1.1.2. « La main
dans le sac »
C'est une pratique qui s'opère surtout pendant la
tournée. C'est le cas de « flagrance ou réputée
comme telle » dans le jargon juridique. L'équipe arrête
un pic pocket ou « voleur à la tire » pendant la
tournée. Au lieu de l'acheminer à l'office, les policiers
s'investissent en OPJ pour restituer les biens soustraits au
propriétaire. Celui-ci à titre de reconnaissance, leur donne un
peu d'argent. Ils font semblant d'acheminer l'auteur impliqué à
l'office. Agissant en équipe, celle-ci intervient en payant l'argent aux
policiers pour obtenir sa libération.
« Nous sommes samedi du mois d'avril, vers
12 : 00 heures, l'APJ ILUNGA un fin policier se demande comment passer le
week-end pour nourrir sa famille. Il fait une tournée personnelle
contrairement au principe qui soutien l'action de masse ou d'équipe en
vue de mater toute situation éventuelle. Dans un endroit isolé,
il perçoit trois jeunes en train de jouer aux cartes. Le jeu de hasard
étant prohibé, il profite de l'occasion en les surprenant. Son
premier mouvement est de récupérer les cartes et l'argent mis en
compétition. Brusquement et rapidement, il arrête les trois
jeunes. Il les fouillent et récupère tous les contenus de leur
poche. Il les menotte et fait semblant de les acheminer à la police.
Chemin faisant, leurs amis interviennent en suppliant l'APJ ILUNGA à qui
ils versent 10.000 F.C.
Ce récit montre que, sous l'initiative personnelle, un
APJ peut s'instituer en OPJ lorsqu'il trouve un fait punissable par la loi
entrain de se commettre. C'est le « libaku » (la
chance) dans le langage policier.
1.1.3. « La
Garde »
C'est le poste de police ou le sous-commissariat. La pratique
s'opère pendant la nuit. « Bakonzi bakeyi, bakonzi
batikali » (les chefs partent, mais restent). L'expression
traduit la continuité du pouvoir. A l'absence du commandant en place,
c'est le chef de poste qui est le chef d'équipe qui gère les
plaintes la nuit et se transforment en commandant et par surcroît en OPJ.
Il verbalise sans papiers, ni bic, ni registre. Il est debout tout en terminant
le dossier. Parfois, si le bureau est resté ouvert, il l'utilise. Pour
mieux « treizer », ses coéquipiers l'appellent
circonstantiellement commandant et il occupe le bureau de l'OPJ.
Ainsi, il envoie les policiers procéder à des
arrestations, il juge les faits et clôturent le dossier à son
niveau, sauf le cas qu'il trouve « grave et
compliqué » ou celui qui est objet d'une rétention
sociale celui où la reportabilité sociale a une grande
visibilité, qu'il laisse au soin de ses supérieurs.
Par ailleurs, s'il traite le dossier et que l'impliqué
s'avère insolvable, dans ce cas, il l'écroue pour la disposition
du commandant. Il joue presque le rôle de l'officier de permanence avec
une manoeuvre d'appréciation.
A titre de rappel, les dossiers sont difficiles ou
compliqués selon les enjeux des acteurs. D'autres peuvent paraître
difficiles pour les réguler, mais trouvent solution auprès du
chef de poste qui s'investit en « OPJ debout » tel le cas
de « Muviolo » (viol).
« Agée de 13 ans,
« MICHOU », la fillette d'une certaine nommée
« MWABANA » a été victime d'abus sexuel par
« KABA » âgé de 18 ans avec qui, elle a des
relations de voisinage. Vers 17 : 00, à l'absence de leurs parents
respectifs, « KABA » appelle « MICHOU »
et couche avec elle dans leur toilette. Comme la maman de la fille est une
vendeuse au marché, elle rentre vers 19 : 00. En examinant
l'état de sa fille qui avait la fièvre et le mal au bas ventre,
profita pour l'interroger. La fillette relata les faits. Sous l'impulsion de la
colère, « MWABANA » pénétra dans la
parcelle de « KABA » pour le saisir et l'acheminera
à la police sans dialoguer avec les parents du garçon. Le chef de
poste perçut l'argent de la plainte et verbalisant oralement les deux
parties. Pendant qu'il écoutait la mère de la fillette, les
parent de « KABA » arrivèrent et demandèrent
au « commandant » qui est le chef de poste en substitution,
de leur accorder l'occasion de causer avec la mère de Michou. Comme les
deux parties étaient de même tribu et fréquentaient la
même église, elles trouvèrent opportune de retirer la
plainte pour s'arranger en famille. Toutefois, pour y arriver, le chef de poste
joua le rôle de médiateur en convaincant la partie victime
à accepter la négociation avec l'autre partie en vue de
réparer le fait tout en insistant qu'une fois le dossier au Parquet,
elle manquera la réparation et l'impliqué sera certes
transféré vers le grand monde pour y purger sa peine. De ce fait,
elle ne gagnera rien. En plus, sa fillette sera l'objet de publicité et
aura de difficulté de contracter le mariage puisque
désabusée sexuellement. Après réflexion, les deux
parties, sous l'instigation du chef de poste, parvinrent à un compromis
selon lequel, les parent de « KABA » doivent payer à
la famille de « MICHOU » 200 $, deux chèvres et une
pièce de wax CPA comme frais de réparation concernant la perte de
la virginité de la fillette. Comme les parents de l'auteur avaient assez
de moyens, ils verserent auprès de « MWABANA » 100 $
à titre d'acompte et le chef de poste et son équipe
bénéficiaient 50 $ en devise plus 10.000 à titre de
recompense. Ainsi, l'affaire se termina en « Kundelpain »
(en cachette), à l'insu du commandant ».
Cet exemple illustre bien la pratique de l'OPJ debout qui est
aussi à mesure de réguler certains faits dont la loi ne
prévoit pas l'amende et la seule issue du dossier est la prison
perçue selon la loi des autres, la peine dorsale ou le noyau dur, le
pivot central du Droit pénal. Ainsi donc, la limite de la pratique est
relative. Elle dépend des enjeux des acteurs et du pouvoir
d'appréciation du policier. C'est dans cette optique que nous rejoignons
la pensée de Jean Louis LOUBET BAYLE lorsqu'il analyse le pouvoir
d'appréciation policière qu'il stigmatise en ces termes :
« Une prise de décision qui n'est pas
strictement gouvernée par des règles légales, mais qui
comporte un élément significatif de jugement
personnel » (2006 : 210)
Nous épousons aussi la réflexion de Idelfonse
TSHINYAMA lorsqu'il écrit concernant les enjeux policiers :
« Dans l'application de la loi, tout
dépend des enjeux. Les acteurs chargés de sa mise en oeuvre,
notamment les policiers, apprécient et voient de quel côté
pèse la balance et agissent en conséquence. »
(2006 : 82)
C'est dans ce contexte que nous avons présenté
dans l'introduction le dossier OLALA contre monsieur Santos comme cas indicatif
et illustratif de la pratique de l' « OPJ debout ».
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