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Enclavement et développement des zones rurales d' Afrique subsaharienne: recherche bibliographique

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par Adong Tchoou NOYOULEWA
Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies en géographie 2006
  

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2.3. LE MONDE RURAL : SA DEFINITION, SON AMENAGEMENT ET LES CONTOURS DE SON DEVELOPPEMENT

Définir le monde rural dans le contexte actuel marqué par des mutations intenses des sociétés n'est pas chose facile. En fait, comme l'indique Balima M. (2005), « le degré de transformation et de diversification des activités des espaces ruraux, la nature, le nombre et la vigueur d'éléments perturbateurs externes et bien d'autres (...) montre que les mutations observées en milieu rural entraînent une modernisation ou urbanisation du monde rural tandis que celles observées en milieu urbain sont désignées comme des faits de ruralisation du monde urbain », page 21. D'ailleurs, le fait que nous ayons autant de définitions qu'il y a d'auteurs qui se soient intéressés à la question est une preuve tangible de cette difficulté qui néanmoins ne saurait occulter la pertinence de dégager un ensemble de traits dont la simple évocation font penser à cet espace. Comment les auteurs abordent-ils la définition du rural et au-delà de l'espace rural ?

Le monde rural s'identifie à la campagne par opposition à la ville. Grawitz M. (1999) définit le rural comme « l'ensemble des problèmes du peuplement agricole et de l'écologie agraire » avant de lui ajouter un sens plus sociologique quand il précise que le rural « qualifie les hommes au service de la terre, conscients de leur communauté d'intérêt et de comportement », page 362. Quant à Balima M. (2005), elle évoque un certain nombre de « critères de discrimination entre l'espace rural et l'espace urbain », page 20. Ainsi, elle cite la démographie, les fonctions, la morphologie et le statut juridique comme traits référents lorsqu'il s'agit de définir l'espace rural. Kola E. (2005) lui, dit que « rural » est issu du latin « ruralis » qui signifie campagne et sert dans bien des cas comme épithète pour qualifier de façon générale tous les phénomènes qui ont trait à la campagne : exode rural, territoire rural, milieu rural, population rurale, ... avant de mentionner à titre de conclusion que « la campagne est également un concept qui s'identifie au domaine qui s'étend au-delà de la ville », page 46. Dans tous les cas, nombreux sont ceux qui, à travers leur définition laissent apparaître des éléments communs même si les termes ou mieux les concepts pour le dire diffèrent d'un auteur à un autre. C'est le cas de Cabanne C. (1984) qui pense que le rural va au-delà de la campagne et concerne forêts et espaces verts dans un espace donné. Il ressort de l'analyse des écrits de tous que le monde rural est celui qui se distingue de l'espace urbain par son bâtit discontinu, une prédominance des activités du secteur primaire notamment agricoles, et dans une certaine mesure son statut juridique et administratif. Comment s'opère l'aménagement d'un espace aussi composite ?

L'aménagement du monde rural est une question qui s'intègre de plus en plus au paradigme de développement de cet espace. Comment peut-on viabiliser les espaces ruraux en Afrique au sud du Sahara en dépit de leur retard apparent en tout point de vue ? Il s'agit pour nous de passer en revue les différentes approches relatives à la question de l'amélioration des infrastructures socio-collectives dans les zones rurales au sud du sahara. Se percevant à travers routes, centres de santé, centres culturels, écoles, ... ces infrastructures finissent par se dégager comme les coefficients d'évaluation du niveau de développement d'une localité. C'est pourquoi il est quasi impossible de départir l'analyse de la question d'aménagement et celle du développement. Ainsi, la question qui sous-tend le paragraphe qui va suivre devrait être : quels sont les contours du développement des zones rurales enclavées en Afrique subsaharienne ? Mais avant, qu'est-ce que le développement ?

Les infrastructures socio-collectives avions-nous dit, sont le coefficient d'évaluation du niveau de développement d'une localité. Cependant, il convient d'y intégrer le niveau de vie qui s'exprime à travers les indices de croissance économique. Toutefois, la préférence va de plus en plus à la considération des effets produits directement sur la vie des populations par la croissance de ces indices. Ainsi, alors que le PIB est la somme des valeurs ajoutées (valeur de la production moins la consommation intermédiaire à l'intérieur d'un pays) en une année, le PNB fait davantage référence à la nationalité des agents économiques et s'obtient en ajoutant au PIB les revenus du capital et du travail reçus du reste du monde et en soustrayant ceux versés au reste du monde. Tous ces indices s'expriment en proportion par habitant vivant sur un territoire en dollar US. Dans le cas du Togo par exemple, le PIB/hab. était de 380 $/hab. en 2005. Mais à la suite de Atangana N. (1978), nous pouvons nous interroger sur le crédit à accorder à tous ces indicateurs « qui servent à mesurer nos progrès par rapport aux sociétés avancées, tel que le PIB qui n'ont de signification réelle et ne sauraient être la motivation de nos efforts, même s'ils demeurent par ailleurs des commodités de calcul à usage international » page 99. D'ailleurs, les pays « qui ont gagné des sommes fabuleuses en vendant du pétrole se retrouvent classés parmi les pays les plus riches du monde, sans que cela ne corresponde à une croissance réelle de l'ensemble de l'économie et encore moins à leur développement », page 99. La relativité de ces indices surtout dans leur capacité à traduire la vérité sur les populations étant entendu que les richesses à l'intérieur des pays sont souvent inégalement reparties et ne se traduisent pas toujours sur la vie des hommes, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a récemment crée d'autres indices. Il s'agit de l'indice du développement humain (IDH) et celui de la pauvreté humaine (IPH). Ces derniers prennent en compte les réalités économiques, sociales et culturelles afin de mieux cerner la notion de sous-développement. L'IDH par exemple est conçu à partir de trois éléments qui sont l'espérance de vie, le niveau d'instruction (évalué par le pourcentage des adultes et le nombre moyen d'années d'études) et le revenu par habitant. Il s'exprime à partir d'une échelle fermée qui va de 0 à 10. Le Togo comme la plupart des pays en Afrique subsaharienne avait en 2005 un IDH de 0,512. Quant à l'IPH, il est construit à base du pourcentage d'individus risquant de mourir avant 40 ans, le pourcentage d'adultes analphabètes et le pourcentage d'individus n'ayant pas accès aux services procurés par l'économie (soins de santé, eau potable, ...).

Autant dire au regard de ce qui précède, que le développement est perçu beaucoup plus comme l'amélioration des conditions de vie des populations que comme l'augmentation des indices économiques. Adaptée au monde rural, que revêt la notion de développement ou mieux encore celle de sous-développement ? Dans le monde rural d'Afrique subsaharienne en particulier, il prend la forme de la satisfaction des besoins vitaux comme se nourrir, se soigner, s'éduquer, s'habiller,... Il est vrai que la satisfaction de tous ces besoins exprimés passe nécessairement par la capacité des ruraux à créer des richesses. Le travail agricole qui est l'activité principale du monde rural peut-il permettre de réunir les moyens en vue de la satisfaction de ces besoins ? Selon un rapport du PNUD (1990), « les populations pauvres ne forment pas un ensemble homogène, (...) plus d'un milliard d'individus vivent dans la pauvreté absolue dans le Tiers-monde. L'Afrique compte 24% des déshérités du monde en développement et c'est sur ce continent que la pauvreté progresse le plus rapidement, le nombre absolu de pauvres ayant augmenté de deux tiers entre 1970 et 1985. (...) ...les trois quarts des pauvres dans le monde en développement vivent dans les zones rurales même si la pauvreté tend de plus en plus à s'urbaniser (7% de progression par an à partir des bidonvilles). Enfin, les hommes et les femmes ne sont pas égaux devant la pauvreté ». Qu'est-ce qui explique que la pauvreté soit plus perceptible dans le monde rural en dépit du fait que nombre de gouvernants en ont fait la « priorité des priorités économiques » en déclenchant depuis des décennies la révolution verte ?

Alors que certains lient le développement ou mieux le sous-développement des contrées rurales africaines à « un déficit d'association des paysans » bénéficiaires des nombreux projets de développement à leur conception et réduisant ces derniers à de simples exécutants, d'autres par contre font un lien entre la prospérité de ces zones et leur niveau d'équipement en infrastructures de tout genre. Cependant il ne faut pas ignorer les tenants d'une espèce de déterminisme qui expliquerait le retard de l'Afrique et surtout celle au sud du Sahara. C'est donc le climat tropical qui expliquerait le retard des pays africains. Mais à ces derniers, Gourou P. (1982) répond : « Toutes les races armées de techniques convenables sont capables de vivre sous tous les climats. (...) Encore faut-il que les tropicaux ne soient pas victimes de maladies mal soignées et d'une alimentation déficiente. Il serait désastreux que les habitants du monde tropical, qui sont presque tous pauvres et mal nourris, se laissent persuader que leur climat détermine une activité physique et intellectuelle réduite et par conséquent leur pauvreté. Une telle vue est inexacte, et démoralisante ; l'acceptation par les tropicaux de cette contre-vérité les conduirait à la résignation et leur ôterait la force nécessaire au relèvement de leur condition. » C'est d'ailleurs ce qui explique la profusion d'autres analyses sur les raisons de la stagnation dont fait preuve l'Afrique noire en dépit des efforts consacrés à son développement. Qu'est-ce qui explique alors les échecs des projets de développement rural en Afrique ?

Diverses thèses s'opposent pour expliquer ce que tous néanmoins conviennent de désigner à la suite de Fottornio E. dans un article paru dans le Monde, le 31 janvier 1968 par un « monde où la modernité voisine avec le dénuement et dont l'économie en voie de libéralisation recèle le pire et flirte avec le meilleur ». Autant certains évoquent des facteurs exogènes, d'autres s'en tiennent aux facteurs endogènes à l'Afrique.

Dans une interview accordée au journal Le Monde du 31 janvier 1968, Senghor L. S. alors Président de la République du Sénégal citait l'inégal échange comme facteur de sous-développement. « La détérioration des termes de l'échange ne cesse de s'aggraver, car les marchandises importées des pays développés voient leurs prix montés d'années en années alors que les produits exportés des pays sous-développés voient leurs prix baisser. (...) Les nations riches se sont engagées les unes vis-à-vis des autres dans une compétition visant à élever à tout prix le niveau de vie de leurs habitants et cela au détriment des pays pauvres s'il le faut... », disait-il. On comprend donc pourquoi jusqu'à ce jour, derrière le discours officiel qui fait état de l'assistance des uns aux autres, la réalité semble être exactement le contraire. D'ailleurs comment expliquer que les multiples projets dits de développement n'aboutissent que dans de rares cas ?

Ela J-M. (1982) évoque les nombreux échecs des projets de développement qui laissent la place à l'éclosion de relations conflictuelles entre dirigeants et paysans. Il met l'accent sur les sommes faramineuses investies pour développer l'Afrique mais qui finissent par n'avoir que des conséquences néfastes perçues à travers l'éclatement des groupes sociaux, les conflits d'intérêts, ... puisque des populations vivant sur un même territoire sont appelés à défendre des intérêts de natures diverses. Harrisson P. (1991) abonde dans cette même logique en relevant au terme d'une étude effectuée dans six pays africains que les rares projets de développement qui ont réussi sont ceux dans lesquels les populations ont été associées depuis leur conception. Il évoque entre autres « le miracle du maïs zimbabwéen » qui est le fait de ce qu'il appelle « les structures endogènes de développement ». S'il est unanimement reconnu que l'association des bénéficiaires des projets est un atout pour leur réussite et par ricochet au développement du monde rural, il se dégage la préoccupation de savoir exactement le rôle de ce que l'on a appelé depuis quelques décennies « l'aide public au développement » et qui paraît être la contribution des puissances occidentales au développement de l'Afrique.

Selon une étude parue en 2005 dans le compte de la Banque Française de Développement, toute l'aide publique apportée aux pays de la zone franc n'a pas crée autant de richesses dans ces pays que les revenus privés directement investis la plupart du temps par les ressortissants de ces pays en France4(*). La raison évoquée pour justifier cet état de fait est essentiellement l'inadéquation entre les prestations proposées et les problèmes réels des populations. Merlin P. (1991) en parle quand il souscrit à la thèse selon laquelle une aide pour être bénéfique ne doit venir qu'en réponse à un désir manifeste par le bénéficiaire. Ela J-M. (1990) insiste davantage sur ce concept et va jusqu'à parler de « la riposte paysanne à la crise ». Dans son livre, il montre comment des populations ou mieux encore des dirigeants, gourmands de « l'aide internationale » font l'effort d'adapter celle-ci à leurs localités. Cette dimension relève le problème de la compatibilité physique entre les projets de développement et les milieux où ils s'exercent. C'est dans ce sens que Bal P. et al. (1997) dénoncent le « copier coller » dont font l'objet certains projets de développement au Viêt-Nam. Ils évoquent entre autres des projets destinés à des zones de plaines qui finissent par être exécutés dans les montagnes. Toutefois, certains auteurs lient de façon explicite l'échec des projets de développement en Afrique subsaharienne à la prédisposition des paysans à prendre en charge les projets qui leur sont destinés. Ainsi, Belloncle G. (1985) évoque l'alphabétisation des masses paysannes comme un frein au développement du monde rural. La répercussion de la faiblesse du taux d'alphabétisation chez les ruraux dit-il, se retrouve à travers une incapacité à définir des approches susceptibles de leur permettre de maîtriser le coût de leurs activités pour définir en fin de campagne les prix de vente, un manque d'hygiène qui est souvent source de maladies aménuisant l'offre de la main d'oeuvre.

Somme toute, il est essentiel de retenir que développer un milieu en général et plus est un milieu rural est loin d'être une partie de plaisir. Il faut avant tout mettre en place certaines conditions dont la « mise à niveau des populations qui y vivent », s'assurer de l'adéquation entre le projet et les aspects physique et humain de la localité, associer enfin les bénéficiaires dès la conception du projet.

Contrairement à cette dernière thèse qui veut que le paysan d'Afrique au sud du Sahara soit instruit pour mieux gérer ses exploitations, il faut dire que toute société même traditionnelle aux dires de certains essaie par les moyens aussi rudimentaires soient-ils de subvenir à ses besoins (Abotchi T. 1997) et même de s'adapter aux conditions qui s'imposent à elle (Boserup E. 1970). De fait, les données dans lesquelles s'expriment ces besoins variant, on se rend compte que de nos jours, il est devenu impérieux que la gestion des exploitations agricoles réponde à certains critères pour être viables. Au-delà, la mutation des sociétés africaines au sud du Sahara et surtout celles de l'économie du monde impose que les produits agricoles ne servent plus que pour la subsistance de la famille. C'est d'ailleurs ce qui crée le besoin de commercialisation puisque « la nécessité d'une production massive est souvent couplée de celle des marchés d'écoulement qui permettent aux paysans de vendre leurs récoltes et d'acheter en retour des biens manufacturés » Noyouléwa T. A. (2005), page 3. L'absence, l'insuffisance ou la praticabilité saisonnière des voies de communication dans une région, bref l'enclavement d'une région soulève la question de son développement. Cette assertion s'applique-t-elle au monde rural en Afrique subsaharienne ?

* 4 Jeune Afrique, Hors Série n°12 : Etat de l'Afrique en 2006.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote