Analyse pragmatique du discours de Barack H. Obama à Accra. Approche énonciative( Télécharger le fichier original )par Rigobert MUKENDI Institut facultaire des sciences de l'information et de la communication Kinshasa RDC - Licence 2010 |
1. 5. Discours politiqueDans une conception beaucoup plus générale à tel ou tel autre Etat, le discours politique est un rapport avec la gestion du pouvoir. C'est le talent de concourir par la parole au bon gouvernement de l'Etat en persuadant les assemblées politiques des mesures qui sont utiles au bien ou à l'intérêt général. Autrement dit, le discours politique ne fonctionne que là où le peuple ou ses représentants prennent part aux affaires publiques. Le discours politique constitue une forme de discursivité par l'intermédiaire de laquelle, le locuteur poursuit l'obtention du pouvoir dans la lutte politique contre d'autres individus, groupes ou partis. Il se dégage donc une constante : le thème du pouvoir. A vrai dire, il s'agit de déterminer, par la prise de parole, les relations de pouvoir entre les deux pôles de l'interaction observée ayant au centre de ses préoccupations une quête au sujet de laquelle deux arguments s'affrontent, celui du destinateur du pouvoir et celui du destinataire du pouvoir. En somme, nous pouvons affirmer que le discours politique qui rend compte du bien et de l'intérêt public, se produit dans les assemblées délibérantes et les réunions politiques.51(*) Il revêt d'un caractère programmatique et véhicule une idéologie politique, tout en se servant des moyens de communication de masse, considérés par Louis Althusser comme des appareils idéologiques d'Etat. Vu sous l'emprise pragmatique et selon F. Marchand, le discours politique peut se définir par quatre traits essentiels: il est, ou peut être, didactique: quand il enseigne une doctrine, analyse une situation ; il est toujours polémique : plus ou moins, selon le propos ou la situation ; il est performatif et injonctif : quand il appelle à l'action, lance des mots d'ordre, énonce les buts à poursuivre ; il cherche la tension maximale pour établir la communication ou forcer l'adhésion.52(*) La dimension polémique, ou plutôt conflictuelle, du discours politique se trouve dans les propos du politologue Maurice Duverger qui reconnaît à ce langage quatre formes de stratégies, non seulement pour forcer l'adhésion du public (peuple) mais encore et surtout pour accabler l'adversaire. Il s'agit des stratégies discursives et oratoires de camouflage, de démasquage, de concession et d'ironie.53(*) Dans la même optique, il faut noter les thèses de Paul Ricoeur qui insiste sur le paradoxe dont se recommande le discours politique, en fait du langage politique, selon son expression propre. Le paradoxe consiste dans le caractère consensuel et conflictuel du discours politique.54(*) C'est dans cette dialectique que le monde politique se forge une identité. En définitive, ce discours est plutôt conflictuel que consensuel. Il sait reproduire le drame qu'offre l'art dramatique. La diabolisation des ennemis - ainsi que la sanctification des amis - constitue la règle fondamentale du jeu. Cette méthode, si ce n'est cet objectif, semble se situer au-dessus des intérêts du peuple que l'on feint de servir et pour lequel on prétend travailler, livrer le combat. Il faut dire qu'Ulish Windisch a eu raison de caractériser le discours politique comme lieu de manifestation et de représentation du conflit, avec ce qu'il comporte comme méthode de détruire, de disqualifier, d'enterrer l'autre, l'adversaire, bref de lui infliger le K.O. verbal.55(*) En somme, le discours politique rend compte du bien commun et de l'intérêt public, se produit dans les assemblées délibérantes et réunions publiques, revêt d'un caractère programmatique ; véhicule une idéologie politique ; évolue suivant la dialectique du conflit et du consensus; exprime un système axiologique bien déterminé et traduit le combat pour la conquête du pouvoir ou de la défense d'une cause politique. 1. 5. 1. Typologie de discours politiqueIl existe trois types de discours politique qui sont : le discours délibératif, le discours judiciaire et le discours épidictique. Le discours délibératif vise la réalisation d'une action, c'est-à-dire, ce qu'il faut faire ou ce qu'il ne faut pas faire. L'énonciateur voudrait amener son public à prendre une décision, à penser ou à agir comme il entend. Il s'agit d'un discours exhortatif. Il est également un discours persuasif par excellence. Il correspond aux grands discours idéologiques qu'il soit de nature politique ou religieuse. Le discours judiciaire vise, quant à lui, les actes d'accusation et de défense. Il consiste à savoir, au cours d'un procès par exemple, si l'accusé a accompli ou pas un acte injuste déterminé. Il émerge beaucoup plus dans les tribunaux. Cependant, on peut aussi le rencontrer toutes les fois que le récepteur occupe un poste d'autorité par rapport à l'émetteur. C'est l'exemple des employés devant l'employeur. Le troisième type constitue le discours épidictique. Il montre, devant les auditeurs, ce qui est beau, digne d'imitation et ce qui est laid donc à éviter dans les actes d'un individu ou dans un groupe social. Il se rapporte ainsi non seulement au discours d'éloge ou de critique, mais il se veut aussi un acte démonstratif. Le discours politique se situe dans la catégorie du discours délibératif. Il partage avec le discours religieux, l'orientation exhortative, et avec le discours judiciaire, le sens du combat. Le discours est une forme « d'agir » qui a un caractère forcément agoniste, c'est-à-dire, qu'il agit dans un champ marqué d'oppositions. Chaque discours politique valorise une position, défend certaines valeurs, appuie une personne plutôt qu'une autre. Autrement dit, chaque affirmation a sa négation, chaque thèse son antithèse et chaque argument son contre argument. Le discours politique se trouve dans la catégorie de discours doxologique (de la doxa : opinion commune, vulgaire, collective). Charland56(*) fait observer que « la politique est fondée sur l'opinion, ce que les grecs nommaient la doxa, qui découle des expériences antérieures et des arguments basés sur des prémisses toujours susceptibles d'être remises en cause. Par conséquent, la doxa n'est pas univoque. Chaque opinion a son contraire ; et le débat politique, dans ses formes variées, met en relief un concours de doxa. La politique est donc un processus continu, sans fin, parce que chaque circonstance requiert une réplique, et donc un nouveau concours d'opinion afin de déterminer quel geste devrait être posé. Quelle que soit l'orientation qu'il prend, le discours politique reste particulièrement attaché à deux choses fondamentales à savoir : l'auditoire et l'occasion. Ces deux facteurs définissent le cadre de validité de la prise de parole publique. Le discours politique suppose un certain nombre de styles qui consistent, en un ensemble des règles concernant la parole et le comportement ». Ainsi les quatre styles du discours politique sont : le style réaliste, le style courtois, le style bureaucratique, et le style républicain. La compréhension que nous prêtons à ce terme de discours politique l'entrevoit comme un propos articulé ou tenu dans un contexte politique ; dans un pays, entre deux ou plusieurs pays en vue de faire savoir les intérêts des uns et des autres. Cette étude vise à identifier le positionnement de l'énonciateur dans le discours de Barack Obama. Cela étant, nous nous proposons de donner les esquisses notionnelles des concepts tels que énonciateur, destinataire, interlocuteur. * 51 ELITE IPONDO, G.G., op. cit., p. 89. * 52 MARCHAND, F., Manuel de linguistique appliquée. T3. Les analyses de la langue française : grammaire, vocabulaire, analyse du discours, Paris, Delagrave, 1972, p. 193. * 53 DUVERGER, M., Introduction à la science politique, Paris, Gallimard, 1985. * 54 RICOEUR, P., op. cit., p. 166. * 55 WINDISCH, U., Le K O verbal. La communication conflictuelle, Giromagnes, L'Age de l'homme. 1987. * 56 CHARLAND, J., Les formes de discours en politique, éd. Seuil, Paris, 1978, p. 88. |
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