2° Vices dans les
règles du droit processuel
La situation des justiciables membres de la communauté
rurale du territoire de Masisi illustre un phénomène qui
mérite bien la qualification de « privilège des
villes sur la campagne », provoquant ce qu'un expert britannique en
développement a nommé la « distorsion pro urbaine»
jusque dans le domaine judiciaire. En effet, les règles d'organisation
et de fonctionnement de l'appareil judiciaire congolais semblent bien
s'être résolues à reléguer le paysan au dernier
rang. Sur le plan matériel par exemple, aucun effort manifeste n'est
fourni pour rapprocher les juridictions du justiciable, les prévisions
relatives à l'installation des tribunaux de paix en milieu rural
étant jusqu'à nos jours restées lettre morte. Les
juridictions compétentes en matière foncière sont celles
situées en milieu urbain, ce qui est très favorable aux riches
habitants de ville prédateurs de l'espace rural des pauvres de la
campagne.
Le comble est qu'en se contentant des juridictions
coutumières qui sont légalement incompétentes en
matière foncière, les justiciables paysans s'exposent à
l'annulation éventuelle de la décision rendue au niveau local
pour incompétence par les tribunaux compétent saisi (tribunaux de
paix et tribunaux de grande instance).
En outre, la règle du respect des droits de la
défense ne prend guère en compte la
vulnérabilité particulière du justiciable paysan,
sauf à considérer les règles du reste quasi
inappliquées et à caractère général qui se
rapportent à l'assistance de l'indigent. Malgré les efforts du
droit comparé manifestement en avance par rapport au droit congolais, la
justice congolaise illustre tristement et généralement encore la
situation extrême d'un adversaire riche éleveur ou exploitant
agricole, professionnel économiquement puissant, compétent,
structuré, entouré des conseils efficaces, élaborant des
conventions unilatérales d'indemnisation face à un paysan
agriculteur victime et affaiblie par une agriculture de subsistance , seul,
incompétent, mal informée, sans conseil, et dont le dilemme se
résume trop souvent à accepter une transaction très
désavantageuse ou à tenter l'aventure lente et compliquée
d'une procédure judiciaire.
Le droit n'échappe pas à la critique, en
disposant simplement que le justiciable paysan peut être assisté
de son avocat conseil, mais sans prévoir expressément la charge
de leurs honoraires en prenant en compte la sensible fragilité
financière du paysan. Pareille déficience législative ne
peut que rendre l'assistance rare ou insuffisante. Ainsi le paysan, faute de se
plier à une décision qui lui est défavorable
déjà au départ, il peut se résoudre à la
justice privée entrainant sa communauté ou sa famille.
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