INTRODUCTION GENERALE
L'accès à la santé a toujours
été une question qui préoccupe les pouvoirs publics
africains en général et les populations camerounaises en
particulier. Les premiers s'attèlent à mettre à la
disposition des seconds des structures médicales, en lesquelles les
usagers trouverons satisfaction. En outre, l'on remarque que les prestations
sanitaires offertes aux patients sont diversifiées et relèvent de
la médecine moderne et conventionnelle d'une part, et d'autre part de la
médecine tradi-naturelle qui, elle- même, connaît des
mutations .
Disons d'emblée que la médecine conventionnelle
est celle qui est légalisée par l'Etat camerounais. En clair, il
s'agit de la médecine des hôpitaux. A l'inverse, ce que nous
appelons médecine tradi-naturelle doit être comprise comme
étant l'ensemble des connaissances et des pratiques sur la maladie, la
santé et les procédures élaborées par les
ancêtres et léguées aux jeunes générations
afin de soigner les pathologies qu'elles affrontent (O.M.S. ,2002). Ainsi l'on
remarque que l'offre en prestations de santé dans ces deux
médecines va grandissante, et qu'elles sont tout aussi bien
sollicitées par la population camerounaise. Aussi distinguons-nous dans
la médecine des hôpitaux, celle des hôpitaux publics, celle
des centres de santé intégrés (CSI), celle des
hôpitaux privés dans lesquels l'on retrouve les cabinets de
santé privés, les cliniques confessionnelles et celles à
but lucratif (SOCPA A. 1995).
L'espace médical camerounais est dès lors
multiforme et présente plusieurs visages (BENOIST J. 1996). Chaque
visage a sa particularité, ses logiques et ses réalités
qu'il nous incombe de mettre en relief en nous appesantissant sur la
médecine conventionnelle telle qu'elle est dispensée à
l'Hôpital Laquintinie de Douala. Nous porterons également un
regard sur la médecine naturelle telle qu'elle est pratiquée par
l'African Clinic de cette même ville. En clair, il est ici question de
passer au scanner les relations thérapeutiques aussi bien dans la
médecine naturelle que dans la médecine moderne (MBONJI E. 1993).
L'on comprend dès lors qu'il s'agit de rendre intelligible la perception
que les populations -morbide et saine- de la ville de Douala ont des structures
médicales, cela à travers le prisme des interactions qu'elles
ont eu avec le personnel soignant de celles-ci. Cette recherche s'inscrit dans
une approche empirico-inductive et vise à comparer les rapports
médicaux entre soignants et soignés dans les hôpitaux
à ceux existant entre patients et traitants dans les
« cliniques de médecine
traditionnelle » (HATTIER, 2006).
L'analyse des univers médicaux de l'une et l'autre
médecine va donc ponctuer l'évolution de ce travail. Le patient
et la place qu'on lui donne dans les deux médecines constituent
l'idée maîtresse et le fil conducteur de cette recherche. C'est
autour des interrelations entre soignants et soignés que portent les
analyses qui suivent. Le patient et son traitant sont des producteurs de
valeurs, de principes et de normes qui s'inscrivent dans le contexte d'une
ville de Douala où l'économique est sublimée. Ce qui, on
l'observe bien, ne va pas sans conséquences sur la relation
thérapeutique existant entre le patient et le traitant tant dans la
médecine des hôpitaux que dans la médicine tradi-naturelle
(HOURS B., 1985).
En conséquence, il est apparu que ce que pensent les
acteurs en présence dans la médecine conventionnelle et dans la
médecine naturelle moderne, a trait à l'humanisme, à la
sociabilité, à l'africanisme, à l'humanisme, bref à
tout ce qui se passe dans leur société. Les hôpitaux et/ou
les structures médicales doivent être perçus comme des
laboratoires où l'on peut analyser et interpréter nos
sociétés qui s'occidentalisent à un rythme
effréné. Etant donné qu'il s'agit ici d'une introduction
générale, c'est à dire d'un ensemble constitué de
plusieurs parties et sous parties alliant théories et méthodes
sociologiques choisies pour conduire cette recherche, celle-ci s'étend
donc sur une trentaine de pages. Ce qui nous amène à parler des
raisons du choix de notre sujet.
I- JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET
Le présent sujet qui porte sur
« La relation patient/traitant dans les médecines
conventionnelle et tradi-naturelle africaines : cas de l'hôpital
Laquintinie et de l'African clinic de Douala
(Cameroun) », fait l'objet de notre attention pour
plus d'une raison. Il nous semble judicieux de signaler que la médecine
des hôpitaux camerounais n'a pas beaucoup fait l'objet d'étude de
spécialistes des sciences humaines. Ceux-ci ont toujours
manifesté un vif intérêt pour des questions politique ( NGA
NDONGO V., 2003) ; urbaine (KENGNE FOUDOUOP, 2001), rurale (ELA J. M.,
1998) ; de développement (BEKOLO EBE B. , 2002),
d'éducation ( TSAFACK G. , 2000), etc.
Il s'en dégage une impression d'oubli de scruter les
milieux des hôpitaux camerounais. L'on note tout de même les
travaux des auteurs comme Daniel LANTUM, (1978) et MBONJI
Edjenguèlè (2000) ; NJIKAM Margaret (2002) qui
étudient les hôpitaux camerounais en général et la
médecine traditionnelle en particulier. Leurs productions scientifiques
relatives à l'étude de cette médecine sont
édifiantes et nous ont permis de revisiter l'ethnomédecine
africaine afin de l'ausculter.
Tout d'abord, les discours qui se tiennent sur l'une ou
l'autre médecine divergent. Parmi ceux qui ont eu à faire avec
les hôpitaux publics, l'on rencontre une bonne franche qui estime qu'une
bonne partie du personnel y est laxiste, négligeant et irresponsable
(DIAKITE T, 1989) . Ce sont les mêmes tares que l'on a relevées
lors des états généraux des hôpitaux publics
camerounais tenus du 12 au 13 juillet 2005 au Palais des congrès de
Yaoundé, sous le haut patronage du chef du gouvernement camerounais, en
la personne de M. INONI Ephrem, et du ministre de la Santé publique de
cette époque , M. Urbain OLANGUENA AWONO. L'on y a fait ,en quelque
sorte, l'autopsie de ces hôpitaux et les récriminations y
afférentes étaient les mêmes : négligence du
personnel soignant, prééminence de l'économique par
rapport au thérapeutique, inexistence du paquet minimum
d'activité, manque d'équipement, irresponsabilité
médicale ( MEYER P., 1993), la vétusté des
équipements et des infrastructures médicaux existant. Cela
s'observe même dans les hôpitaux de référence. Ce qui
fait mentir B. HOURS ( op. cit.) pour qui les hôpitaux de
référence ont toujours été mieux lotis au Cameroun.
Il affirme à cet effet :
Les hôpitaux des métropoles
provinciales sont mieux fournis. Quant à ceux des campagnes, ils n'ont
pas d'équipements encore moins des mesures d'accompagnement. Je suis
allé dans un hôpital des confins du centre Cameroun qui n'avait
jamais vu de médecins dans ses murs. Les populations nous ont
affirmé ne pas savoir ce que c'est qu'un infirmier. C'est l'une des
raisons pour lesquelles elles recourent toujours à la médecine
traditionnelle. En fait, les hôpitaux de l'arrière pays en Afrique
sont toujours des parents pauvres des politiques sanitaires
publiques. (op. cit. p.67).
En plus, il nous est apparu que dans les médecines
naturelle et conventionnelle, telles qu'elles se pratiquent au Cameroun, les
praticiens n'ont pas la même perception du patient et bien des
conditionnalités lui sont exigées quant il s'agit de le soigner-
surtout dans la médecine moderne des hôpitaux publics - ce qui ne
va pas, on l'imagine bien, sans conséquences sur la relation
thérapeutique qui naît dès l'arrivée de tout patient
à l'hôpital jusqu'à son traitement et à sa
guérison. Aussi, comprend-t-on, que la relation thérapeutique
existant entre le soignant et le malade dans la médecine des
hôpitaux publics, diffère de la relation médicale existant
entre le thérapeute et son patient dans la médecine
tradi-naturelle. Bien plus, l'une diffère de l'autre sur bien des points
que le Professeur D. LANTUM (op. cit.) a pris le soin d'énumérer.
Nous nous ferons une joie immense de les revisiter dans un chapitre
ultérieur.
Ensuite, en mars 2007, le Ministre de la santé publique
a rendue formelle la médecine tradi-naturelle au fin de
« l'associer » à la
médecine conventionnelle, laquelle est semble fortement
stigmatisée dans les colonnes des journaux. Ainsi, dans Cameroun Tribune
du 04 avril 2007, ETOA M. titre son
article « Cameroun, la médecine
traditionnelle se met en règle. ». De
même, dans Prisma international, SEUMO H.intitule le sien :
« Cameroun : un système sanitaire à
deux vitesses » (02 mars 2007). Dans Jade
Cameroun/Syfia international (avril 2007), Alexandre T. DJIMELI titre
également le sien : « Cameroun :
l'hôpital se fout de la charité ! »
La lecture de tous ces articles et de bien d'autres nous a
fait découvrir que l'hôpital public camerounais n'est plus
chaleureux, accueillant encore moins performant et humaniste. Ce qui donne
raison à Tidiane DIAKITE qui affirme :
C'est dans les hôpitaux publics africains
que se révèle en grande partie le mythe de la solidarité
africaine. On y tue les patients du fait de la négligence de
l'irresponsabilité, du manque d'argent, de l'amateurisme du personnel
soignant. Ce dernier ne s'intéresse qu'aux porte-monnaies des malades.
Ceux qui en ont sont bien traités tandis que ceux qui n'en ont pas sont
abandonnés ou mal traités ( DIAKITE T. , op. cit.
p.70).
Enfin, la médecine tradi-naturelle n'est pas exempte de
tout reproche en ceci qu'on y observe, avec la mercantilisation des moeurs
africaines, un regain de pseudo tradipraticiens qui ternissent la relation
patient/traitant. Aussi, parle-t-on de plus en plus de charlatans, de faux
guérisseurs, de marabouts, de magiciens, etc., qui n'hésitent pas
à extorquer de l'argent aux malades. Ce qui met à rude
épreuve, la crédibilité de cette forme de médecine
quand bien même elle serait « complète et
holistique » (MBONJI E., op. cit., p.75).
En somme, les motivations du choix de ce sujet tournent autour
des raisons ci-dessus évoquées. Retenons que l'une et l'autre
médecine rendent d'inappréciables services à la population
africaine en général et à celle du Cameroun notamment
à Douala en particulier. Seulement, la relation médicale existant
entre le soignant et le malade diffère selon que l'on est dans la
médecine conventionnelle ou dans la médecine naturelle
africaines. Si tant est que la relation médicale conditionne
l'accès à la santé, nous aimerions savoir si l'on en est
conscient dans les hôpitaux de Douala en général et
à l'hôpital Laquintinie en particulier tout autant qu'à
l'African clinic où nous avons effectué notre recherche.
|