Efficacité de la politique monétaire de la BEAC (banque des états de l'Afrique Centrale ) et mécanismes de transmission: une évaluation empirique du canal du taux d'intérêt au Cameroun de 1995 à 2006( Télécharger le fichier original )par Eric Joël NGOUNOU NZOKOM Institut sous-régional de statistique et d'économie appliquée Cameroun - Ingénieur d'application de la statistique 2008 |
I.3.3. Le monétarisme néo quantitativiste ou friedmanien23(*)L'économiste américain Friedman a proposé de réhabiliter la théorie quantitative sous une forme nouvelle. Il l'a fait dès les années 1950, mais ses idées n'ont connu un certain succès qu'à partir de la décennie 70, et elles ont donné depuis une vigueur nouvelle au monétarisme. Admettant le bien-fondé de la critique keynésienne de l'hypothèse de constance de la vitesse de circulation de la monnaie (critique que l'observation statistique des faits avait entre-temps confirmée), Friedman a fait valoir à son tour que bien qu'il n'y ait pas une relation proportionnelle constante entre la quantité de monnaie et le niveau du revenu, la vitesse de circulation est néanmoins une fonction stable de variables statistiquement identifiables, telles que le taux d'intérêt, le niveau général des prix, et le niveau du revenu lui-même24(*). V varierait donc selon des lois observables, et ceci pourrait logiquement suffire, pour déterminer dans chaque circonstance, sur la base de l'équation des transactions, la proportion dans laquelle le revenu national réagira à une variation de l'offre de monnaie. Friedman reconnaît aussi, par-là même, l'existence d'une influence de la quantité de monnaie sur le secteur réel de l'économie ; il conteste donc la dichotomie radicale du monétarisme simple entre les secteurs réel et monétaire. Il observe d'ailleurs que lorsque règne le plein emploi, un accroissement de l'offre de monnaie n'entraîne exclusivement une hausse des prix, que si les limites du plein emploi ne reculent pas ; mais si les investissements reculent ces limites, de nouvelles transactions sont possibles, pour lesquelles des moyens de paiement monétaires sont nécessaires. L'accroissement de la quantité de monnaie disponible n'est alors nullement inflationniste, du moins pour la partie de celle-ci qui correspond à l'accroissement des possibilités réelles de l'économie. Ne pas faire cet accroissement provoquerait d'ailleurs, selon l'équation des transactions, de la déflation. Mais Friedman est en même temps un partisan avéré de l'économie de marchés, professant comme ses devanciers une vision optimiste du fonctionnement de cette dernière. Il considère en particulier que le processus compétitif non seulement suffit à conduire l'économie près du plein emploi et à assurer sa croissance, mais est aussi un excellent mode d'organisation pour assurer la réalisation de ces objectifs collectifs. Pour lui, dès lors, la politique monétaire, et d'ailleurs la politique économique dans son ensemble, doivent être telles qu'elles entravent le moins possible ce processus : en matière de prix d'une part, il faut s'en servir pour éviter aussi bien l'inflation que la déflation, car ce sont là des entraves au bon fonctionnement du système ; en matière de quantités d'autre part, il convient de s'abstenir de tout interventionnisme (notamment sur C et I) qui chercherait à les influencer dans un sens différent de ce que dicte l'évolution des marchés. A ce niveau, pense-t-il en effet, la « politique » ne saura jamais faire mieux que le marché. Il s'ensuit que la gestion de l'offre de monnaie par la banque centrale doit se limiter, selon le monétarisme friedmanien, à permettre le maintien et l'accroissement du niveau de l'activité globale qui se réalise spontanément ; elle ne doit pas entraver cet accroissement par une offre de monnaie trop restrictive, qui provoquerait de la déflation, ni par une offre trop abondante, qui susciterait l'inflation. De manière plus précise : selon le monétarisme friedmanien, la politique monétaire doit consister à faire croître l'offre de monnaie à un taux qui, majoré du taux de variation de la vitesse de circulation de la monnaie, serait égal à celui de la croissance du produit national en termes réels ; le respect de cette règle simple donne les meilleures chances que cette croissance se réalise effectivement, et sans inflation. Une expression formelle de cette règle, qui en renforce la justification, est donnée dans l'encadré1 en annexe. La règle suppose cependant que l'on puisse prédire de manière fiable tant la variation de la vitesse de circulation que le taux de croissance réel de l'économie. Sur ces deux points, et malgré ses propres efforts et contributions méthodologiques, Friedman constate qu'on est encore trop loin du compte. Les erreurs de prévision étant trop importantes, il conclut qu'il vaut mieux s'en tenir à un taux constant de croissance de la masse monétaire, et laisser l'économie s'ajuster spontanément à celui-ci. L'on notera que dans une telle perspective, la banque centrale est considérée comme devant être, et devant rester, un organe rigoureusement indépendant du gouvernement. Le rôle de la politique monétaire est alors essentiellement conçu comme celui d'assurer à tout moment au système économique une liquidité suffisante pour permettre la progression spontanée du produit global dans un contexte de stabilité du niveau général des prix25(*). Friedman critique par ailleurs fortement la politique budgétaire, dont il est un adversaire acharné. Il affirme en effet que la détermination du produit national par les variables réelles (C, I, G) n'est pas aussi assurée que l'on pourrait le croire : connaître l'effet d'une variation de G ou de I sur Y dépend de la connaissance des multiplicateurs correspondants. Or ceux-ci peuvent être nuls, en cas d'équilibres non keynésiens ; et lorsqu'ils ne le sont pas, ils sont déterminés par la propension marginale à consommer, qui peut elle-même être instable, ou mesurée de manière non fiable. L'effet des politiques budgétaires est dès lors au moins aussi incertain que celui des politiques monétaires actives, et il est donc plus prudent de se limiter à ces dernières. Le débat entre monétarisme friedmanien et politiques budgétaires keynésiennes se ramène ainsi à la comparaison de deux types de paramètres clés : la vitesse de circulation de la monnaie d'une part, et les multiplicateurs macroéconomiques d'autre part. Il conduit à ne pouvoir juger de la fiabilité et de l'efficacité de l'une ou l'autre politique que sur la base d'une connaissance empirique de ces deux paramètres. En résumé, nous dirons que la majorité des manuels d'économie présente la théorie sur l'efficacité de la politique monétaire en 4 écoles :
* 23 Elle est essentiellement le fruit des travaux de Friedman. * 24Ceci découle de la manière dont Friedman a reformulé la fonction de demande de monnaie,
Où V est une fonction des six arguments figurant entre les parenthèses. Il en résulte que le rapport entre le revenu national Y et la quantité de monnaie M n'est plus constant mais dépend de V qui est fonction stable de variables précises. L'on est cependant assez loin de la théorie quantitative originale, qui défendait l'existence d'une relation proportionnelle fixe entre M et Y. * 25 Les États-Unis et la Grande Bretagne ont connu au cours des années 1980-1985 une politique monétaire inspirée au départ par les idées de Friedman. L'inflation de plus de 10 % l'an qui avait sévi dans ces deux pays (et dans bien d'autres) pendant les cinq années précédentes fut ramenée à près de 0% à fin 1985, à la suite d'une politique monétaire qui fut par moments très restrictive. L'on peut voir ici une illustration d'un aspect du monétarisme, celui qui concerne les prix. Mais en même temps, le chômage s'est fortement accru en Grande-Bretagne, et aux États-Unis. Dans la perspective strictement friedmanienne, ceci serait à attribuer au fait que les variations de l'offre de monnaie ont été trop irrégulières, plutôt que trop fortes. |
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