Section 2 : L'A.L.C.R ; une tentative de réponse
à la violence du pouvoir (au sens de BALANDIER)
Les recherches de BALANDIER237, montrent que la
violence du pouvoir intervient dans toutes les sociétés et
qu'elle recourt à des moyens divers et qu'elle ne s'exprimerait pas sans
un appui sur le symbolique et l'imaginaire. Elle est ainsi manipulation de
symboles et de forces à des fins offensives et pour finir, la violence
du pouvoir est identifiée à partir de ses effets.
L'« A.L.C.R dénonce le mutisme de l'État
face à la recrudescence des crimes rituels. »238 En
effet, cette association ne comprend pas que face à la recrudescence de
ces meurtres et ces mutilations de cadavres, l'État,
234 Ibid., p.103.
235 Achille MBEMBE, « Désordres,
résistances et productivité », p.2, in Politique
Africaine, n°42, Juin 1991, 163 p.
236 Ibid., p.3.
237 On peut citer pour la circonstance deux de ses ouvrages :
Anthropologie politique, Paris, PUF/ Quadrige, 1999, 240 pages et le
Pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992, 172 pages.
238 Cf. L'Union du lundi 10 mars 2008, en page 6,
rubrique « Société et culture ».
en tant que garant des institutions de la république et
surtout garant de la sécurité des biens et
l'intégrité physique de ses citoyens, ne réagit pas.
L'A.L.C.R « est une jeune organisation régie par
la loi 10/62 relative aux associations et reconnue par le
Ministère de l'Intérieur sous le numéro
194/MISI/SG/CE/ du 16 juin 2006.
»239 C'est une association qui a pour objectif majeur la
défense des vies humaines et donc, de se présenter comme une
tentative de réponse à cette violence. Aussi, elle s'est
fixée pour buts de « faire des droits des enfants une
réalité pour une véritable paix ; de faire appliquer les
recommandations du colloque de l'UNESCO240 sur les crimes rituels et
les conflits en Afrique centrale tenu à Libreville en 2005 ; de
défendre les vies humaines ; de soutenir les communautés, les
familles victimes de crimes rituels et d'assassinats des enfants et autres.
»241
Après avoir présenté brièvement
les objectifs de l'ALCR, son président pense qu'il est temps «
de lutter contre ces actes abominables, dans un pays d'à peine un
million d'habitants... et de contribuer au coté de l'Etat gabonais
à mieux prendre conscience de la gravité de ce
phénomène, de sa responsabilité de protection des
paisibles citoyens. »242 Car « les membres de l'ALCR ne
comprennent pas le mutisme de l'Etat, au lendemain de la rencontre bipartite du
18 mars 2005, entre le gouvernement et les Agences des Nations Unies, relatives
aux crimes atroces suivis de mutations à la plage de Libreville, des
jeunes écoliers Eric EDOU-EBANG et de Ibrahim ABOUBAKAR. »243
De plus, dans ses propos, le président de l'ALCR
voudrait que la justice fasse son travail librement, sans interférence
politique et condamne « avec la dernière énergie, les
enlèvements, les séquestrations, les mutilations, les assassinats
et les profanations des tombes monnaie courantes dans notre beau pays
».244 En outre, « l'ALCR veut gagner la
239 Extrait du discours du Président le l'A.L.C.R,
discours prononcé à l'occasion de la Journée Gabonaise de
lutte contre les crimes rituels, le vendredi 2 février 2007 au CCF St.
Exupéry de Libreville.
240 Colloque sous-régional sur les "causes et moyens
de prévention des crimes rituels et des conflits en Afrique
centrale", sous l'égide de l'UNESCO, colloque tenu à
Libreville du 19 au 20juillet 2005, 84p.
241 Extrait du discours du Président de l'ALCR, lors de la
Journée Gabonaise de lutte contre les crimes rituels, le 2
février 2007, p.2.
242 Extraits du discours de monsieur EBANG ONDO, président
de l'ALCR, le 2 février 2007, p.2.
243 L'Union du 10 mars 2008, op.cit., p.6.
244 Extraits du discours de monsieur EBANG ONDO, président
de l'ALCR, le 2 février 2007, p.2.
bataille contre les crimes rituels et ne reculera jamais
face aux actes barbares, de terrorisme perpétrés entretenus par
les hommes de la secte machiavélique de l'ombre, ces groupes criminels
impunis qui sèment la mort et la désolation au sein de nos
familles ; hypothéquant ainsi, l'avenir d'une jeunesse sacrifiée
».245 En un mot, « nous exigeons la cessation
immédiate des crimes rituels ».246
Par ailleurs, le président a souligné son
inquiétude quant à la non prise en compte des recommandations du
colloque sous-régional de l'UNESCO sur les crimes rituels et les
conflits en Afrique Centrale tenu en juillet 2005, par l'Etat gabonais. Allant
dans le même sens et soutenant l'action entreprise par cette association
gabonaise, l'Ambassadeur des Etats-Unis R. Barrie WALKLEY a, dans son
allocution lors se la même journée Gabonaise contre les crimes
rituels au Centre Culturel Français St. Exupéry le 2
février 2007, affirmé que « les crimes rituels figurent
parmi les innombrables violations des Droits de l'Homme. Ces meurtres à
l'encontre des couches les plus vulnérables de la société
sont commis dans un contexte d'impunité
généralisée, laissant les familles dans le
désespoir et la population dans la consternation
».247
Car « la protection de la démocratie et des
Droits de l'homme est une affirmation à laquelle les Etats-Unis tiennent
beaucoup. En janvier 2005 le Président BUSH disait : " la
liberté, naturellement, doit être choisie et défendue par
les citoyens et maintenue par l'exercice de la loi et la protection des
minorités"... »248
Venons-en à présent à la question de la
non prise en compte des recommandations de la déclaration de Libreville
en Juillet 2005 par le gouvernement gabonais.
245 Extraits du discours de monsieur EBANG ONDO, ibid.,
p.2.
246 Ibid., p.2. Nous profitons ici que le
président de l'ALCR est lui-même une victime des crimes rituels au
Gabon. En effet, après maintes recherches de son fils et de son camarade
de classe, ceux-ci seront retrouvés morts et mutilés à la
plage de Libreville le 3 mars 2005. D'où l'implication de monsieur Jean
Elvis EBANG ONDO à travers l'association.
247 Propos de l'Ambassadeur des Etats-Unis R.BARRIE WALKLEY lors
de la « Journée Gabonaise contre les crimes rituels » au CCF
de Libreville le 2 février 2007, p.1.
248 Propos de l'Ambassadeur des Etats-Unis Son Excellence
R.BARRIE WALKLEY lors de la « Journée Gabonaise contre les crimes
rituels » au CCF de Libreville le 2 février 2007, p.1.
A ce propos, la « Déclaration de
Libreville»249 a fait 21 propositions, dont nous avons retenu
pour notre travail 5 : « le caractère sacré, inviolable et
inaliénable de la vie et de la personne humaine, ainsi que notre profond
engagement à combattre toutes les formes d'atteinte à
l'intégrité et à la dignité humaines
».250 Elle recommande ainsi de « conscientiser et
persuader les adeptes de ces pratiques de substituer aux sacrifices humains
d'autres sacrifices plus symboliques »251,
d' « adopter des lois qualifiant explicitement et
sanctionnant les crimes rituels afin de mettre fin à l'impunité
»252 ; de « censurer la protection et la diffusion par les
média, de programmes qui valorisent le viol, la violence, les pratiques
mystiques et religieuses néfastes aux valeurs de paix et de respect de
la personne humaine »253 ; ou encore d'« instituer, dans
les Etats d'Afrique centrale, une journée à la mémoire des
victimes des violences rituelles et des guerres fratricides
»254 et enfin , de « mettre en place des groupes d'alertes
communautaires, et une police spécialisée disposant de moyens
appropriés pour démasquer les auteurs et les commanditaires des
crimes rituels »255 en outre.
C'est l'occasion ici pour nous de revisiter « le code
pénal de 1963 »256 qui a pourtant prévu des
mesures mais qui ne sont pas, a priori, appliquées.
En partant par exemple du chapitre 13 : «
Des violations de
sépultures et profanations de cadavres »,
qui stipule en son article 291 que « Quiconque
se sera rendu coupable de violation de tombeaux ou de sépultures sera
puni d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de 24.000
à 120.000 francs, sans préjudices des peines réprimant les
crimes ou délits qui se seraient joints à celui-ci, sera puni des
mêmes
249 Sur la lutte contre les crimes rituels en Afrique centrale
et sur la nécessité de l'éducation aux valeurs de respect
absolu de la vie et de la dignité humaine, in Colloque
sous-régional sur les « Causes et moyens de prévention
des crimes rituels et des conflits en Afrique Centrale », Libreville,
19-20 juillet 2005, p.17.
250 Ibid., p.19.
251 Ibid., p.19.
252 Ibid., p.20.
253 Ibid., p.20.
254 Colloque sous-régional sur les « Causes et
moyens de prévention des crimes rituels et des conflits en Afrique
Centrale », ibid., p.20.
255 Colloque sous-régional sur les « Causes et
moyens de prévention des crimes rituels et des conflits en Afrique
Centrale », ibid., p.21.
256 Extrait du code pénal ; « Loi n°2163 du
31 mars 1963 ».
peines quiconque aura profané ou mutilé un cadavre,
même non inhumé ».257
Ou encore le chapitre 19 : « De la
sorcellerie, du charlatanisme et
des actes d'anthropophagie », en son
article 210 qui notifie par ailleurs que « sera
puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 50.000
à 200.000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque
aura participé à une transaction portant sur des restes humains
ou ossements humains, ou se sera livré à des pratiques de
sorcellerie, magie ou charlatanisme susceptibles de troubler l'ordre public ou
de porter atteinte aux personnes ou à la propriété
».258
Ainsi, les deux exemples de ce code pénal datant de
1963 et les illustrations de ces deux chapitres par des articles confirment la
caducité de celui-ci car chaque jour, il y a profanations des tombes et
des cadavres, des crimes rituels ou autre acte de sorcellerie à
Libreville, sans que l'Etat ne puisse réagir. A cela, «
à quand l'application du nouveau code pénal
révisé le 17 janvier 2008 lors d'un conseil des ministres ?
Va-t-on omettre volontairement le terme "crimes rituels" et la durée des
procédures avant le jugement des assassins et leurs commanditaires ? Que
dira t-on de l'impunité et la justice populaire ? , s'est
interrogé Jean Elvis EBANG ONDO, président du ALCR
».259
En définitive, l'ALCR, en tant que tentative de
réponse à cette violence du pouvoir au Gabon en
général, à Libreville particulièrement, est «
prête à affronter d'autres combats et d'autres situations qui
mettraient à mal les droits de l'homme dans notre pays faiblement
peuplé ».260
257 Extrait du code pénal ; « Loi n°2163 du
31 mars 1963 », p.93.
258 Extrait du code pénal, ibid.,
pp.69-70.
259 L'Union du Lundi 10 mars 2008, ibid.,
p.6.
260 Cf. une coupure du journal Le Peuple ; rubrique
« Développement », par Nelson KALI, p.7.
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