Chapitre III : POURSUITES DES CASQUES BLEUS DEVANT
LES JURIDICTIONS DE L'ETAT
D'ENVOI : Analyse-Critique
Prise en compte l'idée que le membre militaire de
l'unité miliaire de la MONUC, auteur d'une infraction pénale sur
le territoire de la République démocratique du Congo n'est soumis
qu'à la juridiction exclusive de l'Etat participant, il est important de
relever l'étendue du problème que peut poser cette
immunité par rapport aux juridictions congolaises.
Autrement dit, nous nous contenterons de confronter, dans la
mesure du possible, les différents dangers imminents et inhérents
à cette immunité aux différents problèmes
envisagés et soulevés dans ce travail.
Il s'agit, entre autre, de relever les difficultés qui
entourent les voies ouvertes à la victime de l'infraction, de rattacher
la considération de cette immunité à une ouverture
éventuelle à l'impunité et enfin, d'évoquer, en les
critiquant, les rôles que remplirait la peine par cette façon de
régler le problème.
Section I : VOIES OUVERTES A LA VICTIME
De moult voies de recours reconnues au tiers de poursuivre
l'auteur d'une infraction lui ayant causé dommage figurent la
renonciation à l'immunité de juridiction, le recours devant les
tribunaux du pays du ressortissant et l'intervention de l'Etat pour son
national.
Sont là les cas ou les hypothèses obstruant
l'invocation de l'immunité par son bénéficiaire et
permettant au tiers de sauvegarder ses droits.
Nous mettrons à nue, dans les prochaines lignes, ces
voies et essayerons de porter notre appréciation et
éventuellement évoquer ce qui constituerait des dangers pour
chacune d'elles.
§.1 Renonciation à l'immunité de
juridiction
La renonciation, mise en oeuvre, apparait comme un moyen
protecteur du tiers car elle permet aux tribunaux locaux de se saisir de tout
litige dans lequel un bénéficiaire de l'immunité de
juridiction est partie.
La possibilité d'une renonciation à
l'immunité de juridiction envisageable, évoquons sa forme et la
personne compétente à renoncer.
A. Capacité pour renoncer
Selon l'article 32, alinéa 1 de la Convention de Vienne
de 1961, pour les membres des missions diplomatiques, l'Etat accréditant
peut renoncer à leur immunité de juridiction.73(*)
En effet, l'Etat d'envoi peut renoncer à
l'immunité de juridiction soit à le demande du pays d'accueil,
soit de son propre gré et contre la volonté du membre de sa
mission diplomatique en cause.
Un cas très éloquent nous est fourni par le
« Drame de Menton » survenu le 23 novembre 1996 en France
et qui a été à l'origine de la levée
d'immunité du diplomate zaïrois, à l'époque, RAMAZANI
BAYA par son gouvernement.74(*)
A ce niveau, nous estimons opportun d'essayer de
dégager la différence qui existerait entre la renonciation et la
levée de l'immunité de juridiction.
Tandis que pour la levée de l'immunité de
juridiction l'Etat procède sans tenir compte des intensions de l'agent
qui voudrait à tout prix s'en prévaloir, lors de la renonciation,
l'agent lui-même accepte de se soumettre aux juridictions de l'Etat
accréditaire.
Signalons tout de même que cette différence ne
présente pas un grand intérêt dans la mesure où les
deux concepts ont un corollaire commun ; la compétence des
tribunaux locaux ou plus exactement la perte de l'immunité de
juridiction par son bénéficiaire.
S'il reste admis que l'immunité de juridiction est
accordée aux agents diplomatiques pour le libre exercice de leurs
fonctions, il va de soi qu'il ne leur revienne pas de renoncer à une
telle immunité qu'ils tiennent, du reste, de l'Etat dont ils
relèvent et au nom duquel la mission est exercée.
Il revient donc à l'Etat seul le pouvoir
d'apprécier si le procès contre ses agents n'entrave pas les
tâches de la mission, et peut, par le fait, renoncer à
l'immunité de juridiction de ses agents.
Dans le système des Nations Unies, le principe reste
tout à fait clair. L'organisation internationale a, non seulement le
droit mais aussi le devoir de lever l'immunité d'un fonctionnaire toutes
les fois que les circonstances l'exigent.75(*)
C'est en effet le Secrétaire général de
chaque institution qui est compétent pour y procéder et quant
à lui, c'est le conseil de sécurité.
B. Caractère de la renonciation
L'alinéa 2 de l'article 32 de la Convention de Vienne
de 1961 dispose en substance que la renonciation doit toujours être
expresse.
Qu'entend-on par
concept « expresse » ?
Interrogeant la doctrine, Henri De Page entend par
volonté « expresse » celle qui s'exprime de
manière directe et n'exige pas de raisonnement.76(*)
Autrement dit, il s'agit d'ne volonté qui est
exprimée clairement sans équivoque et qui ne nécessite pas
un exercice consistant de mémoire pour comprendre.
Cette renonciation peut être écrite ou morale.
Avant de recevoir toute demande impliquant une personne
immunisée, il faudrait que le juge s'assure que l'organe
compétent a renoncé à son immunité de juridiction.
Une telle vérification éviterait que l'Etat d'envoi
réclame l'immunité alors que le procès est en cours.
Tant qu'il n'y a pas renoncé, expressement, cet Etat
est toujours fondé à invoquer son immunité de juridiction
pour ses agents et ce même contre la volonté des
bénéficiaires.
Confrontant la notion de renonciation au problème dont
question, une difficulté se pose et elle est liée à
l'expression même de cette possibilité de renoncer à
l'immunité de juridiction contenue dans la Convention de Vienne de 1961.
L'expression « peut renoncer »
employée dans le prescrit de l'article 32 de cette Convention n'apporte
pas de grands secours à la bonne administration de la justice. Elle
procure à l'Etat une alternative : il peut ou non y procéder
car n'y étant pas tenu.
Il ne s'agit pas d'un devoir mais d'une faculté.
Par voie de conséquence, en l'absence de la
volonté de l'Etat d'envoi de renoncer à l'immunité de
juridiction de son agent, la situation du tiers demeure problématique.
Pour toutes les fois que cela serait d'une valeur
considérable, il aurait bien fallu que le principe
s'annonçât en des termes contraignants pour qu'il ne laissât
pas à la libre appréciation des Etats la question de la
renonciation.
L'autre voie de recours qui permettrait au tiers de
revendiquer ses droits est le recours devant les tribunaux du pays d'origine.
Qu'en est-il ?
* 73 Convention disponible sur
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1573
* 74 Pierre BARBANCEY, Drame
de Mento, disponible sur http:/www.universalis.com from Altavista
* 75 J. DUFFAR,
Contribution à l'étude des privilèges et
immunités des organisations internationales, Paris, Sufflot, 1982,
p. 70
* 76 H. DE PAGE,
Traité élémentaire de droit civil belge, Tome III,
Bruxelles, Bruylant, 1942, p.523
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