« Il est d'usage assez courant de décrier la
famille et de la rendre responsable d'innombrables maux, en quoi on a
simplement tort de ne pas souligner assez que ce n'est pas « la »
famille qui est en cause, mais bien la carence de la famille, son insuffisance
psychologique, pédagogique et morale. C'est la « mauvaise famille
» insuffisante, qui est à l'origine de tant de vies manquées
et de misère, de névrose, d'inadaptation et de troubles de toute
sorte. Il serait juste de se souvenir parfois que les vies saines,
équilibrées, heureuses ont aussi commencé dans une
famille, il est injuste de ne mettre que nos défauts et nos
insuffisances, et d'insinuer ainsi que nos caractéristiques valables et
positives auraient une autre origine... probablement situées en
nous-mêmes »(19).
Ainsi, comme nous le constatons, tous les parents ne peuvent
être des boucs émissaires, tous les enfants ne sont pas des saints
ou des martyrs. Ainsi, Reich, peut-il accuser la famille d'être «
une fabrique d'idéologie, autoritaire et de structure mentale
conservatrice » (20). Mais vouloir reformer les structures familiales sans
y substituer de nouvelles formes admises par les mentalités
relève de l'utopie.
En Algérie, vouloir abroger quelques amendements que
contient le code de la famille, pour remettre la société sur le
diapason de la modernité, suscite une polémique et une
effervescence politique d'une intensité extraordinaire. Tout changement,
parce qu'il remet en question les valeurs traditionnelles, parfois
archaïques, suscite toujours inquiétude et regret.
Dans les événements sanglants de 1988, on voit
un refus catégorique de l'autorité. La famille n'est pas seule
à être mise en cause. Toute autorité en tant que pouvoir
impliquant la soumission et l'acceptation passive, se voit l'objet d'un refus
qui se généralise. Dans son analyse de l'autorité
Gérard Mendel critique « Tout le système de valeur
antérieur fondé sur le principe de l'autorité a tendance
à disparaître au profit de ces règles d'or de l'ère
industrielle fondées, elles sur les principes d'efficacité »
(21). Il rajoute : « Principe d'efficacité par une éducation
libérale semble à la base de cette démystification de
l'autorité dont l'image passait dans l'esprit de l'enfant par celle du
père. La société des adultes n'apparaît plus comme
sécurisante aux yeux des jeunes, mais plutôt comme dangereuse. Et
pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, le fils ne
veut plus ressemblé au père ».
.L'enfant refuse l'héritage, il préfère
accéder à l'état d'adulte sans perdre son état
d'enfance. Quoi qu'il en soit dorénavant, rien ne sera jamais plus
pareil. Nous assistons à la naissance d'une nouvelle vision de la
relation parents-enfants, qui exclut d'avantage la soumission.
Le sociologue Boukhabza, en analysant les causes et les
origines des événements d'Octobre 88, a démontré
avec brio le marasme de la famille algérienne et sa soumission totale
à l'autorité, d'où sa marginalisation dans le processus
éducatif : « proclamée dans les textes fondamentaux du pays
comme cellule de base de l'organisation sociale, la famille en Algérie
cesse progressivement d'être un instrument d'éducation,
d'acculturation et de socialisation. Une telle situation est dû au fait
qu'elle est elle-même soumise à un processus de destruction
favorisée par sa soumission quasi permanente aux idéologies et
aux cultures venues d'ailleurs et à la dévalorisation des valeurs
et des normes dont elle tient sa raison d'être ».
Au seul plan qui intéresse cette réflexion. Il
faut relever l'impact parfois dérisoire de la famille sur la prima
d'éducation de l'enfant. Ce dernier est théoriquement pris en
charge par l'école des l'âge de six ans. En fait ni le contenu
culturel du message scolaire, ni les conditions de scolarisation, ne favorisent
une éducation de l'enfant en adéquation avec le projet de
société proclamé. Ajoutons à cela le
décalage entre les valeurs étudiées au sein de
l'établissement et celles développées par le milieu
familial, ou le système audiovisuel ou tout simplement l'environnement,
et l'on abouti à un processus d'acculturation de l'enfant, où
prédomine un amalgame de valeurs souvent incohérentes, en
dysharmonie et par rapport aux objectifs proclamés et par rapport
à la simple cohésion sociale. La famille amoindrie par la
précarité de son existence, les tensions quasi permanentes
qu'elle n'a ni à résorber ni à assumer, par une
contestation continue des valeurs les plus intimes censées
représenter le socle invariable qui donne un sens à tout son
fonctionnement, se laisse entraîner dans une certaine dérive
culturelle.
Les dispositifs légales pris à ce sujet ou
encore les proclamations faites la concernant ne peuvent rien à la
poursuite de la dynamique qui l'érode et la ronge.
Il faut dire que le fondement essentiel de la famille ne se
limite pas à la reproduction biologique, mais doit porter sur une
dimension à la fois culturelle, sociale, économique.
Culturelle dans la mesure où c'est au sein de la
famille que l'enfant est d'abord « cultivé », que les rapports
à la société y sont appris, que cette cellule de base
constitue l'instrument fondamental de la solidarité sociale. Et qu'au
plan économique, elle a un rôle des plus importants à
jouer. Or l'organisation institutionnelle en place se traduit dans les faits,
même si elle nie ou occulte toujours cette réalité, par une
marginalisation des fonctions familiales au profits des institutions,
même si ces dernières ne les assument pas convenablement
». (22)
Voilà donc l'expérience que vit aujourd'hui
beaucoup de familles Algériennes, où les jeunes ayant une culture
différente veulent, parfois par le conflit, faire admettre leurs propres
valeurs. C'est de l'attitude parentale active, de la réponse que les
adultes donneront aux enfants considérés comme interlocuteurs
valables que viendra la solution, désormais fille du dialogue.
Il faudra donc que les parents prennent conscience qu'une
autorité inconditionnelle ne peut que « déstabiliser »
l'enfant et aggraver son inconfort dans la famille. Force est de constater que
malgré la marginalisation de la famille, par les pouvoirs publics, dans
le processus d'éducation. L'adaptation de l'enfant dans la famille et la
société est tributaire de la fonction maternelle.