CONCLUSION GENERALE
La recherche que nous avons le loisir de conclure a
porté sur les relations entre « OPJ et APJ » dans
l'exercice de leur travail judiciaire. Le phénomène
analysé est très ancien et trouve ses racines dans la gendarmerie
comme force de police. Sa spécificité est mal identifiée
puisque évoluant dans l'ombre. Les relations entre ces deux acteurs
tournent autour des règles de jeu axées sur la distribution,
participation et négociation.
La manière de travailler de l'OPJ induit la pratique de
l' « OPJ debout » par manque de distribution. C'est ce qui
fait que l' « APJ » renverse » le rapport
hiérarchique, retire son pouvoir de son chef et s'institue en
« OPJ » pour réguler les différents
problèmes à son insu.
Ce faisant, la visée étant la recherche de
l'essentiel, pour la décortiquer, il nous a fallu placer les acteurs
dans ce contexte où ils évoluent en vue de comprendre leur
manière de faire dans l'exercice du travail judiciaire. Cette
contextualisation nous a permis de rompre avec les évidences en vue de
cerner les logiques et les représentations des acteurs. C'est dans le
contexte que l'analyse de cette pratique interdit toute corrélation
mécanique entre pratique et carrière délinquante.
Il ressort du contexte historique que la police est
militarisée et les acteurs s'inscrivent dans un contexte dominé
par la logique de précarité et de vulnérabilité. La
police est à la fois jeune et vielle. Celle-là par sa
création juridique qui date du 26 janvier conformément au
décret-loi n°002/2002. Celle-ci par sa composition. Elle renferme
en son sein les anciens de la Force Publique, Gendarmerie, Garde civile,
factions belligérantes, anciens ou retraités gendarmes, veuves et
orphelins de la police. Ainsi, la police tient elle du militaire et du civil,
du professionnel et du non professionnel.
La police, dans sa forme organisationnelle, fonctionne
grâce aux deux sphères dont l'une apparente, manifeste et
réglementaire tandis que l'autre potentielle, invisible et perçue
comme le lieu d'émergence de la pratique non prescrite. C'est l'ombre
qui soutient le visible et le non prescrit sous-tend le prescrit. Celui-ci est
puissant et sans lui, la machine policière bloque. Si les acteurs
travaillent avec zèle malgré l'insuffisance de la prime comme ils
n'ont pas de salaire, c'est grâce à la pratique de l'ombre qu'ils
gagnent leur vie. N'eut été elle, il y a belle lurette que les
policiers démissionneraient ou déserteraient massivement de la
police.
Le tracé de cette recherche étant inductif, nous
avons ciblé la méthode qualitative de type ethnographique qui
nous a permis d'être à la fois « observant »
ou « professionnel » et
« observé » ou « participant »
c'est-à-dire à la fois chercheur et acteur. La
« participation observation » et l'observation
participation » nous ont placé dans une position
privilégiée où les opportunités de saisir les faits
étaient nombreuses et profitables. Les observations ont
été complétées et enrichies par les entretiens et
l'observation documentaire qui sont les observations indirectes. Elles nous ont
aidé à découvrir ce qui a échappé à
notre vision d'observation. Les différentes données
récoltées ont été traitées par la
méthode d'analyse thématique.
Il ressort de cette analyse que, de ces relations entre
« OPJ » et « APJ », découlent la
pratique d' « OPJ debout » dont l'essentiel se
résume dans l'arrangement à l'amiable comme mode de
régulation des conflits susceptible d'apporter l'harmonie, la paix et la
tranquillité sociale. C'est la finalité de la justice.
Le manque de distribution entraîne l'APJ à se
substituer à l' « OPJ » pour réguler les
conflits en « Kundelpain » dans l'ombre et en son insu.
Selon les empiries, les deux acteurs évoluent dans les relations autour
des enjeux financiers suite à l'inégalité du pouvoir. L'
« APJ » est une instance du pouvoir. Il est instrument de
« treizalité » de l'OPJ puisqu'il lui fournit le
pouvoir et moyen. Le pouvoir du chef ne vaut que lorsque l'exécutant se
soumet ou participe à ce pouvoir, sinon, il devient inefficace.
D'où, pour combler cette répartition inégale du pouvoir,
c'est l'idée de distribution qui est envisageable. Elle doit
s'accompagner de la répartition et de la coopération, sinon,
c'est le conflit qui s'installe et affaiblit ces relations. Aussi, le
degré de participation renforce-t-il le pouvoir du chef.
La loi des « autres » fut imposée,
elle s'avère inadaptée et non contextualisée. Elle est une
problématique dans son application. C'est ce qui fait que les policiers
transforment la loi civile en loi pénale et vice versa, la modifie
(la dette est érigée en abus de confiance), l'adaptent et la
contextualise selon les circonstances et les enjeux des acteurs. Il arrive
aussi que « le muviolo » fait pénal soit
décriminalisé au profit de l'arrangement et de la
réparation. Ils créent d'autres lois en innovant, aussi d'autres
sanctions non répressives qui équivalent à l'amende, c'est
le « millième » ou commerce sexuel perçu
comme « caution » ainsi que les différents biens en
nature pour mettre fin à la poursuite judiciaire des concernés.
C'est sous ce profil que nous rejoignons la pensée de DAYEZ B. lorsqu'il
écrit :
« Une des caractéristiques essentielles
de la loi pénale est aussi d'être radicalement limitée et
de reconnaître en conséquence au citoyen, au-delà de ses
frontières, une souveraineté, très exactement une
autonomie » (1999 : 10)
Sur ce, c'est ici qu'apparaît la pertinence de l'acteur
social. L' « APJ » se transforme en
« OPJ » pour être appelé « OPJ
debout ». Les deux acteurs, selon les enjeux et les circonstances du
moment liés à leur point de vue, selon leur expérience et
projets propres, dans une logique dominée par la
précarité, ils s'érigent en
« magistrats » (pour s'investir maître de l'action
publique) en « Juges » (ils criminalisent ou
décriminalisent, ils régulent les affaires civiles qui sont,
selon la loi des « autres », l'apanage du seul juge) en
« Législateurs » (ils innovent d'autres lois,
modifient ou adaptent certaines) en « Etat » (ils se
personnifient en « Etat » puisqu'ils sont à la
quête de citoyenneté par rapport à lui. Ils sont à
la recherche de leur identité). Ils s'affirment pour se
décoloniser et dire non à toute forme d'exploitation ou des
conditions inhumaines. En hommes capables, ils s'instituent à l'Etat et
se paient à travers ce phénomène de substitution. C'est ce
qui fait que le Droit pénal suscite la reforme.
La police est militarisée. Les policiers se livrent
à la chasse des civiles qu'ils considèrent comme gibiers à
traquer dont ils tendent le piège
« mukwao ». La police est un tribunal à la
fois de paix, de répression, de correction, un transit pour les
instances supérieures. Elle est dominée par la
précarité induisant les différentes treizalités
financières (économique), culturelles (ethniques ou tribales),
sociales (relationnelles) sexuelles (le millième), de poste
(détachement) et du pouvoir (prestige, puissance et richesse) des
acteurs.
La police est le visage de l'Etat, elle est son miroir. Le
gouvernement qui ne distribue pas, ne reflète pas l'image d'un Etat
démocratique. La police est un marteau entre les mains de l'Etat pour
modeler la population civile. Celle-ci est le champ de la police où
s'opère la treizalité. Le policier à un moment est un
poisson dans l'eau et vit en harmonie avec la population. A un autre, il cesse
d'être poisson et devient l'eau. Il soulève hors de l'eau le
poisson pour qu'il vomisse l'argent. C'est l'idée de treizalité
liée à la précarité de vie. L'au peut se
sécher pour causer du tort aux poissons (population). C'est le cas de
pillage qu'à connu le pays.
Un Etat démocratique doit se fonder sur la
distribution, la participation et la négociation ou la
coopération. La non distribution induit les acteurs à
récupérer leur pouvoir et à transformer les gouvernants en
simples sujets. Leur pouvoir devient inefficace puisque la base ne participe
pas.
La police comme la démocratie congolaise sont
naissantes, jeunes et vulnérables. Elles ont besoin d'une attention
particulière pour croître comme une rose qui a besoin de
l'entretien pour fleurir. Nous pensons avoir produit un savoir où les
concernés peuvent se mirer, s'y identifier et s'y reconnaître
à travers leur pratique. Elle nous a permis à nous
reconnaître et à stigmatiser que le chercheur est un
pèlerin voyageur à la découverte de nouvelles
connaissances. Il trottine, trainale, navigue, plane et chemine vers d'autres
horizons.....
Au terme de cette recherche dans les limites que nous nous
sommes imposées en la préparant, nous l'estimons
incomplète et imparfaite. Toutefois, elle ouvre d'autres pistes de
recherche que nous laissons aux opportunités éventuelles.
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