I.1.4. La croissance des prix
L'augmentation des prix est une cause de discorde à
l'intérieur de la nation. Les travailleurs tout d'abord, voient
l'amélioration de leurs salaires peu à peu grignoté par
l'élévation du coût de la vie ; ils revendiquent et
utilisent la grève pour obtenir la restauration de leur pouvoir d'achat.
Etant donné que les entreprises répercutent sur
leur clientèle, sous la forme de relèvement des prix, au moins
une partie des augmentations des salaires consenties à leur personnel,
les travailleurs qui sont, en même temps, des consommateurs, estiment
finalement être les dupes de patrons qui reprennent d'une main ce qu'ils
accordent à l'autre. Aussi, les revendications des salariés,
trouvent-elles souvent, un prolongement dans le désir de changer les
structures économiques ; le blocage des prix et la nationalisation
des grandes entreprises sont alors inscrits en programme des partis politiques
qui se présentent comme les défenseurs patents des
salariés, tel que le parti travailliste en Grande Bretagne.
Les prix des produits alimentaires sont eux aussi soumis
à la controverse et c'est sur ce problème que se crée le
divorce entre les agriculteurs et le reste de la nation. Dirigeants et
salariés de l'industrie sont d'accord pour réclamer une
alimentation à bon marché. Il faut pour cela des prix agricoles
aussi proches que possible des cours mondiaux. Mais les agriculteurs se
récrient et dénoncent le caractère artificiel de ces
cours. Ils soulignent la divergence entre l'évolution ralentie de leurs
prix de vente et l'augmentation accélérée du coût de
la vie. Aussi, lorsque l'inflation sévit, le rétablissement de
la parité par l'augmentation du soutien des marchés mobilise-t-il
les agriculteurs dans l'action corporative et politique.
I.1.5.Stabilisation des prix
Les solutions préconisées par les uns et les
autres pour mettre fin à la hausse des prix reflètent, pour
l'essentiel, les intérêts particuliers. Ainsi, les travailleurs
réclament-ils le blocage des prix tandis que les chefs d'entreprises
opineraient pour une politique des salaires organisée par
eux-mêmes ou par l'Etat ; pour faire droit aux récriminations
des consommateurs, le boucher préconise les importations de
bétail à bas prix tandis que l'éleveur suggère une
diminution des marges de distribution.
Mais ce n'est pas dans cette variété d'opinions
que réside le véritable problème de la maîtrise des
prix d'aujourd'hui. Celui-ci est d'une toute autre ampleur et d'une
particulière complexité.
Il semble, en effet, que les politiques traditionnelles de
stabilisation des prix fondées sur l'intensification de la concurrence
et sur la régulation de la demande se trouvent mises en échec
par l'inflation actuelle ou, tout au moins, qu'elles n'aient plus qu'un effet
atténué sur l'évolution des prix.
Par ailleurs, il apparaît que les pouvoirs publics, dans
tous les pays, soient beaucoup plus réticents que par le passé
à mener ces politiques de stabilisation des prix, soit parce qu'ils
sont devenus plus sensibles à leurs inconvénients.
Ainsi, alors que la hausse des prix devient la principale
préoccupation des citoyens dans les pays développés du
monde occidental, la politique des prix pose des problèmes de plus en
plus difficiles à résoudre. Le premier réflexe, de la
part des gouvernements qui se réclament de l'idéologie
libérale est, évidemment, de miser sur un meilleur fonctionnement
des mécanismes du marché pour modérer l'évolution
des prix. La modernisation de l'appareil de distribution, la suppression des
entraves à la concurrence sur le marché intérieur,
l'ouverture des frontières aux produits étrangers ont
semblé dans cette optique, être les moyens les plus
appropriés pour obtenir la stabilisation des prix. On a pu croire ainsi,
pendant plusieurs années, que la révolution
commerciale et la libéralisation des échanges
internationaux résultant de la création du Marché Commun
et du Kennedy Round allaient régler durablement le problème de la
hausse des prix.
Ce ne fut, en réalité, qu'un épisode et
l'on s'aperçoit aujourd'hui que la concurrence moderne utilise avec
succès d'autres armes qu'une guerre des prix dangereuse pour les
entreprises ; par ailleurs, la compétition internationale sur
laquelle tant d'espoirs étaient fondés s'avère
n'être souvent qu'une circulation transfrontière des marchandises
entre les établissements des mêmes firmes. En définitive,
l'économie du marché ne joue qu'imparfaitement son rôle de
régulation des prix. La politique de réglementation des prix a
donc pour objectifs : la maîtrise de l'inflation et le
contrôle de la libre-concurrence.
a) La réglementation des prix, outil
anti-inflationniste
Au cours de l'histoire, les mesures gouvernementales prises
dans le domaine des prix se sont accumulés de l'empire romain à
nos jours. La libre détermination des prix reste cependant le rôle
des pouvoirs publics en cas de forte poussée inflationniste. Parmi les
techniques d'intervention, il convient de distinguer les mesures rigides des
mesures plus souples. Les premières peuvent prendre la forme d'un
blocage des prix, d'une taxation des prix (fixation d'un prix maximal), d'un
régime des prix encadrés autorisant la répercussion des
augmentations de coût, ou d'une fixation des marges, essentiellement dans
le domaine de la distribution. Les interventions plus souples sont
fondées sur une politique contractuelle des prix, la semi-liberté
ou liberté surveillée selon que les modifications de prix sont
soumises à une convention préalable, une demande d'autorisation
ou une simple information auprès de l'administration.
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