SECTION 2 : EMERGENCE DES GROUPES ARMES DANS SOUS-LA
REGION DES GRANDS LACS
Avant une analyse spécifique de chaque pays, nous
allons passer en
revue d'une manière générale les
contextes sociopolitiques qui expliquent, l'émergence des groupes
armés dans la sous-région des Grands Lacs.
§1 : CONTEXTE DE L'EMERGENCE DES GROUPE ARMES
Les conflits armés, en l'occurrence les groupes
armés trouvent leurs
racines dans des rapports de pouvoir, de structures
sociales concernant notamment les accès différenciés aux
emplois rémunérés ; aux ressources naturelles et au
foncier1
Cet état des conflits se montre prospère
dans les milieux sous développés avec un taux important de
sous-emploi qui font que les jeunes sans emplois y participent massivement. Le
contrôle des ressources par « les aînés »
priorité donnée aux autochtones ou tout simplement rareté
des ressources ; la question de l'accès à la terre et aux
ressources naturelles afférentes (eau, pâturages,...) sont aussi
des facteurs essentiels de la dynamique des conflits et des groupes
armés2.
La Banque Mondiale relève, omis les autres
facteurs politiques, que le trait le plus frappant survient dans une lourde
proportion dans les pays les plus pauvres. La guerre engendre la
pauvreté mais la raison essentielle de sa concentration dans les pays
pauvres est que la pauvreté accroît le risque du conflit, et le
conflit réside dans l'échec du développement
économique3.
Les tensions ethniques sont considérées
comme facteurs premiers de conflits en Afrique en général et dans
la sous-région des Grands Lacs en particulier « les
antécédents antérieurs à la colonisation, des
différends ethniques et des guerres intestines suggèrent une
disposition culturelle au conflit ».
Pour les chercheurs qui défendent cette
thèse, le colonialisme et d'autres facteurs plus récents en
rapport avec les ressources se greffent simplement sur une mosaïque de
méfiance et de violence préexistante depuis des
générations1.
En effet, les problèmes identitaires dans la
sous-région des Grands Lacs sont anciens. D'importants flux migratoires
avant, pendant et après les périodes coloniales, une pression
démographique considérable, le statut incertain des
autorités traditionnelles, les dynamismes politiques et
économiques de la région constituent des facteurs amplifiant la
question identitaire.
Ainsi, pour le cas du Burundi, depuis son accession
à
l'indépendance en 1962, celui-ci connaît
de temps des violences cycliques plus ou moins aiguës, preuve de
l'existence d'un malaise social et politique ou mieux d'un conflit profond. Ce
conflit a très vite été défini par les acteurs
politiques burundais comme ethnique. Une ressource était ainsi
construite pour servir les intérêts de groupes détermines.
Durant toute la période post-coloniale, la gestion du pays a ainsi
été caractérisée par des stratégies
d'instrumentalisation du levier ethnique soit pour conserver le pouvoir (des
oligarchies issues de la composante sociale Tutsi), soient pour le
conquérir (des organisations issues de la composante sociale Hutu).
Cette instrumentalisation a connu de moments cycliques de violences
extrêmes comme en 1965, 1972 et 1988 et plus encore vers 1993. Un chaos
institutionnel s'en est suivi. Un état de guerre civil s'est
installé et les conditions de vie et surtout de sécurité
ont été dégradées. Ces conflits ont pris une
ampleur nouvelle à partir du moment où des rebellions (comme
CNDD-FDD et PALIP HUTU-FNL) revendiquent la représentation des Hutus se
sont constituées à travers tout le pays et
bénéficiaient du soutien ethno politique à la
base2
A travers ses manifestations sanglantes et les acteurs
et les victimes qu'il expose à la face du monde, ce conflit laisse
fondamentalement croire
1 R. MINANI BIHUZO. Op Cit, p6
2 Julien NIBUBON, la résolution des
conflits au Burundi, processus, acteurs enjeux et incertitude, in Afrique
des Grands lacs, sécurité et paix durable, Butare, UMR, 2004, p
147
à l'instrumentalisation ethnique. C'est la
vision que les acteurs politiques Burundais ont imposée à
l'opinion nationale et internationale lors de négociation à
Arusha1.
Néanmoins, il est reconnu que, outre cette
dimension ethnique de l'origine des groupes armés au Burundi, il existe
autre dimension notamment politique, économique, socioculturelle et
géopolitique2.
En outre, l'Etat Burundais, comme la plupart des Etats
africains, laissait des insatisfactions énormes par rapport aux attentes
toujours plus grandes3.
Dans la dimension socio-économique, dans le
conflit burundais se trouvait aussi l'enjeu de la compétition pour le
contrôle de l'Etat et de ses ressources et dans cette
société l'Etat est perçu comme le seul et unique point de
salut compte tenu de l'étroitesse de l'espace étatique. Le
pouvoir, quelle que soit l'origine ethnique et régionale de son
détenteur, apparaît comme source d'injustice et
d'inégalité des conditions et des chances d'accès aux
revenus, d'une inégale répartition du sol et d'autres biens, d'un
accès inégal à la scolarité, de l'absence d'un
groupe dans le commerce et dans le monde professionnel, ou encore du non
accès à des positions économiques
avantageuses.
Dans l'analyse des origines des ces deux pays (Burundi
et Rwanda) l'élément commun est l'instrumentalisation de quelques
ethnies au détriment des autres, oeuvre du colonisateur pour asseoir son
pouvoir par le biais d'une ethnie qui se voit récompenser et jouir de
privilèges plus que d'autres et cela n'a pas laissé
indifférentes d'autres ethnies après les
indépendances.
En RDC, le phénomène de groupes
armés est lié à de facteurs complexes : problèmes
foncières, politiques, économiques, ethniques, etc.
Premièrement, l'implantation des immigrés rwandais à l'Est
de la RDC a occasionné des problèmes identitaires et par
conséquent des problèmes
1 Acte d'engagement d'Arusha art. 4
2 Julien NIBUBOM, Op Cit. p 149
3 Ibidem
fonciers au Kivu dans sa partie septentrionale.
D'importants flux migratoires avant, pendant et après la période
coloniale, une pression démographique considérable sont des
facteurs liés à cette ethnicité.
Cela était sanctionné par un important
contentieux entre les « Banyarwanda », les « rwandophones »
établis au Kivu constitués de plusieurs groupes et les «
autochtones » établis depuis dès avant la période
coloniale.
Les « immigrés » et les «
transplantés » de la période colonial « les
infiltrés » ou les « clandestins » d'avant et
après 1960, les réfugiés tutsi et les
réfugiés hutu, ce brassage a contribué à la
naissance d'un litige dès les années 1960 déjà
à l'époque dite de la « rébellion kanyarwanda
»1
Vers les années 1993 après un temps
d'une vie en communion, d'autres événements viennent illustrer le
caractère fluide des catégories ethniques. En effet, ce sont le
« banyarwanda : Hutu comme Tutsi qui sont victime d'une vague de violence
déclenchée contre eux par des groupes « autochtones »
hunde, Nande et Nyanga soutenus par leur milices (Maï-Maï et les
Ngilima).
Cette ethnisation s'est remarquée au Sud-Kivu
par le conflit et la haine qui existaient entre les originaires de territoire
de Fizi et le Banyamulenge à la recherche du pâturage. Celle-ci a
concouru à la formation des plusieurs milices d'autodéfenses
dénommées « Maï-Maï » dans la plaine de la
Ruzizi et dans le Fizi.2
Deuxième, outre les facteurs ethniques et
fonciers, les groupes armés trouvent leur racine dans des rapports de
pouvoir. Les problèmes politiques en RDC ont parvenu à
éclore les différents groupes armés et par manque de
politique ils sont arrivés à demeurer dans de montagnes et
forêts jusqu'à contrôler quelques localités au
dépend du régime en place. En effet, avec le régime du
président Mobutu et l'assassinat du premier ministre P.E Lumumba,
plusieurs guérillas se sont formées pour défendre
l'idéologie Lumumbiste et combattre le régime autoritaire qui
s'était
1 Reythjens, la guerre des grands lacs,
alliances mouvantes et conflits extraterritoriaux en Afrique central, Paris,
Harmattan 1999, p 13
2 Conférence sur la paix, la
sécurité et le développement des Provinces du Nord et
Sud-Kivu, déclaration de Bafuliro, Janvier 2008, p 2-3
installé. Ainsi nous avions connu de mouvements
tels que Parti
révolutionnaire du peuple PRC en sigle, PLP
(Parti de Libération du Congo) et sa branche armée, ALC
(Armée de Libération du Congo), Front Patriotique de
Libération du Congo, Front Watalinga, etc.1
A la longue, le désordre qui a ravage le pays,
l'autoritarisme du régime à contribué au durcissement de
certains groupes.
Concernant le Rwanda, les analyses démontrent
que les origines de conflits au Rwanda en l'occurrence les groupes
armées sont identiques à celles du Burundi : questions
identitaires occasionnées par le colonisateur belge,
l'instrumentalisation des ethnies ayant conduit à privilégier
l'ethnie tutsi dans le recrutement des autorités politiques
indiques2
Une dictature avérée liée
à l'ethnicisme de détenteurs du pouvoir, ainsi l'histoire de
confrontation armé du Rwanda est profondément marquée par
les difficultés de cohabitation entre la majorité Hutu et la
minorité Tutsi. Ces clivages, comme il est indiqué ci-haut, n'ont
rien d'ancestraux. Ils sont le fruit d'une politique
délibérée d'instrumentalisation de la question ethnique,
tout d'abord par les colonisateurs belges, puis les différents
régimes qui se sont succédé depuis
l'indépendance3
Vers 1959 on va assister à la première
vague de violence occasionnée par l'agression d'un cadre du parme hutu
(une association de la défense de droit ou de l'émancipation de
Hutu créée par Grégoire Kayibanda) qui provoqua une
sanglante flambée de violence ethnique faisant près de 300 morts
et plus de 20 000 déplacés en grande majorité de
Tutsi4
C'est dans ce contexte ponctué par de nouveaux
troubles ethniques en 1960 et en octobre 1961 que Grégoire Kayibanda est
élu premier président de la République du Rwanda en 1961
et que le pays accède à l'indépendance le 1er
juillet 1962.
1 JM Balancier & De la Grange, Op Cit, p
388-399
2 F.Reythjens, Op Cit, p 19
3 J.M. Belancie & De la Grange A, Op Cit,
p 340
4 Idem
Ces événements occasionnèrent
l'immigration des Tutsi dans les pays limitrophes. Congo belge, Burundi,
Tanzanie et Ouganda.
C'est donc à partir de ces communautés
établies à l'étranger que des petits groupes de rebelles
armés, surnommés « inyenzi » parurent. Ils s'infiltrent
au Rwanda pour commettre des actes terroristes suscitant de la part des
autorités Hutus de sanglantes représailles à l'encontre de
la population civile Tutsi.
Une seconde vague d'environ 100 000 Tutsi s'enfuit
à l'étranger en décembre 1963 suite à la dynamique
de chasse au Tutsi en tant qu'une réponse à la tentative
ratée de reconquête du pouvoir par des Tutsi réfugies au
Burundi.
A la longue, il s'est fait remarqué que le
Rwanda s'enfonce au cours des années 1960 dans la dictature ethnique et
subit une dérive autoritaire ; élimination progressive de toute
forme d'opposition ; instauration du parme hutu en tant que parti unique :
omnipotence naissante du chef d'Etat ; orientation du pouvoir aux mains d'une
clique issue de sa région d'origine.
Mécontent de la manière de conduire les
affaires du pays, on va assister à un coup d'Etat militaire
orchestré par des officiers nordistes originaires de la région de
Gisenyi. Ils placent à leur tête le Général
Juvénal Habyarimana, qui devient l'homme fort du pays. Ce dernier
consolide son pouvoir en entreprenant par ce biais une politique de
réconciliation avec le tutsi, mais chose étonnante, il n'a pas su
négocier avec les maquisards qui étaient parrainés par la
NRA de Yoweri Museveni.
Vers le début des années 1980, le Rwanda
a connu une prospérité économique par la modernisation de
ses infrastructures et l'absence de tensions ethniques majeures ; mais cet
âge d'or ne dure pas. A partir de la seconde moitié de la
décennie 80, le président jadis avide de réconciliation se
transforme sous l'influence de son entourage en l'homme d'un clan prêt
à tout pour défendre son pouvoir et préserver son
contrôle sur la « rente étatique ».
Cette dernière dérive du régime
est provoquée par l'accumulation d'une série de tendances lourdes
(impacts négatifs de forte densité de la population,
surexploitation des terres, aggravation du fossé entre riches et pauvres
et le retournement de la conjoncture socio-économique (imposition par
Brettons Wood d'une politique d'ajustement structurel inadéquate, la
chute de cour de café à partir de 1987 ; sécheresse et
menace de famine en 1988 - 1992).
La combinaison de ces facteurs engendre une
dégradation brutale du niveau de vie des populations et engendre
frustration agression et jalousie. De ce fait, le facteur ethnique n'est pas
considéré comme étant la seule déterminante mais
cela étant la principale qui fusionne avec les facteurs politique,
démographique et même économique.
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