.
170 Propos de madame Y.H.
171 Propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE.
172 Ibidem.
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