LA QUESTION De
RECHERCHE ET LE
CADRE CONCEPTUEL
Au cours de la recherche documentaire et de l'analyse des
entretiens que j'ai effectué dans la partie précédente
dans le cadre de ma question de départ, j'ai pu déterminer que la
distraction au cours des soins est réalisée dans une
démarche d'humanisation et de qualité des soins.
Ces éléments m'ont conduit à me
questionner sur les bénéfices de l'utilisation de la distraction
dans la pratique soignante, et plus particulièrement au sein de la
relation soignantsoigné.
Par conséquent, je pose la question de recherche suivante
:
En quoi l'utilisation de la distraction peut-elle
être un facteur clé de la relation soignantsoigné
?
Afin de répondre à mon questionnement, j'ai choisi
d'étudier deux concepts.
J'aborderai la notion du << prendre soin » dans une
première partie car il doit être à la base des pratiques
soignantes et tout soignant doit le prendre en compte.
Je développerais la << communication » dans un
second temps. En effet, la communication fait partie de la relation puisque
entrer en relation c'est aussi communiquer avec le patient.
1. Le concept de prendre soin
Ce concept s'est fondé sur la philosophie de <<
l'humanitude >>, lancé en 1980 par F. Klopfenstein et repris en
1986 par le scientifique français Albert Jacquard.
Walter Hesbeen a particulièrement étudié
le concept de << prendre soin >> et attache une grande importance
à développer la pratique soignante et notamment la qualité
de celle-ci. Pour lui, il est nécessaire que la perspective soignante
soit aidante et porteuse de sens pour la personne soignée.
Cet auteur, mais néanmoins soignant, définit ce
concept comme une << attention particulière que l'on va porter
à une personne vivant une situation particulière en vue de lui
venir en aide, de contribuer à son bien-être, de promouvoir sa
santé. On voit ainsi combien la concrétisation de cette aide sera
tributaire de la représentation que le soignant a de la santé.
>>29. Par ailleurs, il ajoute que << l'attention
s'inscrit dans la perspective d'apporter de l'aide à une personne, donc
d'apparaître comme un professionnel aidant pour elle, dans sa situation
singulière et en utilisant les compétences professionnelles qui
caractérisent les acteurs de telle ou telle profession.
>>30
Une << excellence technique saupoudrée de
quelques propos humanisants, même profondément sincères
>>31 ne suffit pas à prendre soin de l'autre. Ainsi,
<< prendre soin est un art, il s'agit de l'art du thérapeute,
celui qui réussit à combiner des éléments de
connaissance, d'habileté, de savoir être, d'intuition qui vont
permettre de venir en aide à quelqu'un, dans sa situation
singulière >>32.
Prendre soin est donc une action complexe qui apparait dans le
cadre d'un rapport soignantsoigné caractérisé par
l'unicité de la relation. L'intérêt est d'accroitre cette
tonalité soignante par essence humaniste qui concerne tous les
protagonistes de la relation, que ce soit la personne soignée, son
parent ou le soignant.
Cette perspective de soin s'inscrit dans une démarche
soignante fondée sur la rencontre et l'accompagnement des personnes
soignées.
29 HESBEEN, W., op.cit., p.8
30 Ibid., p.8
31 Ibid., p.2
32 Ibid., p.35
Le but de la rencontre est d'instaurer une relation de
confiance en prenant en compte la personne dans sa globalité et dans sa
singularité. Il ne suffit pas d'axer sa prise en charge uniquement sur
le problème somatique qui amène le patient à consulter. Le
soignant n'est pas uniquement une personne maîtrisant les pratiques
techniques avec des connaissances théoriques, mais c'est
également et surtout, une personne remplie d'humanité qui doit
prendre soin de personnes en situation de vulnérabilité. Pour
cela, il faut également établir des liens avec la personne
soignée et prendre en compte le ressenti du patient au moment
présent. Les professionnels doivent distinguer et identifier les
différents besoins exprimés ou non de cette personne afin de les
satisfaire dans la mesure du possible. Les besoins sont multiples et
différents selon les individus, ils concernent tout autant le corps que
la dimension psychoaffective et la vie sociale de la personne. Dans le contexte
de mon sujet d'étude, cette étape correspond au temps
d'observation et de connaissance de l'enfant.
Cette rencontre permettra au patient d'être quelque peu
rassuré par rapport à son nouvel environnement parfois
impressionnant. Ainsi, la rencontre et les liens de confiance qui se
créent sont les paramètres initiaux qui oeuvrent pour prendre
soin d'une personne dans une perspective de santé. De plus, cette
relation de confiance va permettre au patient d'adhérer à ses
soins.
Après le période de rencontre et de
découverte de l'autre, vient le temps de l'accompagnement. Le soignant
accompagne le soigné selon les désirs de celui-ci. Le
professionnalisme du soignant intervient lorsqu'il s'agit de « tenir
conseil » avec la personne, c'est-à dire d'aborder les
différentes solutions qui s'offrent à elle, l'éclairer et
quelquefois la soutenir à faire un choix adapté pour elle.
Cet accompagnement dépend de chaque situation de vie
rencontrée et ne peut donc être prédéterminé.
La nécessité de personnaliser la prise en charge a d'ailleurs
été décrite par les professionnelles qui ont
répondu à mon enquête exploratoire. D'autre part, chaque
soignant contribue différemment à ce « prendre soin »
selon ses propres ressources. Ainsi, le travail en équipe permet
d'apporter de nombreuses compétences aux personnes soignées. En
ce sens, W. Hesbeen a souligné que « l'atmosphère
d'humanité dans un lieu de soin n'est pas l'apanage d'un seul groupe
professionnel mais relève d'un état d'esprit »33.
Le travail en
33 HESBEEN, W., op.cit., p.99
binôme, comme c'est le cas au sein du service d'urgence
pédiatrique concerné par mon sujet d'étude, permet cette
complémentarité des soignants.
Le << Prendre Soin » fait également appel
à la << capacité d'inférence »34 du
soignant. Il s'agit de sa capacité à établir des liens
entre plusieurs éléments et à agir de façon
éclairée, subtile et adaptée aux personnes
rencontrées.
Ce concept est issu de l'expérience et du questionnement
des acteurs de la santé et implique que ceux-ci développent une
réflexion éthique sur leurs pratiques.
Le << prendre soin » induit donc une dimension
humaine dans la relation soignant-soigné et de prise en compte de
l'individu à qui l'on prodigue des soins par une individualisation des
pratiques professionnelles.
Dans cet objectif, et comme le souligne d'ailleurs l'analyse
de mes entretiens, les professionnels portent un intérêt tout
particulier à l'accueil, à la présence, à
l'écoute, à la disponibilité, à l'empathie, au
respect, à l'information, à la lutte contre la douleur et
à l'accompagnement dans la maladie. Ainsi, ces valeurs professionnelles
permettent la satisfaction des besoins de chaque individu, afin de les
considérer dans leur globalité.
La relation d'aide est un soin qui fait partie intégrante
de la démarche de prendre soin.
Il s'agit d'un soin relationnel qui a pour objectif d'amener
et d'accompagner toute personne en difficulté à diminuer son
anxiété, à mobiliser ses ressources personnelles, afin de
vivre au mieux une situation.
Avec ce concept, la singularité des personnes est mise
en avant dans le soin infirmier. De plus il permet une cohésion et un
lien entre les différents acteurs du soin, c'est-à-dire le
soigné, son entourage et le soignant. Walter Hesbeen l'exprime par :
<< Bien ensemble pour aller loin ensemble »
La notion de bientraitance fait écho à ce
concept. En effet, la bientraitance vise à promouvoir le bien-être
de l'usager en gardant présent à l'esprit le risque de
maltraitance. Elle correspond à un mouvement d'individualisation et de
personnalisation permanente de la prestation. Elle passe donc par le respect de
la dignité humaine en donnant une place active à la personne
soignée, sans disqualifier le soignant.
34 HESBEEN, W., op.cit., p.102
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