Les élections politiques organisées au Gabon
représentent une étape importante dans la gestion de l'appareil
d'État. C'est également une période où le pays
semble entrer dans une sorte de « coma » ; affectant par la suite le
fonctionnement de l'administration et du service public. C'est le temps des
différentes stratégies électorales mises en place par les
entrepreneurs politiques. C'est alors le temps des déplacements massifs
des électeurs, du clientélisme électoral ; ou encore, pour
d'autres, c'est le recours aux pratiques fétichistes ou pratiques
sorcellaires telles les attaques mystiques, les kidnappings d'enfants, avec non
seulement les mutilations de leurs corps tout comme ceux des jeunes femmes et
des émasculations des hommes. Plus important, est l'objet de ce
mémoire : ce sont les profanations des tombes censées assurer les
succès électoraux des hommes politiques qui y ont recours.
En effet, les profanations des tombes,
particulièrement au cimetière de Mindoubé sont monnaie
courante à Libreville depuis au moins 4 ans. C'est un
phénomène qui tend à prendre de l'ampleur sans que les
pouvoirs publics puissent réagir. Pour le sociologue, les profanations
des tombes constituent le point de départ d'une investigation qui va le
conduire vers l'explication ou d'un tel phénomène qui lie
fétichisme et pouvoir au Gabon.
« Ainsi le problème sociologique n'est pas tant
de savoir pourquoi les choses "ne vont pas bien" selon le point de vue des
autorités [...] mais bien comment le système entier fonctionne
d'abord, quelles sont ses fondations et comment il est maintenu ensemble
».1 Dans le même ordre d'idée, «
l'explication sociologique consiste exclusivement à établir des
rapports de causalité, qu'il s'agisse de rattacher un
phénomène à sa causalité, ou, au contraire, une
cause à ses effets utiles. »2
1 P.L. BERGER, Invitation to sociology, Pelican Books,
Harmondsworth, 1977, pp.49-50 cité par Claude JAVEAU in
Leçons de Sociologie, 2ème tirage, Paris,
Armand Colin, 2001, p.82.
2 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode
sociologique, 11ème édition, Paris, Puf/Quadrige,
2002, p.124.
Davantage, « quand on entreprend d'expliquer un
phénomène social, il faut rechercher séparément la
cause efficiente qui le produit et la fonction qu'il remplit
».3
En résumé, « le travail de la sociologie
consiste à aller au-delà de l'apparence, des mouvements, des
catégories de la pratique, du bon sens, pour retrouver non pas des
principes ou des valeurs et pas davantage des réalités
matérielles, [...] mais l'action de la société sur
elle-même et les relations sociales définies par les
différents types d'action ».4 Il faut rappeler que les
actes de fétichisme et de sorcellerie persistent au Gabon depuis
près d'une décennie sans que l'État ne réagisse
réellement. A en croire le Code de procédure
pénal5 en vigueur au Gabon, « quiconque aura
profané ou mutilé un cadavre, même non inhumé sera
puni d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de 24.000
à 120.000 fcfa. D'autant plus que dégrader tout tombeau et/ou ses
ornements (croix, couronnes, dalle, etc.) constitue un délit qui peut
rendre un individu coupable de violation de tombeaux ou de sépultures
(qui) sera puni d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une
amende de 24.000 à 120.000 fcfa ».
En conséquence, la présente étude va
tenter d'analyser le lien qui existe entre les profanations des tombes, ce que
nous appelons « le fétichisme politique » et le pouvoir au
Gabon ; de même que ses implications dans la réalité
sociale gabonaise.
3 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode
sociologique, ibid., p.95.
4 Alain TOURAINE, Pour la sociologie, Paris, Editions
du Seuil, (coll. «Points »), 1974, p.238.
5 Le Code pénal, dans sa Loi n°21/03 du 31
mai 1963.