II. DELIMITATION DU SUJET
La présente étude a eu lieu dans la ville de
Douala, plus précisément à l'hôpital Laquintinie
(HLD) et à l'African clinic (AC) ; de septembre 2006 à
juillet 2007. Nous avons opté pour l'HLD pour son emplacement dans la
ville. En fait, l'HLD est situé au centre de la ville de Douala et
constitue un pôle sanitaire attractif pour la population morbide (Eric de
Rosny, 1990). L'on remarque qu'une bonne partie de cette population a tendance
à converger vers cet hôpital. Ce qui entraîne une forte
demande en prestations sanitaires (DE Rosny E, op. cit.). Cette raison s'est
avérée non négligeable pour que nous nous décidions
de nous intéresser à cette structure médicale. En plus,
l'HLD semble souffrir d'une crise de bonne réputation que l'opinion
publique s'est forgée depuis des lustres sur lui.
En effet, pour certains, c'est un
hôpital « aide-moi à
mourir ». Pour d'autres, c'est un
« hôpital où il est difficile de se faire
soigner quand on n'a pas beaucoup d'argent, où on n'est pas bien
accueilli quand on n'est pas riche, ou qu'on ne paie
pas ». C'est dire que pour nombre de citadins de cette
aire urbaine, la norme dans cette institution médicale, c'est le
« fric » (Pascal KROP,
2003 : 15).
L'on comprend, dès lors, que la réputation dont
jouit cet hôpital dérive du type d'interactions que les malades et
leurs proches ont eu avec son personnel soignant. Aussi doit-on comprendre que
l'interaction médicale est au centre de la guérison et du type de
réputation que les individus en société donneront
à toute institution médicale. Ce qui fait dire à Sylvie
FAINZANG :
La relation médecin/malade est la clef de
voûte de la guérison. Plus elle est importante pour les deux
parties, mieux l'une et l'autre se porteront. Si seulement les prestataires de
soins l'avaient toujours en esprit, ils faciliteraient la guérison de
leurs patients. Très souvent, un simple sourire peut produire sur le
malade l'effet que tous les médicaments réunis ne peuvent pas. En
outre, la réputation sociale d'un soignant dépend en grande
partie de ses rapports avec ses patients. (S.
FAINZANG, 2006 : 18).
En outre, il convient de rappeler l'historique de l'HLD et de
l'AC depuis leurs créations respectives jusqu'à nos jours.
Disons d'entrée de jeu que l'HLD est l'une des plus
vieilles structures médicales du Cameroun et plus
particulièrement de la ville de Douala. Elle naît vers les
années 1920 à Bonamoudourou Deido sous la dénomination
« Hôpital indigène de
Douala ». Il a été successivement
déplacé à Bonadibong puis à Bonaminkengue dans le
canton Akwa. Dans les années 30, sa majesté le roi Betote Akwa,
fit détruire ses exploitations agricoles au bénéfice de la
santé des populations. Ce qui a facilité l'implantation du nouvel
hôpital « indigène » sur son cite actuel d'une
superficie de 09 hectares. Les premiers bâtiments du nouvel hôpital
sont construits entre 1931 et 1934. C'est à la fin 1941 que
l'hôpital « indigène » de Douala est
rebaptisé l'hôpital Laquintinie, en mémoire du
médecin, capitaine français, Jean Auguste LAQUINTINIE ;
chirurgien des hôpitaux des armées. Celui-ci est mort le 05 mars
1941 des suites d'une septicémie consécutive à un
éclat d'obus reçu lors de la bataille de Koufra pourtant
remportée par le Général LECLERC.
Au fil du temps, cet hôpital s'est acquitté avec
plus ou moins de bonheur de ses missions connaissant parfois des
périodes de crise. De nos jours, il compte 38 pavillons et emploie 579
personnes dont 64 médecins ( 36 spécialistes et 28
généralistes), 03 pharmaciens, 06 dentistes, 06 techniciens
supérieurs, 19 infirmiers principaux et sages-femmes, 81 infirmiers
diplômés d'Etat, 21 techniciens médicaux sanitaires, 95
infirmiers brevetés, 24 techniciens adjoints de laboratoires, 06 agents
d'appui techniques, 113 aides-soignants, 44 agents des services commun et
administratif, 08 contractuels et 88 temporaires ( Cf. annuaire de l'LHD,
2000).
Le personnel de cette structure est diversifié et
travaille en synergie pour satisfaire la demande en soins de santé.
C'est du moins ce qu'affirme le Directeur de cet hôpital, le Docteur
Jérémie SOLLE :
Le personnel en activité ici doit
travailler en collaboration. Sinon, cela aura des répercussions sur les
malades. On doit pouvoir former un bloc pour satisfaire notre clientèle.
Le véritable problème est celui des équipements. Ils ne
sont pas toujours à la pointe de l'innovation technologique
médicale. Mais je crois que nous nous efforçons de donner le
meilleur de nos possibilités ; et j'y veille, croyez-moi !
Cependant, n'oubliez pas que nous sommes en Afrique où tout ce qui se
rapporte au public présente toujours des lacunes et dysfonctionnements.
Mais depuis un certain temps, on assiste à une mue initiée par
mon prédécesseur dont je suis le continuateur. Tous nos usagers
s'accordent pour dire que l'hôpital Laquintinie présente un
nouveau visage » (entretien réalisé le
15 févier 2007 au bureau du directeur de
l'HLD).
Contrairement à l'HLD, l'AC est une formation sanitaire
qui fait dans la médecine tradi-naturelle africaine. Elle est bien plus
jeune que l'HLD et son personnel n'est pas aussi considérable et
diversifié comme l'HLD. L'AC est née en 2006 sous l'instigation
du groupement d'initiative commune (GIC) appelé PROPLAMETRAC. Ce GIC
ambitionne de revaloriser la médecine tradi-naturelle africaine via la
création de « cliniques traditionnelles » et la
promotion des recherches sur les plantes médicinales (D. LANTUM, op.
cit.). Son personnel n'est pas aussi nombreux que celui de l'HLD. Elle emploie
le « docteur » Tajoudine et deux aides-soignantes
chargées de l'accueil et de la réception des malades. Sa
superficie n'atteint pas 10 mètres carrés. De plus, il est
situé dans un quartier populeux ( Maképè- Maturité
face SIC Cacao). Son étroitesse n'empêche en rien sa
sollicitation. Nous en voulons pour preuve le fait que bien des patients s'y
rendent en journée. Bien plus, le docteur TAJOUDINE consulte ses
patients dans leurs domiciles (CELERIER I., 1995).
A cette délimitation spatiale de notre terrain
d'étude, s'ajoute une délimitation conceptuelle, factuelle et
théorique. Aussi, mettons-nous l'accent sur les notions de relation,
d'interaction, d'interrelation et de rapports dans le domaine de l'accès
à la santé tant dans la médecine naturelle africaine que
dans la médecine conventionnelle .C'est dire que nous circonscrivons
notre étude dans la sociologie interactionniste et
ethnométhodologique via une approche compréhensive (SCHUTZ
A.1959). Par ailleurs, il s'agit de cerner l'importance des relations
thérapeutiques dans ces deux formes de médecines. Le patient et
le traitant collaborent-ils ou alors, sommes-nous en présence de
réticences, d'abus, de brimades et de maltraitance des patients dans les
deux formes de médecines ?. En clair, il s'agit de nous attarder
sur la place réservée à l'être en tant que personne
souffrante dans les deux formes de médecines.
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