CHAPITRE II : L'ouverture et l'observation de
l'entreprise en vue du choix de la procédure.
SECTION-1 : L'ouverture de la procédure.
La cessation de paiement marque le passage entre les techniques
amiables et les procédures plus lourdes de redressement ou de
liquidation judicaire.
Ces procédures sont le résultat d'une longue
évolution du droit des affaires.
Au XIXème siècle, le commerçant ou la
société qui ne payait plus ses dettes était mis en
faillite cela signifie tout simplement que le commerçant en
difficulté était considéré comme fautif et devrait
être mis au banc de la société.7
Des assouplissements ont été progressivement
apportés pour que le droit des procédures collectives
évolue dans un sens moins radical. Une distinction s'opère
désormais entre :
7 CHAMOULAUD-TRAPIERS et GULSEN 2003 :227
L'ENTREPRISE EN DIFFICUL TE
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Le sort de l'entreprise qu'il faut tenter de sauver, notamment
avec la conclusion d'un concordat signé entre les créanciers
regroupés dans une masse.
Et le sort des dirigeants qu'il faut sanctionner dans le cas
où il serait fautif.
La notion d'entreprise s'enracine dans le droit des affaires
et le terme de faillite laisse progressivement place à celui de
liquidation ainsi le législateur marocain va poursuivre ce processus et
donner la priorité sur la survie de l'entreprise. Elle institue deux
procédures :
Le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire.
Parallèlement, elle institue des mécanismes
destinés à sauvegarder l'emploi et à assurer l'apurement
du passif. Pour parvenir à ses objectifs une nouvelle équipe de
gestionnaires est créée : des administrateurs judiciaires et les
mandataires liquidateurs.
Ainsi l'accent a été mis sur le renforcement de
la prévention de la simplification de la procédure,
amélioration de la situation des créances et une meilleure
transparence dans la gestion des entreprises en difficulté. Ces
modifications sont le révélateur de la difficulté à
concilier l'intérêt de l'entreprise des salariés et des
créanciers. L'ouverture de toute procédure collective suppose le
respect de conditions de fond et de forme. Une fois la procédure
ouverte, le sort de l'entreprise n'intervient qu'à l'issue d'une
période d'observation qui entraine des changements tant à
l'égard de l'entreprise qu'à l'égard de ses partenaires.
L'issue de la procédure dépend de la situation de l'entreprise.
Le tribunal saisi peut soit prononcer sa continuation, soit sa reprise, soit sa
liquidation. Parallèlement, des sanctions peuvent être
prononcées à l'encontre de ses dirigeants.
A° Les conditions d'ouvertures de la
procédure.
1/Les conditions de fond :
· Les personnes juridiques
concernées
Les procédures collectives ne sont plus, comme par le
passé, réservées aux seuls commerçants.
L'article 560 du code de commerce marocain dispose que le
redressement et la liquidation judiciaire sont applicables à tout
commerçant, à tout artisan, et à toute personne morale de
droit privé.
S'agissant des personnes physiques, la procédure peut
être ouverte contre tout commerçant ou non commerçant.
Toutefois, pour les artisans et les commerçants, une procédure de
règlement amiable doit avoir été préalablement mise
en oeuvre.
Dans certains cas, le redressement ou la liquidation
judiciaire est applicable aux personnes physiques, membres ou dirigeants de
personnes morales, faisant elles-mêmes l'objet d'une procédure
collective.
Sont visés :
---Les membres d'une personne morale tenue indéfiniment
du passif
---Les dirigeants qui ont tiré un profit personnel de
l'exploitation de la personne morale ou qui ont commis des fautes de
gestion.
S'agissant des personnes morales elles entrent toutes dans le
champ d'application de la loi 15-95 dés lors qu'elles sont de droit
privé8, elles soient civiles ou commerciales. Toutefois, la
condition est qu'elles aient la personnalité morale. Par
conséquent, sont exclues les sociétés créées
de fait, les sociétés en participation ou les associations non
déclarées.
8 Loi n°17-95 relative les sociétés anonymes
et la loi 5-96 formant s.e.n.c, s.c.s, S.A.R.L., article 2
L'ENTREPRISE EN DIFFICUL TE
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En revanche, les sociétés de fait qui sont des
sociétés qui ont été annulées après
leur immatriculation au registre de commerce et des sociétés,
peuvent faire l'objet d'un redressement judiciaire.
En effet, la nullité équivaut à une
dissolution. De matière générale, une procédure
collective peut être ouverte contre une personne qui a perdu la
personnalité morale dans l'année qui suit sa radiation dés
lors que la cessation de paiement était antérieure à cette
radiation.
Exceptionnellement, une procédure ouverte à
l'encontre d'une personne morale peut être étendue à une ou
plusieurs autres même si ces dernières ne sont pas en état
de cessation de paiement. Les différents patrimoines vont être
réunis dans une masse unique dans l'intérêt des
créanciers, conformément à l'article 570 de la loi
15-95.
Cette extension se fonde soit sur la théorie de la
confusion des patrimoines entre deux sociétés ; soit sur la
fictivité d'une société.
· Etat de cessation des paiements de
l'entreprise.
L'entreprise mise en redressement judiciaire doit être en
cessation de paiement.
Ainsi selon l'article 560 de la loi 15-95 comme l'article 25
de l'acte uniforme du 10 Avril 1998 portant organisation des procédures
collectives d'apurement du passif de l'organisation pour l'harmonisation du
droit des affaires en Afrique (OHADA) dont fait parti le Sénégal,
l'entreprise doit être dans l'impossibilité de faire face au
passif exigibles avec son actif disponible. Le passif exigible comprenant des
dettes liquides et exigibles échues de l'entreprise et dont le paiement
peut être effectivement réclamé du débiteur. L'actif
disponible constituant des liquidités de l'entreprise, des actifs
réalisables à court terme et de toutes les sommes
immédiatement disponibles.
Dans les faits, il est difficile de déterminer le
moment de la cessation de paiement. En effet, une simple gêne de
trésorerie ne suffit pas et il n'est pas nécessaire que la
situation de l'entreprise soit irrémédiablement compromise. Cet
état ne se confond pas avec celui d'insolvabilité. Certains
indices sont révélateurs de la cessation des paiements : le
défaut de paiement d'une créance exigible ; le recours à
des moyens de paiement frauduleux ou ruineux. La preuve de cet état
incombe à celui qui demande l'ouverture de la procédure, comme un
créancier.
Il existe aussi d'autres cas d'ouverture d'une
procédure collective ou la cessation de paiement n'est pas
nécessaire. Elle est possible lorsque le débiteur ne respecte pas
ses engagements financiers pris lors du règlement amiable. Le tribunal
à la faculté et non plus l'obligation de prononcer le
redressement judiciaire de l'entreprise.
Elle est aussi permise à l'encontre du
locataire-gérant du fond de commerce chaque fois que celui-ci
n'exécute pas les engagements pris lors de la prise en charge du
fond.
La date de cessation de paiement permet de déterminer
une période pendant laquelle les actes passés par le
débiteur pourront être remis en question c'est la
période suspecte. Le tribunal fixe immédiatement cette
date qui ne peut être antérieure à 18 mois de la date du
jugement d'ouverture.
Toutefois, la fixation de cette date est provisoire. Elle peut
être reportée une ou plusieurs fois.
Exemple : Le tribunal a initialement fixé cette
date au jour du jugement. Puis il apprend qu'il y a six mois, l'entreprise
avait contracté auprès d'une banque un « emprunt ruineux
» ; pour obtenir la nullité de cet acte, le tribunal fixe la
cessation de paiement six mois avant jugement d'ouverture.
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