colonisation, en particulier par l'Église
Il s'agissait de s'approprier non seulement les terres
à exploiter à travers la « mission civilisatrice »,
mais aussi, il était question que les missionnaires s'attèlent
à convertir le maximum d'enfants des autochtones dans le christianisme.
Ce qui a conduit beaucoup de jeunes autochtones à abandonner leurs
cultures et traditions au profit de celle du colonisateur. C'est dans cette
optique que la criminalisation des pratiques rituelles fut prohibée car
assimilées au diable.
Florence BERNAULT parle même de « traumatismes
coloniaux ». D'autant plus qu'« au début du vingtième
siècle, l'administration européenne s'employa
systématiquement à redéfinir les lignes de
séparation entre le monde physique et le monde invisible, le
sacré et le criminel, la « civilisation » et la
« sauvagerie » ».147 Ce qui
nécessairement conduisit à la naissance du terme
sorcellerie en français qui « renvoyait
systématiquement à toute croyance religieuse qui tentait de
résister au christianisme, et qui servit de référent
intellectuel à la criminalisation des pratiques anciennes qui
composaient l'essence de l'ordre moral et social des sociétés
équatoriales ».148 En ce sens, « dans son
empressement à démanteler ce qu'elle assimilait à
(dés) ordre rétrograde et criminel, la colonisation
française attaqua cultes anciens et lieux sacrés qui touchaient
de manière centrale à la reproduction sociale, et en particulier,
les techniques de la mort ».149
L'exemple pris ici de la mort et de tout le rituel (exposition
du corps, condamnation du coupable, réconciliation jusqu'à
l'enterrement du défunt)
146 Reste encore visible et dont les locaux servent toujours de
port, sis au Bord de Mer de Libreville. Une petite précision
apportée est celle liée au fait que les explorateurs ou
militaires étaient par la même des marchands.
147 Florence BERNAULT, op.cit., p.9.
148 Ibid., p.9.
149 Florence BERNAULT, ibid., p.9.
nous sert à évaluer l'ampleur des
bouleversements imposés par le colonisateur. Plus important encore,
« la législation française en effet interdit
immédiatement après la conquête la pratique des autopsies
et l'exposition des défunts. Elle décréta
simultanément l'obligation de l'enterrement dans les cimetières
publics, la condamnation des reliques « profanation des cadavres
», et conduisit avec l'aide des missionnaires chrétiens la
destruction des autels mobiles et des reliquaires considérés
comme « fétiches » et fatras sorcier
indésirables ».150
Ce constat nous permet de dire que la question relative aux
reliques n'est pas un fait nouveau, elle a été instituée
par les ancêtres, et les reliques sont conservés dans des autels
dits reliquaires familiaux et dans le but d'assurer la communication entre les
morts et les vivants. Rappelons que dans un tel contexte de criminalisation des
reliques, la reproduction sociale basée sur le deuil et la collecte des
reliques devint extrêmement menacée. « Certaines pratiques ne
purent survivre qu'en devenant illégales et clandestines. La fabrication
rituelle des reliques des morts familiaux, par exemple, pouvait s'avérer
paradoxalement plus risquée, sous l'oeil de la force coloniale, que
l'utilisation d'organes et ossements prélevés sur des cadavres
« discrets », mais extérieurs au lignage
».151 Cela revient à dire que le culte des
ancêtres persiste dans le temps parce qu'il est une affaire de familles,
et partant, d'individus. En fin de compte, c'est là le point de
départ, face aux assauts de la législation coloniale, que va
naître la « crise du sacré » dans les
sociétés traditionnelles gabonaises ; c'est-à-dire, qu'on
va assister aux criminalisations des pratiques culturelles.
150 Ibid., p.10.
151 Ibid., p.10.
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