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Maitrise de la technologie fromagère et contrôle qualité des fromages AOC

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par Amira MAJDI
Institut national agronomique de Tunisie - Ingénieur agronome 2008
  

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Conclusion

Dès la fin du XIXe siècle de nombreux facteurs comme la connaissance et la diffusion des processus de fabrication, la standardisation des techniques, ont concouru à la « délocalisation » de la production d'un petit nombre de fromages et à la disparition d'autres. Et de plus en plus, les échanges de collecte, la concentration des entreprises, l'évolution des pratiques d'achat et de consommation ont accéléré ce processus et donné naissance à des fromages de type ubiquiste, qui par construction ne tiennent pas leurs caractéristiques de la qualité du milieu naturel environnant. D'ailleurs, les économistes et les scientifiques cherchent depuis le début du XXe siècle à produire un fromage standardisé, régulier, aux qualités constantes, qui puisse être fabriqué et consommé n'importe où, quelles que soient les saisons ; un fromage affranchi des « contingences géographiques ».

Toutefois, pour un certain nombre de fromages, les liens avec le milieu géographique sont encore aujourd'hui revendiqués. Depuis l'entre-deux-guerres, la législation française reconnaît deux types de fromages : les « génériques » qui peuvent être produits n'importe où, et les fromages d'appellation d'origine dont les caractéristiques sont liées à une aire de production bien définie. Mais cette notion d'appellation d'origine est elle-même contestée et donne lieu à des débats passionnés dans le cadre de l'harmonisation européenne. Il existe, en effet, deux écoles juridiques concernant la dénomination des produits et leur protection. L'une s'inscrit dans la logique du droit « romain », l'autre dans celle du droit « anglo-saxon ». Pour la première « l'appellation préexiste à la jouissance, dans cette optique les noms de lieux ne peuvent tomber dans le domaine public ». Inversement, pour les anglo-saxons, les noms géographiques qui évoluent vers une signification générique tombent dans le domaine public. Jusqu'à présent, pour les appellations d'origine françaises, les liens entre le milieu naturel et la spécificité du produit apparaissent souvent comme une construction. La loi de juillet 1990 sur les appellations d'origine, votée précisément pour prévenir les critiques de Bruxelles, évoque largement les liens entre le fromage et le milieu géographique. Les modalités d'application de la loi de 1990 réinterrogent la notion de terroir et semblent aboutir au constat qu'il n'y a pas qu'un simple lien au terroir agronomique mais que les liens à la société locale comptent pour beaucoup dans la relation du fromage à son origine.

Les liens avec la société locale sont ainsi souvent reconstruits, comme pour d'autres produits alimentaires. La notion de terroir est à la fois de plus en plus vague et englobante, ainsi terroir et tradition sont souvent utilisés conjointement. D'ailleurs, un grand nombre de nouveaux fromages et de fromages de type ubiquiste font appel aux notions de terroir et de tradition comme arguments de vente et de communication avec la clientèle. Leurs campagnes publicitaires comme celles de la promotion collective utilisent l'image de la nature, champ de blé, paysages, ours des Pyrénées, ou font appel à des scènes « paysannes » ou campagnardes.

Pourquoi ce regain d'attention portée au terroir ? Certes, y faire appel revêt des enjeux économiques et notamment d'aménagement du territoire ; les appellations d'origine et les indications de provenance sont le plus souvent localisées dans des régions défavorisées et contribuent à y maintenir une agriculture et des emplois. Mais la notion de terroir comprend également des enjeux symboliques. En effet, les fromages n'échappent pas au discours nostalgique qui oppose, depuis les années 1960-1970, le couple terroir et tradition garant de la diversité à la modernité uniformisatrice.

Après avoir joué un rôle identitaire pour les régions ou les pays, et de revendication de la diversité dans le cadre d'une France centralisatrice, les fromages de terroir deviennent des enjeux de l'identité française face à la peur de l'uniformisation cette fois internationale, dans le cadre de l'Europe unie, comme en témoigne l'abondance d'articles de presse grand public consacrés aux fromages dits de terroir ou traditionnels. Les discussions sur les appellations d'origine et surtout la proposition de règlement concernant le lait cru et les produits à base de lait cru ont soulevé en France un vaste mouvement d'opinion publique en faveur de ces fromages. On peut être étonné de cette réaction puisque c'est la France qui a demandé que Bruxelles édicte un règlement en faveur des produits au lait cru. En fait, si l'affaire des fromages au lait cru a eu une telle résonance, c'est parce qu'elle s'est trouvée au cour du débat sur le traité de Maastricht et notamment du principe de subsidiarité. Les fromages au lait cru cristallisent ainsi un mouvement d'opposition aux « technocrates de Bruxelles » non seulement supposés être ignorants de la culture française mais également soupçonnés par une partie de l'opinion publique française de vouloir faire disparaître les éléments constitutifs de l'identité française à travers une atteinte à ses produits agroalimentaires, au profit d'un identité européenne uniformisatrice.

Même si la notion de terroir n'est pas opérante pour éclairer les liens que le fromage entretient avec son espace de production, ni suffisante pour expliquer la diversité de la France fromagère et par conséquent pour faire une géographie de la France fromagère, elle permet d'éclairer les liens symboliques qui unissent une société et son espace à travers un produit agro-alimentaire. L'étude d'un produit agro-alimentaire peut ainsi contribuer à celle de l'espace vécu et se satisfaire d'une démarche de géographie culturelle.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams