Section 3 : Démarche méthodologique
Une première remarque s'impose sur la notion de «
terrain ». En effet, « faire du terrain, c'est avoir envie de se
colleter avec les faits, de discuter avec les enquêtés, de mieux
comprendre les individus et les processus sociaux ».100 Il va
de soit qu'il n'y a pas de recherche sans terrain, surtout en sciences
humaines.
1- Cadre empirique de la recherche
L'univers d'enquête est le lieu par excellence où
le chercheur va puiser les informations dont il a besoin pour rendre compte du
phénomène qu'il étudie. A Libreville, il existe plusieurs
cimetières, nous avons fait la recension dans le tableau qui suit, il
s'agit aussi bien des cimetières publics que privés :
100 Stéphane BEAUD et Florence WEBER, Guide de
l'enquête de terrain. Produire et analyser des données
ethnographiques, Nouvelle édition, Paris, éd. La
Découverte, 2003, p.16.
Tableau n°2: Recension des cimetières de
Libreville (liste non exhaustive)
Arrondissement
|
Terrain d'étude
|
Communauté enterrée
|
Cimetières clôturés
|
Cimetières éclairés
|
Cimetières Gardés
|
Cimetières Réservés aux
:
|
1er
|
Ambowè
|
Mpongwè
|
Non
|
Non
|
Non
|
Toutes
|
1er
|
Méssôlô
|
Sékiany
|
Oui
|
Non
|
Non
|
Toutes
|
1er
|
Cap Astéries
|
Benga
|
Non
|
Non
|
Non
|
Toutes
|
2ème
|
Sainte Marie
|
Toutes
|
Non
|
Non
|
Non
|
Toutes
|
4ème
|
Plaine Niger
|
Mpongwè
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Catholiqu es
|
4ème
|
Baraka Mission
|
Galoa
|
Partiellement
|
Non
|
De jour
|
Protestan ts
|
5ème
|
Lalala
|
Toutes
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
Toutes
|
5ème
|
Mindoubé
|
Toutes
|
Partiellement
|
Non
|
De jour
|
Toutes
|
Compte tenu du fait que le chercheur doit délimiter son
univers d'enquête, nous trouvons d'abord utile de préciser que
parmi tous les cimetières que nous recensions à Libreville, il y
en a qui sont sous la juridiction de la Mairie de Libreville,
d'autres101 non, d'où le caractère privé qu'ils
prennent.
Le cimetière de Mindoubé a enregistré une
quarantaine de tombes profanées (46 pour être exacte) en octobre
2006102.32 tombes supplémentaires en 2007103 et
tombes en juillet 2008104. Ces quelques informations par l'Union
Plus, quotidien d'informations gabonais et notre enquête de terrain
sur ledit site, attestent bien que la pratique de la marchandisation des restes
humains existe à Libreville. Mindoubé est le théâtre
de ces profanations. Plus encore, c'est que d'octobre 2006 à juillet
2008, il s'est écoulé deux ans et qu'il y a eu des
élections politiques
101 Ces cimetières sont sous la juridiction des
Associations privées communautaires, celles des Quatre Saisons pour le
cimetière du quartier Plaine Niger et la Mission Baraka, pour le
cimetière qui porte sa dénomination.
102 Cf. l'Union Plus du mardi 10 octobre 2006, rubrique
« société et culture », p.6 en annexe.
103 Chiffre obtenu à la suite de notre enquête de
terrain sur le site, durant laquelle nous avons du compter et marquer ces
trente-deux tombes profanées en plus avec des bois. Nous avons
bénéficié de l'aide du gardien monsieur Jean-Noël
présent sur les lieux.
104 Cf. l'Union Plus du mercredi 16 juillet 2008,
rubrique « société et culture », p.6 en
annexe.
(législatives et les locales). Surtout que durant ces deux
ans, cela fait 87 tombes au total qui ont été
profanées.
Tableau n°3 : Répartition des
cimetières sous juridiction de l'HDV
Arrondissement
|
Terrain d'étude
|
Communauté enterrée
|
Normes de sécurisation des
cimetières
|
Clôture
|
Éclairage
|
Gardiennage
|
1er
|
Ambowè
|
Toutes
|
Non
|
Non
|
Non
|
2ème
|
Sainte Marie
|
Toutes
|
Non
|
Non
|
Non
|
5ème
|
Lalala
|
Toutes
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
5ème
|
Mindoubé
|
Toutes
|
Partielleme nt
|
Non
|
De jour
|
Il faut signaler que le cimetière de Mindoubé a
suscité un intérêt sociologique de notre part car il ne
bénéficie pas des normes de sécurité105
que nous avons évoquée dans le tableau n°3 plus haut. De
plus, il est représentatif de l'ensemble des différentes ethnies
de la population gabonaise qui est enterrée. Par ailleurs,
Mindoubé, en tant que terrain d'enquête privilégié,
nous permet de voir que « le sociologue n'observe pas la
réalité sociale, mais des pratiques [...] Entre lui et son objet
d'étude s'interpose un ensemble d'interprétations et
d'interventions ».106 C'est Mindoubé qui est victime des
profanations des tombes à la veille des élections ;
phénomène récurrent et qui se pose avec acuité.
Comme l'indique ici le tableau n°4, où il s'agit d'un histogramme
qui met donc en évidence le phénomène.
105 Cf. photos n° 8, 9, 10,11, et 14 dans la deuxième
partie du Mémoire.
106 Alain TOURAINE, Pour la Sociologie, Paris,
éd. du Seuil, (coll. « Points »), 1974, p.25.
Tableau n°4 : Histogramme des tombes
profanées à Libreville de 2004 à 2008 pour
Mindoubé
Effectifs
50 45 40 35 30 25 20 15
10
5
0
|
|
2004 2006 2007 2008
|
Années (xi)
|
Effectifs (ni)
|
2004
|
20
|
2006
|
46
|
2007
|
32
|
2008
|
9
|
total
|
107
|
> Il y a lieu ici de préciser que le
phénomène que nous décrivons s'observe en périodes
électorales. Entre 2006 et 2007, c'est-à-dire en l'espace d'une
année, il y a eu au total près de 70 tombes qui ont
été profanées dans le même cimetière,
c'est-à-dire à Mindoubé ; pratiquement à la
même période.
> Enfin l'année 2008 a vu l'organisation des
élections législatives partielles et les locales sur le
territoire national. Mais c'est aux lendemains de ces consultations
électorales que les profanations se sont enregistrées à
Mindoubé en Juillet de la même année. Comme le confirme
« l'Union Plus » du 22 juillet 2008 en annexe.
Notre enquête sur le terrain s'est résumée
à l'observation participante, « durant laquelle le chercheur
participe aux activités qu'il observe. »107 Cette
technique d'enquête nous a donc permis de participer à la vie
quotidienne des populations de la décharge publique de Mindoubé
(en l'occurrence les femmes surtout) faisant face à notre terrain
d'étude: le cimetière. Nous avons dû travailler deux jours
de suite avec ces femmes dans la décharge pour mieux nous
intégrer. Nous nous sommes appropriés une benne à ordure
du camion de la SO.V.O.G; ce qui nous a permis de pouvoir échanger cette
benne à ordure contre les informations concernant les profanations des
tombes au cimetière. Notons aussi que cette méthode qualitative
qu'est l'observation « est essentielle à toute recherche
sociologique ».108
107 Alain BEITONE et al. Sciences sociales, Paris,
(coll. « aide-mémoire »), 3ème
éd., 2002, p.27.
108 Ibid., p.26.
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