1.6. QUESTIONS DE RECHERCHE
La question centrale est le pivot de toute recherche.
Après l'avoir soumise à une analyse profondément
mûrie, nous avons retenu la question suivante comme question de
départ : « Quelles sont les relations entre
« OPJ » et « APJ » dans l'exercice du
travail de police judiciaire ? »
La problématique étant cernée, la
question centrale transformée, précisée et
prolongée en question de recherche, ci-après, il est
impérieux d'en envisager d'autres qui serviront de point d'ancrage
d'hypothèse. Comme il sera intéressant de décortiquer pour
découvrir sur base des données empiriques les
préoccupations suivantes :
1° Qu'est ce qui est nécessaire dans les
relations entre « OPJ » et « APJ » lors
de leur travail de police judiciaire ?
Le point capital de ces relations n'est pas visible, il est
difficilement observable puisqu'il se pratique dans l'ombre. C'est la pratique
de « Kundelpain »qui signifie en
« cachette ». Elle est le point d'ancrage de cette
recherche. Elle stigmatise l'organisation policière comme cadre
imparfait dont les acteurs modèlent et façonnent pour la
fonctionnalité. Sans elle, la machine policière bloque.
Elle surplombe l'organisation observable. Elle est
dénichée dans la sphère informelle qui s'avère
puissante et imposante malgré les contraintes de l'organisation
policière. Ce qui est important, ce n'est pas ce qui est visible, mais
ce qui est caché. La nuit est plus importante que le jour. Tout ce qui
se passe pendant le jour est une projection de ce qui se passe pendant la nuit.
Le jour, c'est l'ombre de la nuit. C'est de la nuit que découle le jour.
C'est comme la fondation et le mur. Celui-ci est visible et parait plus
important que celle-là.
Pourtant, cette apparence n'est qu'un leurre, un trompe oeil.
La fondation est invisible et plus essentielle que le mur puisqu'elle le
soutient. Sans elle, le mur ne résiste pas et peut s'écrouler.
Les deux se soutiennent pour former un édifice solide. S'ils ne se
soutiennent pas l'édifice est fragilisé.
L'essentiel est à dénicher dans la nature, les
enjeux du pouvoir ou règles du jeu, les ressources et stratégies
mobilisées à travers les relations internes et externes de deux
acteurs.
Dans une cohérence logique, ces concepts ciblés
trouveront réponses à travers le corpus de cette recherche en vue
d'éclairer l'essentiel qui s'inscrit dans la posture non prescrite comme
modèle de règlement des conflits dans le contrôle policier.
Ils demeurent des questions de recherche en veilleuse.
2° Quelles sont les pratiques qui naissent de ces
relations, les logiques qui les sous-tendent et les contradictions qui s'en
dégagent ?
Si des pratiques il y en a, nous visons l'essentiel de celle
dite « OPJ debout ». Elle suit la logique de
précarité et de la vulnérabilité sociétale.
Se trouvant au bas de la hiérarchie l' « OPJ
debout » est fragilisé par ses supérieurs en
commençant par l' « OPJ assis » s'il ne distribue
pas. Ce dernier subit les mêmes effets par ses supérieurs et
l'Etat qui ne distribuent pas. D'où le tandem « OPJ assis et
debout » s'institue à l'Etat pour se payer. C'est ainsi que
les deux acteurs mobilisent les sources et stratégies pour
répondre à leurs attentes.
Ce qui est essentiel, n'est pas le fait de capitaliser pour
les intérêts personnels à l'antipode de ceux de
l'organisation, mais c'est ce qui est derrière la capitalisation que
nous devons décortiquer.
Les contradictions qui en découlent permettent de
rendre compte la manière dont les acteurs légitiment leurs actes
non prescrits lors du travail judiciaire. Elles rendent comptent, en
paraphrasant MONJARDET D., et OCQUETEAU F., « ce que fait la police,
c'est ce que les policiers font et en font » (2004 : 75)
Elles permettent de fixer les intérêts, les
pesants, les limites du modèle non réglementaire de justice. Les
contradictions visent le non dit, le no perçu, c'est-à-dire les
significations et le sens des actes. A titre illustratif, les policiers disent
ou chantent : « oyo mosala te, oyo mosala te
bandeko » Ce qui se traduirait « La police n'est
pas un travail mes frères ».
L'idée exprime le travail pénible de la
police.
Si le travail était pénible, comment se fait-il
que le policier ne l'abandonne pas et continuent à travailler avec
zèle ?
La réponse « Esengo ekoya, ya bulo
yango » qui veut dire, « la joie du travail
viendra ». Cette joie et le travail zélé trouvent leur
impulsion dans les pratiques policières qui rentrent dans la
sphère informelle.
3° Comment ces relations influent-elles sur le
fonctionnement de la police judiciaire et quelles en sont les
différentes représentations par les acteurs eux-mêmes en
interaction avec la population ?
La question est très pertinente puisqu'elle nous
renvoie à saisir la police comme un modèle de justice à
deux sphères dont l'une est en « Kundelpain » et
l'autre visible. La police est une instance de justice, un
« tribunal » ou le champ normatif est diversifié.
Tout dépend du jeu des acteurs en présence pour
le recours à telle ou telle recette régulatrice :
pénale, sociale coutumière, habitus... Il n'y a pas que l'Etat
qui produit les normes, les acteurs en produisent aussi. Cette perspective,
nous a permis de souscrire à la grille criminologique de l'acteur social
que nous avons eu le loisir de cerner ses contours dans la phase
précédente.
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