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Le marché des restes humains. Etude sur le fétichisme politique à  Libreville

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par Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY
Université Omar Bongo Libreville - Maà®trise en sociologie de la connaissance 2008
  

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2. Le culte du Byéri : un culte familial

Il s'agit d'un rite qui « consiste à conserver comme des reliques les os des défunts dans de sortes d'urnes ornées de sculptures à l'image du mort, puis dans des statuettes au dos desquelles était ménagée une cavité ».126 « Le Byéri n'est pas, comme on l'a souvent prétendu, une société initiatique, mais plutôt et simplement une pratique familiale, un culte rendu aux mânes des ancêtres afin d'attirer leur protection et d'honorer leur mémoire ».127 Le chef de famille, qui en est le prêtre, transmet sa fonction à l'un de ses fils. Les femmes et les enfants ne peuvent en aucun cas ouvrir les « boîtes à Byéri » qui contiennent les reliques, ni même en regarder le contenu. Le jeune homme chargé de veiller sur elles est investi de sa nouvelle charge au moment où il jette pour la première fois son regard sur la boîte ouverte ; c'est alors qu'il apprendra les rites de ce culte essentiellement familial, puisque chaque gardien ne peut voir dans les boîtes cylindriques en écorce, surmontées de statuettes, que les crânes de ses propres ancêtres.

Dans le même ordre d'idée, « le culte du Byéri est, répétons-le, un culte familial, donc privé, qui se pratique à l'intérieur de la case familiale, dans une chambre retirée. Quand un chef de famille fang choisit un de ses garçons pour lui donner connaissance du Byéri, il s'agit d'un jeune homme de 25 à 30 ans, environ, marié, avec des enfants, afin que la perpétuation du culte puisse être assurée, et qu'il juge digne de garder les reliques de famille et d'en transmettre le culte aux descendants ».128 De plus, et c'est un point de départ important, « chaque jeune homme n'a le droit de voir que les crânes de ses propres ancêtres. Il n'est jamais permis de lui montrer ceux des autres familles...car c'est de cette façon que le Byéri garde son culte familial et individuel ».129

D'autre part, « la croyance fondamentale sous-jacente au culte des ancêtres est que les morts ne sont pas morts, mais continuent à être liés

126 Le Million. Encyclopédie de tous les pays du monde, volume XI, Afrique Occidentale, Centrale Equatoriale et Australe, Paris, Grande Batelière, p.236.

127 Ibid., p.237.

128 André RAPONDA WALKER et Roger SILLANS, op.cit., p.147.

129 Ibid., p.149.

au destin des humains visibles ».130 Sans oublier le fait que la statuaire, un
des arts plastiques qui a fait le succès du Gabon, se rapporte aux
reliquaires. Les reliques des ancêtres ; sous la forme d'ossements et en
particulier sous la forme des crânes, « sont la réplique exacte du culte des
saints dans la religion catholique. Ces cultes sont d'autant plus parlants, si
l'on peut dire, qu'ils établissent réellement, par l'intermédiaire de
phénomènes médiatisés par les transes, le contact avec les défunts. Cette
communication avec les défunts est souvent établie dans un cadre
thérapeutique, soit pour faire la guérison, soit pour réparer les jeteurs de
mauvais sorts et conjurer ainsi, dans son sens littéral, le mauvais sort ».131
Mieux, « avant l'enterrement du défunt, on lui ôtait la tête très
souvent et quelques autres parties du corps (les gros os). Le crâne et les
autres os constituaient alors le patrimoine jalousement gardés par les
héritiers du disparu. »132 Il convient cependant de rappeler que « le byer
fang est le crâne de l'Ancêtre. Que l'homme conserve, dans un but
religieux, les restes de ses Ancêtres ; n'est pas particulier aux Fang ».133
D'autant plus que « chez les Fang, le crâne de l'Ancêtre est conservé dans
sa nudité osseuse. Il n'est donc pas travaillé artistiquement. Il est enduit
de poudre rouge de padouk, ba, et conservé dans une boîte cylindrique,
nsek byer, surmontée d'une statuette-reliquaire ».134 Plus important
encore, c'est le fait que « les critères précis présidaient au choix, au
prélèvement du byer. Il fallait d'abord que l'Ancêtre, de son vivant, en
fasse la recommandation à ses descendants. La personne qui, de son
vivant, ne s'était point signalée parmi les siens par des aptitudes, des
dons, des capacités au-dessus de la moyenne, ne pouvait servir de byer.
Ces qualités se manifestaient à la guerre, à la chasse, auprès des femmes,
dans l'art oratoire, dans la prospérité matérielle, c'est-à-dire à la quantité
de femmes et d'enfants. Tout individu qui n'avait point été favorisé par la

130 Raymond MAYER, Histoire de la famille gabonaise, 2ème éd. revue et augmentée, Libreville, Editions du LUTO, 2002, p.48.

131 Ibid., p.49.

132 Jonas OSSOMBEY, Société Kélè du Gabon précolonial : Milieu de vie, sociétés initiatiques et pouvoir politique. Des origines à 1910, Mémoire de Maîtrise en Histoire et Archéologie, Libreville, UOB/FLSH, sept.2005, p.70.

133 Paulin NGUEMA-OBAM, Aspects de la religion Fang. Essai d'interprétation de la formule de bénédiction, Paris, Karthala/A.C.C.T,1983, pp.39-40.

134 Ibid., p.39.

fortune et dont l'existence s'était déroulée dans la grisaille quotidienne, était exclu du byer. Il ne suffisait donc pas d'être l'Ancêtre pour avoir l'honneur d'être utilisé comme byer ».135

On note aussi que « le byer était confié à la garde d'un seul individu, mbagle byer. De cette façon certaines personnes étaient écartées ».136 N'oublions pas que le culte des Ancêtres a pour fonction principale de garantir en général la prospérité d'une communauté, d'une famille. Pour se faire, « quand on désire obtenir les faveurs du byer, on tue un animal domestique. On va trouver le gardien du buer, en précisant les mobiles de la démarche. On agit ainsi chaque fois qu'on est malheureux dans ses entreprises ».137 Ainsi, cet exemple atteste que le byer est une pièce maîtresse dans la structure de la société fang, mais surtout, que « le byer était, pour le Fang, le garant du monde vivant. Il favorisait toutes ses entreprises. Il rendait les femmes fécondes, donnait la richesse, assurait le succès des expéditions guerrières, de la chasse protégeait les guerriers, veillait sur les individus. En un mot, la société fang était inconcevable sans le byer. Il n'y avait pas de réalité religieuse supérieure à lui ».138

En fin de compte, en considération des différentes fonctions du byer que nous venons de citer, « les byer devinrent des idoles, les rites et les croyances, des superstitions ».139 C'est pourquoi, « pour les Fang, l'Ancêtre est l'axe de la société, le garant du monde vivant et de la vie future. A lui se rattachent directement ou indirectement les manières de faire, les croyances, les rites, l'organisation sociale [...] Tel se présente, vivant, parmi les siens, celui dont le crâne servira de byer. Vivant, il est le pivot de l'organisation politique. Mort, il devient le fondement de la société, de la culture. C'est désormais lui qui donne force et puissance ».140

135 Paulin NGUEMA-OBAM, Aspects de la religion Fang. Essai d'interprétation de la formule de bénédiction, ibid., p.40.

136 Ibid., p.40.

137 Ibid., pp.41-42.

138 Ibid., p.42.

139 Ibid., p.43.

140 Paulin NGUEMA-OBAM, Aspects de la religion Fang ; ibid., p.51.

En un mot, « la société axée sur le byer obtient sécurité, abondance, succès dans les entreprises ».141

141 Ibid., p.52.

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