1.4.3 Tarification des externalités associées
à la gestion des déchets
A la suite des travaux précurseurs de J. Dupuit et A.C.
Pigou, l'utilisation de l'instrument tarifaire devient une mesure
efficace pour la collectivité dans une situation de blocage de la
demande, né par exemple du refus de certains agents de participer au
financement d'un bien d'intérêt public. Si
l?efficacité économique est une condition nécessaire
à l?introduction d?une nouvelle mesure tarifaire, elle ne semble pas
suffisante pour que cette mesure soit acceptable (Banister et al., 1994).
Emmerink et al. (1995) montrent que cette dernière doit également
être jugée équitable.
A la suite notamment de Polak et Jones(1991), Small(1992),
Banister(1994), Ramjerdi(1996), Rietveld, Nijkamp et Verhoef(1997), il est
apparu que la référence à la
gratuité du domaine routier était l?un des
arguments utilisés par les détracteurs du péage urbain.
Pour ces derniers, la route étant un bien collectif, son usage
doit rester gratuit.
Cependant, cette gratuité ne peut être
qualifiée que de « gratuité apparente » puisque
à travers l'existence de taxes, notamment sur les carburants, il semble
clair qu'elle n'existe pas dans les faits (Souche, 2002).
L?environnement étant un bien public, sa gestion ne saurait être
gratuite pour le citoyen. La tarification peut permettre de freiner sa
dégradation.
Le recours aux instruments de financement présente un
double avantage. D?une part ils permettent d?assurer le financement du service
public local, notamment la collecte (et dans une certaine mesure la
précollecte) et le traitement des déchets ménagers en
couvrant tous les coûts liés à ces opérations.
D?autre part ces instruments auront pour rôle de modifier par
l?incitation les comportements des ménages dans un sens favorable
à la réduction de la production des déchets
ménagers. En l?absence d?incitation ou de contrainte, les ménages
ne se préoccupent pas de la quantité de déchets qu?ils
produisent.
La question centrale pour les municipalités est de
définir les instruments de politique économique qui seraient
susceptibles de corriger ce comportement sous-optimal des ménages.
Le recouvrement des coûts pour la collecte et le
traitement des déchets solides est moins évident. Il est
difficilement envisageable de facturer directement les usagers pour ce service,
car il n'y a pas de mesures aisément applicables en cas de
non-paiement (comme la coupure du service d?eau).
Le principe n° 16 de Rio met l?accent sur le recours aux
instruments économiques afin que le pollueur assume pleinement le
coût de la pollution. Selon ce principe, « Les autorités
nationales devraient s'efforcer de promouvoir l'internalisation des coûts
de protection de l'environnement et l'utilisation d'instruments
économiques, en vertu du principe selon lequel c'est le pollueur qui
doit, en principe, assumer le coût de la pollution, dans le souci de
l'intérêt public et sans fausser le jeu du commerce international
et de l'investissement ».
A cette fin, il conviendrait de mettre en place
différentes taxes et redevances dans le domaine de l?eau, de l?air, du
bruit et des déchets ainsi que dans le domaine des substances et
installations dangereuses. Le service public de gestion des déchets
ménagers est l?un des secteurs qui nécessite la mise en oeuvre de
cette politique publique. Le principe du pollueur-payeur favorise
l?équité entre les acteurs en récompensant ceux qui
adoptent un comportement responsable (Karagiannidis et al. 2006). Il s?agit de
responsabiliser les usagers du service de gestion des déchets
ménagers qui n?ont pas conscience de la pression qu?ils font subir
à la collectivité publique et à l?environnement à
travers leurs habitudes de consommation et leurs comportements vis-à-vis
des déchets ménagers.
L?utilisation des instruments économiques pour le
financement des services publics de déchets ne date pas d?aujourd?hui.
En France, on peut rappeler qu?en 1926, l?instauration de la taxe
d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) afin de donner
aux collectivités locales des moyens spécifiques pour assurer le
financement du service. Il s?agit d?un outil de financement fiscal assis sur la
valeur locative du logement. Le but était d?assurer collectivement la
propreté de la voirie publique et non d?apporter un service individuel
aux ménages.
Le principe pollueur-payeur / utilisateur-payeur, se retrouve
au coeur de nombreux systèmes de gestion des déchets ultimes dans
les pays développés. Il s?agit d?un moyen de conscientiser les
usagers: ils payent un service proportionnellement à l?usage qu?ils en
font (Maystre et al. 1994). En plus de représenter une incitation forte
à une modification des comportements, le principe du pollueur-payeur
favorise l?équité entre les acteurs en récompensant ceux
qui adoptent un comportement responsable (Karagiannidis et al. 2006). Il s?agit
de responsabiliser les usagers du service de gestion des déchets
ménagers qui n?ont pas
conscience de la pression qu?ils font subir à la
collectivité publique et à l?environnement à travers leurs
habitudes de consommation et leurs comportements vis-à-vis des
déchets ménagers.
La tarification des biens publics peut s?inspirer de principes
différents (Greffe, 1994 ; Laffont, 1988). En s'appuyant sur la
théorie de l'optimum de Pareto, une tarification au coût marginal
permet d'assurer une allocation optimale des ressources mais ne répond
pas toujours à la contrainte budgétaire. Ce qui oblige à
recourir à la tarification à la Ramsey-Boiteux qui est
qualifié de second rang et qui permet à l'opérateur de
garantir l'équilibre budgétaire. Il y a également la
tarification progressive qui est fondée sur le principe de
redistribution. Elle consiste à faire supporter la consommation
des ménages les plus pauvres par les plus riches.
L?utilisation d?un taux fixe (tarification forfaitaire) fait
en sorte que le coût marginal du rejet de la deuxième
quantité d?ordures et les suivantes est nul. Selon Callan et Thomas
(2006), certains ménages considèrent le coût marginal de la
première quantité comme nul. Dans ces conditions, aucune
motivation monétaire n?incite le ménage producteur de
déchets à réduire sa production de déchets
ultimes.
La mise en oeuvre de la tarification au coût marginal
dans le cas des déchets produits par les ménages implique de
faire payer aux producteurs de déchets une redevance égale au
coût marginal lié à la collecte et à
l?élimination de leurs déchets. Donc confrontés
à une redevance liée à la quantité de
déchets produits, les ménages auront tendance à produire
moins de déchets afin de payer une faible redevance
(Gbinlo,2010).
Wertz (1976) montre qu?une tarification unitaire sur le
service d?élimination des déchets affecte négativement la
consommation et par ricochet les déchets ménagers produits.
Quatre variables socioéconomiques influencent la quantité et la
composition des ordures ménagères. Il s?agit de : la tarification
unitaire des déchets, la fréquence de collecte, la distance qui
sépare le ménage du lieu de positionnement des bacs ou conteneur
à ordures et le revenu du ménage.
Wertz, Efaw et Lanen (1979) ont étudié la
demande de service d?élimination des déchets par les
ménages en focalisant leur étude sur la réponse des
ménages face à une tarification basée sur des containers.
Ils montrent que la quantité de déchets dépend du nombre
de container mis à la disposition des ménages qui dépend
à son tour du prix de chaque container et du revenu des
ménages
Certains auteurs se sont intéressés aux
variables socio économiques qui influencent la quantité et la
composition des ordures ménagères, tant d?un point de vue
théorique (Wertz, 1976) qu?empirique (Richardson et Havliceh, 1978 et
Hong et al, 1993). Parmi les facteurs qui influencent l?utilisation des
collectes et des déchets, les travaux de Callan et Thomas (2006) ont
montré que le nombre de personne par habitation, l'âge, la
fréquence de collecte et le coût marginal de la collecte de
déchets sont des facteurs significatifs qui influencent la demande pour
l'élimination. Selon ces auteurs, le coût marginal de la collecte
de déchet influence de manière statistiquement significative la
demande d'élimination à travers des comportements de
récupération.
|