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La licéité de l'emploi de la force par une organisation internationale: cas de l'OTAN en Libye en 2011

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par James MUHINDO BUNDUKI
Université catholique du Graben - Licence 2011
  

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§2. Absence de fondement juridique incontestable

Dans ce paragraphe, nous allons passer en revue, le contenu de l'article 2 § 4 de la charte des Nations Unies (A) et les résolutions de l'Assemblée Générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies (B).

A. Analyse de l'Article 2§4

L'article 2§4 de la charte des Nations Unies prévoit que : « Les membres de l'organisation s'abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies »79.

C'est incontestable que cette disposition n'interdit pas explicitement tout recours à la force dans les relations internationales. Selon l'article 2§4, l'emploi de la force n'est pas interdit mais seulement lorsqu'il est dirigé contre l'intégrité territoriale, l'indépendance politique de l'Etat visé ou lorsqu'il est incompatible avec les buts des Nations Unies. Ce sont ces trois conditions qu'on va examiner successivement.

Si les critères relatifs à la définition du droit d'ingérence, qu'on a mentionnés auparavant, sont remplis on pourrait dire qu'une intervention humanitaire est permise dans la mesure où elle n'est porte pas atteinte à l'intégrité territoriale d'un Etat, avec le consentement de ce dernier, ne s'opère contre son intégrité territoriale. D'un autre côté, des actions armées transfrontalières sans acquisition de territoire ont souvent été qualifiées de violations de la souveraineté territoriale. Tel a été le cas dans l'affaire des « Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci 80, où la C.I.J a parlé uniquement des violations des espaces aérien et maritime nicaraguayens.

Encore moins évident est de savoir si une ingérence humanitaire est dirigée contre l'indépendance politique de l'Etat libyen. D'une part, certains auteurs estiment que tel ne peut pas être le cas puisque l'action n'a pas pour but une forme de domination.

79 L'ONU, le système institutionnel, documents d'études, N°3.02, la documentation française, Paris, 2001, p.3.

80 C.I.J, A.C. 27 juin 1986, affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Réc. 1986, p.14

D'autre part, on ne peut pas ignorer que le but de l'intervention est de régler un problème, essentiellement, de politique interne, de protéger une partie de la population contre une autre. En effet, l'intervention s'opère contre le gouvernement de l'Etat visé afin de restreindre ses pouvoirs et si nécessaire de le renverser. Par conséquent, l'intervention armée vise bien le pouvoir politique de l'Etat envahi et ce serait difficile de prétendre que l'indépendance politique de l'Etat visé n'est pas atteinte.

L'interprétation de la dernière phrase de l'article 2§4 de la charte, qui interdit tout recours à la force qui s'opérait, dans les relations internationales, de toute manière incompatible avec les buts des Nations, pose également de nombreux problèmes.

L'intervention de l'OTAN en Libye a mis en épreuve les fondements même du système juridique international. Elle a soulevé de nombreuses questions juridiques quant à sa légalité au regard du droit international existant. Il s'agit d'une opération armée d'une organisation (alliance de défense), bien sür avec l'autorisation du conseil de sécurité de l'ONU, mais dans un Etat souverain.

De cette intervention, deux enjeux viennent à l'ordre du jour, la souveraineté de l'Etat qui est la cible d'une intervention, et les droits de tiers qui ne participent pas au combat mais qui en sont les victimes.

En parlant de la légalité de l'intervention, l'article 4 de la Résolution 1973 autorise aux Etats qui auront notifié le secrétaire général à « prendre toutes mesures nécessaires » pour protéger la population civile en Libye. Cela n'exclut pas des attaques qui auraient comme but le renversement de Kadhafi si celles-ci étaient aussi destinées à protéger des civils. Mais le but supplémentaire de renverser le régime ne devait pas être poursuivi avec des moyens indépendants. Pourtant, ceci a bien eu lieu en Libye dès le départ de l'opération. En outre, l'OTAN à continué à bombarder des villes comme Syrte ou Bani-Walid même après la chute de Tripoli. L'OTAN a soutenu les rebelles avec pour conséquence que des milliers des civils ont trouvé la mort. Ainsi, le but légalisé de protéger la population civile a été sacrifié, sans ambages, au but non légalisé de renverser le régime.

Pour témoignage, on peut voir les reportages sur Syrte après le bombardement. Les journaux britanniques parlent de la ville natale de Kadhafi bombardée en mille morceaux. Une habitante de la ville est citée. « Ils nous bombardent, des femmes et des enfants sont en train de mourrir ».

Le soutien accordé pendant des semaines à des attaques pareilles a clairement outrepassé l'autorisation du recours à la force. Ce soutien était donc contraire au droit international positif. Ce qui nous intéresse davantage est la possibilité pour le Conseil de sécurité d'autoriser de telles interventions. La norme qui est souvent évoquée s'appelle « la responsabilité à protéger »81. Celle-ci n'est pas une norme obligatoire du droit international mais un principe éthique en évolution progressive. En tant que telle, elle établit un devoir positif d'assurer la sécurité et la protection. De tels devoirs différents de devoirs négatifs, ou interdictions, dans la mesure où ils ne sont pas définis en termes de leur contenu. Ces devoirs peuvent être remplis de différentes façons. Lesquelles de celles-ci seront appropriées, autorisées ou nécessaires. Cela dépend des circonstances particulières de chaque cas, des possibilités factuelles de ceux auxquels incombe le devoir, ainsi que de leurs limites juridiques.

Par conséquent, le principe d'une responsabilité à protéger « peut résoudre la question de la légalité de la guerre seulement par référence aux circonstances particulières. Seul, il ne peut pas le faire. Ce n'est pas principalement une question de droit international positif, mais plutôt une question de principes juridiques fondamentaux.

Voici le point de départ : les solutions violentes et juridiques à des conflits sont mutuellement exclusives. C'est la raison pour laquelle tout droit commence avec une interdiction fondamentale du recours à la force.

Bien évident, il y aura des exceptions à cette interdiction de principe. Mais ces exceptions doivent être juridiques, elles aussi. Elles doivent elles-mêmes contribué à garantir le principe fondamental de tout droit, celui de l'interdiction de la violence. Ces exceptions ne peuvent donc remplir cette fonction si elles sont des autorisations illimitées de recours à la

81 P.MICHELETTI, Vingt ans de guerre juste, éd Presses universitaires de Grenoble, Paris, 2011, p.2

force ; elles ne peuvent le faire que si elles sont définies avec exactitude afin d'empêcher la force illégale des tiers.

Pour l'Etat comme garant de l'égalité des droits de tous, ces mesures coercitives doivent naturellement être variées. Mais pour les sujets de droit, qui sont, eux, sur le méme pied d'égalité, elles existent exclusivement comme des mesures d'urgence.

Le droit international est constitué des traités et pratiques entre les Etats comme sujet de droit sur un méme pied d'égalité. Comme cela est le cas entre le sujet de droit à l'intérieur d'un Etat (les individus) les autorisations de recours à la force peuvent être fondées seulement comme des droits exceptionnels. Un droit général à la guerre est conceptuellement exclu : c'est une contradiction dans les termes.

Ces règles incombent aussi au Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce critère, qui pose des limites et qui est conceptuellement bien fondé, est valable aussi, et de façon impérative, quand il s'agit de savoir quelles limites le Conseil de sécurité obligé de respecter quand il agit selon l'article 42 de la charte de l'ONU. Il ne s'agit pas de connaître la pratique du Conseil mais bien la norme : même si le Conseil de sécurité baissait de façon permanente le niveau requis pour l'autorisation du recours à la force entre sujets égaux, et même si les Etats acceptaient une telle pratique au mieux, il existerait d'après John Rawls, « Un modus vivendi, un équilibre stable de puissances seulement provisoire ».

Le recours à la force pour les buts humanitaires dans le cadre de la responsabilité à protéger a besoin de la légalité dans deux perspectives fondamentales par rapport à la souveraineté de l'Etat ciblé et par rapport aux personnes menacées par la violence.

La souveraineté, c'est l'autodétermination. C'est le droit de se constituer et de se défendre contre des attaques extérieures. Comme droit d'autodéfense, la souveraineté constitue l'existence légale d'un Etat. Elle est par conséquent, une condition de son rapport juridique avec d'autres Etatscelle de leur égalité comme sujets de droit.

Mais la souveraineté étatique, à la différence de l'autonomie de l'individu, n'est pas une fin en soi. Elle dérive de la légitimation de l'Etat par ses citoyens. Seul un Etat qui est légitime, au moins pour la plupart, peut avec raison affirmer sa souveraineté y compris contre d'autres Etats.

C'est dans ce contexte qu'il devient possible de définir plus clairement la base matérielle d'une autorisation à intervenir : le critère serait celui d'une violation massive du droit international par un Etat agissant contre ses propres citoyens. Un Etat qui commettrait de tels crimes contre sa propre population ne remplit plus la tâche fondamentale qui seule puisse le légitimer comme un ordre juridique contraignant. Il perd sa légitimité et ainsi sa souveraineté, y compris vers l'extérieur. Des exemples sont l'Allemagne nazie ou le Rwanda sous le régime des Hutus. Ces Etats ne peuvent plus s'affirmer contre une intervention de la part d'autres Etats dont le but est d'accorder l'aide en urgence. Des tels crimes représentent bien une menace à la sécurité internationale car ils sont une violation de la norme universelle qui légitime les Etats.

Ainsi, un Etat qui est illégitime selon le droit international, les autres Etats n'ont plus aucun devoir de respecter sa souveraineté. En revanche leurs devoirs juridiques et éthiques à l'égard de la totalité de la population de cet Etat restent inchangés, y compris à l'égard de ceux qui s'opposent à l'intervention. Le recours à la force pour la protection des uns doit trouver sa limite quelque part dans les coûts en termes de vie et de souffrance des autres, surtout si ceux-ci ne participent pas aux combats. Dans le droit de la guerre, d'ailleurs, il y a de nombreux problèmes non résolus, surtout ceux de la justification des « victimes collatérales ».

Pour conclure cette section, quelques remarques sur la situation qui a existé en Libye avant l'intervention sont à signaler. « La rapport onusien du groupe de personnalités de haut niveau, intitulé [un monde plus sûr : notre affaire à tous], et publié en 2004, a conclu que le recours à la force militaire peut éventuellement être légitime si 1) la gravité de la menace est réelle, 2) si le motif est légitime, 3) en dernier ressort, 4) selon le

caractère proportionné des moyens et 5) selon la mise en balance des conséquences, c'est-à-dire si l'action sera plus bénéfique que l'inaction »82.

Si nous regardons la situation en Libye avant l'intervention, il est évident que tout au plus le second critère a été rempli, celui du motif légitime. Je crois par contre que les autres critères ont été violés sans exception. Nous étions bien loin d'un génocide ou de crime contre l'humanité selon l'article 7 du statut de la cour pénale internationale. « Il est opportun, en effet, de jeter un regard sur la mise en balance des conséquences : selon les rebelles, 50.000 personnes auraient trouvé la mort depuis le début du soulèvement contre Kadhafi. Le secrétaire général de l'OTAN, André Fogh Rasmussen, a déclaré que l'opération en Libye était l'opération la mieux réussie de l'OTAN »83. Je ne peux pas m'empêcher de croire que cette affirmation relève du cynisme pur.

Ainsi, le temps est pour nous de voir les exceptions au principe de non-intervention.

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