5.2. LA
« TREIZALITÉ »
Elle est un concept thématique tiré du jargon
policier appelé code de dix sous la dénomination
« dix-treize ». Cette dénomination produit le verbe
« treizer » qui veut dire capitaliser et la
« treizalité » ou la
« treizalisation » quant à elles désignent la
capitalisation.
Sur terrain, nous avons pu découvrir deux types et six
formes de « treizalité ». Par ailleurs, nous avons
aussi voulu savoir le degré de treizalité entre acteurs et aussi
au niveau de différentes polices.
5.2.1. Les
« types de treizalité »
5.2.1.1. La
« treizalité » horizontale
La « treizalité » horizontale est
celle qui s'opère à chaque niveau hiérarchique. Chaque
niveau hiérarchique est une instance de
« treizalité ».
1° La
« treizalité » de l'APJ,
· « Mbongo ya
plainte »
Il s'agit des frais de « plainte ».
Celle-ci est objet de monnayage comme nous l'avons indiqué dans le
deuxième chapitre. Le « client » qui se
présente à l'office de la police sans verser 2000 FC de
« plainte » équivalant à 4$ est une personne
non recevable. Toutefois, selon les circonstances du moment, les policiers
parfois enregistrent la plainte sans la « treizer »,
c'est-à-dire elle est enregistrée à titre gratuit
conformément à la loi. Ceci pour dire que « ya
plainte » est une perception sans base
« légale ». C'est une
« déviance » fonctionnelle. Il en est de même
de « ya makolo ».
· « Ya makolo »
Il désigne le frais de déplacement. Il est
perçu à titre de « ya makolo » (les jambes)
de policiers qui doivent se déplacer pour déposer la convocation
ou opérer le « mukwao » (arrestation) de l'auteur
impliqué.
· « Droit de
visite »
Pour visiter la personne en détention, il faut payer
500 FC en vue de causer avec lui. Il en est de même pour lui donner sa
nourriture. Celle-ci est aussi monnayée, sinon la personne
détenue est privée de la nourriture lui amenée par les
siens. Cependant, les policiers négocient le frais de visite et parfois,
ils n'exigent rien.
· « Ya Parking »
L'espace de la police est « treizable ».
Les différents véhicules de privés ou particuliers sont
parkés à la police pour le gardiennage nocturne dans le cadre de
la sécurité et le matin, les conducteurs les
récupèrent. Le parking est payable et le frais
s'élève à 500 FC ou 1 $ par véhicule et au cours
d'une nuit.
· « Les relations
publiques »
La police est un service d'intérêt public.
Pendant la journée ou pendant la nuit, les policiers entrent en contact
avec la population. Ils en profitent pour la « treizer » en
demandant l'argent pour la bière, la cigarette, le café, le
transport... En réalité, cet argent
« treizé » sert à la survie. Selon eux, ils
ne sont pas de mendiants, ils perçoivent de la population de l'argent
sous forme de relations publiques puisqu'ils sont gardiens de cette population
qu'ils sont censés protéger.
· « Ya
détachement »
Certains policiers sont détachés chez les
particuliers avec l'avale de leurs supérieurs et perçoivent leur
dû à la fin du mois. Le détachement est aussi objet de
treizalité puisque pour être détaché, il faut savoir
conjuguer le verbe manger au présent à la fois à la
première personne du singulier et du pluriel. C'est le commandant
détachant qui perçoit une somme supérieure qu'à
celle du détaché. En plus, celui-ci doit faire le rapport
à celui-là malgré sa part perçue par le
requérrant du service ou le gardé.
· « Le
millième »
A titre de rappel, le millième traduit les relations
sexuelles. Au lieu que la femme ou la fille impliquée donne le
« dix-vingt-cinq » l'argent aux policiers, un d'entre eux
peut solliciter de coucher avec elle. Au moment du partage, il lui sera retenu
une somme d'argent du profit des autres puisqu'il a déjà
bénéficié du millième au détriment de
l'équipe.
· « Le disappro »
C'est la fouille systématique d'une personne
trouvée suspecte. Il s'agit de la reverser les jambres en l'air et la
tête en bas pour que les contenus passent dans les poches des
policiers ; La personne qui a de la chance, les policiers lui demandent de
partager l'argent qu'elle possède. Parfois, les policiers prennent le
¾, ou la moitié. Certians se fient à la personne qui leur
donne selon sa volonté.
· Les « milambu »
C'est l'ensemble des frais que les policiers perçoivent
au regard de leurs différentes interventions. C'est dans ce contexte
qu'ils perçoivent le frais après l'arrangement à
l'amiable, le « tshitshani » ou le
« twishane » (comme d'habitude qu'on en termine ici au lieu
d'aller à l'office de police). C'est le phénomène
« coops » ou coopération qui traduit la
solidarité entre policiers et les concernés.
2° La « treizalité de
l'OPJ »
· Frais d'instruction du dossier
Ce sont les différentes perceptions qui rentrent dans
le cadre de l'instruction du dossier. C'est par exemple l'argent demandé
au requérant de la justice pour l'achat des papiers, bics, l'instruction
ou l'audition écrite...
· Frais de
« parking »
Nous l'avons déjà évoqué en
parlant de l'APJ qui « treize » l'espace extérieur.
L'OPJ perçoit l'argent du parking sous forme de rapport par l'APJ
gardien.
· Frais de transfert du dossier au
Parquet
L'administration de la justice n'est pas gratuite, elle exige
des frais. Pour transférer le dossier au Parquet, il faut le frais de
transport et les photocopies du dossier en six exemplaires. Les frais peuvent
s'élever à 5.000 FC, soit 10 $ U.S. que l'OPJ demande en lieu et
place de 2000 FC comme dépenses à effectuer.
· Frais de retrait de plainte ou de
désistement
Lorsque le requérant se ressaisit et désiste sur
sa propre volonté ou sous l'influence de l'impliqué qui lui
demande pardon, il doit désister par écrit et payer pas moins de
5.000 FC.
· Retrait de 10% sur toute somme
perçue
Tout dossier impliquant la remise de l'argent à
l'impliqué ou à l'auteur, l'OPJ retient pour sa part 10%. C'est
le cas de dommage et intérêt élevé à 100.000
FC, L'OPJ a droit à 10.000 FC
· Appropriation des biens saisis
Lorsque les biens sont saisis à titre de gage, l'OPJ
oblige au concerné de dresser un acte de reconnaissance en fixant un
délai pour le retrait et dans le cas contraire, les biens seront mis en
vente aux enchères ou déférés au Parquet. Si le
concerné ne s'exécute pas au temps convenu, l'OPJ se l'approprie
au lieu de les transférer au Parquet ou de les vendre aux
enchères.
· Amende transactionnelle
C'est l'ensemble des frais que l'OPJ perçoit pour
mettre fin à la poursuite judiciaire de l'impliqué. L'amende
transactionnelle se fait en nature ou en espèce. Elle est parfois
relationnisée comme pour dire : le maïs grillé peut
germer. L'OPJ mise sur le gain futur.
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