2.2.
« APJ magistrat »
Il ressort de cette recherche que l'OPJ, dans son exercice du
travail judiciaire, agit en acteur social pour aller au-delà de ce qui
lui est prescrit et s'érige au niveau du magistrat.
L' « OPJ » oeuvre dans le monde judiciaire par les
dispositions de la loi organique, celles du code de procédure
pénale et de l'ordonnance n°78/289 du 3 juillet 1978 relative
à l'attribution et à l'exercice des fonctions d'OPJ près
les juridictions de droit commun. (MUSEMA NGANGURA C., 2003 : 77-78)
Par ailleurs, à titre de rappel, avant d'exercer ses
fonctions d' « OPJ », il est tenu à prêter le
serment suivant devant le Procureur de la République de son
ressort :
« je jure fidélité au Président
de la République, obéissance à la Constitution et aux lois
de la République Démocratique du Congo, de remplir
fidèlement les fonctions qui me sont confiées et d'en rendre
loyalement compte à l'OMP (KAKESSE E. e t MBOMBA C., 2006 : 10)
Nous avons pu dénombrer dans le deuxième
chapitre comment l' « OPJ » transforme les affaires
« un-quatre » en affaire pénale et vice-versa. Il
s'agit des lois des « autres » non contextualisées
et inadaptées que l' « OPJ » tente de
réaménager en vue de l'adaptation contextuelle et
situationnelle.
A ce sujet, il ressort des entretiens ce qui suit :
« Que voulez-vous que je fasse ? s'exclame
l' « OPJ ». Un impliqué qui a une dette de 1000 $ et
disparaît dans la nature. Deux ans après, il
réapparaît. Sa fuite étant à craindre. Le plaignant
se saisit de lui et l'achemine à l'office : « mukimwache
tamoneya wapi ?» (si vous le laissez, je le verrai où ?)
puisqu'il a disparu pendant deux ans. Mon commandant, vous l'arrêtez pour
qu'il me remette dans mes droits et que vous bénéficiez aussi de
votre part pour le service rendu. L' »OPJ » s'investit,
arrête le concerné et l'oblige à s'acquitter. Il arrive que
sa famille intervient, verse la moitié du montant et laisse les biens de
valeur en gage. Ne voyez-vous pas qu'en agissant ainsi, je remets la victime
dans ses droits et les deux parties sont satisfaites et je contribue à
l'harmonie sociétale, conclut l'OPJ. »
Par ailleurs, au lieu de rendre compte loyalement de ses
activités judiciaires à l'officier du ministère public
conformément à la procédure, il clôture certains
dossiers à son niveau sans lui rendre compte.
Quoique l'article 9 du code de procédure pénale
lui reconnaît le pouvoir de proposer à l'impliqué l'amende
transactionnelle pour mettre fin à sa poursuite judiciaire, il
appartient au magistrat qui en dernier instance d'examiner l'opportunité
ou non de poursuite judiciaire. Cependant, dans la pratique, il clôture
le dossier et met fin à la poursuite judiciaire.
En effet, c'est le Ministère Public qui en
dernière instance décide de l'opportunité ou non de
poursuite, mais l'OPJ s'investit pour mettre fin aux poursuites judiciaires
sans tenir compte du fait que l'officier du Ministère Public peut
décider autrement.
Si l'OPJ assermenté se substitue en magistrat en
s'arrogeant de son pouvoir qu'il exerce au niveau de la police, l'APJ
s'investissant en « OPJ debout » s'institue
également en magistrat dans ce sens qu'après arrangement à
l'amiable, il érige un barrage contre la poursuite judiciaire. La
pratique exclut la peine puisque l'acteur n'a pas de cachot ni de prison. La
réussite de sa mission (arrangement à l'amiable) bloque
automatiquement la voie d'entrée dans le système pénal,
à moins qu'il y ait rebondissement.
L'essentiel de la pratique rentre ou répond aussi d'une
manière tacite à l'esprit du législateur qui, selon la
disposition de l'article 9 du code de procédure pénale
présentant la possibilité de clôturer certains dossiers au
niveau de la police et du tribunal par l'amende transactionnelle, avait voulu
désencombrer les tribunaux, éviter certains ennuis ainsi que la
discrimination aux impliqués et surtout éviter la charge
publique.
Ainsi, l' « OPJ debout et OPJ
assermenté » vont au-delà de l'article 9 alinéa
5 du décret du 6 août 1959 qui énonce que l'action publique
est éteinte, à moins que le ministère public en
décide autrement. Ce tandem d' « OPJ » se
reconnaît ce pouvoir de décider sur le sort de l'action publique.
C'est dans cette perspective que dans la pratique du travail judiciaire, ces
deux acteurs se substituent en magistrat.
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