SECTION 2 : LA RELATION EPARGNE-INVESTISSEMENT DANS
L'OPTIQUE FINANCIERE
Sur le plan théorique, la finance joue un rôle
important dans la relation entre épargne et investissement.
D'après les théories du développement financier, les
structures financières permettent la mobilisation de l'épargne et
son affectation vers l'investissement productif, tandis que les analyses
postkeynésiennes préconisent que le financement de
l'investissement soit rendu par création monétaire et
indépendamment de l'épargne des ménages.
Deux points sont traités. D'abord le premier point
traite du rôle de la finance dans la relation entre épargne et
investissement. Le second point porte sur l'analyse postkeynésienne de
la finance, épargne et investissement.
I-La finance dans la relation entre épargne et
investissement
Dans un premier temps, il sera question de présenter
les différents travaux sur le rôle de la finance dans la relation
entre épargne et investissement et dans un second temps l'impact de la
répression financière sur l'ajustement
épargne-investissement.
I-1-La finance comme instrument de canalisation de
l'épargne vers l'investissement
Les analyses traditionnelles d'inspiration néoclassique
du lien entre la sphère financière et la sphère
réelle préconisent l'épargne comme condition sine qua non
à un investissement productif et à une croissance
économique.
Gurley et Shaw (1955) insistent sur le canal du crédit
et plus particulièrement sur le rôle des banques dans l'offre de
fonds à l'activité économique. Ils énoncent que le
niveau de développement économique d'un pays est expliqué
par le niveau de développement du système financier. En effet,
lorsqu'elles sont efficaces, les banques permettent de mobiliser
l'épargne financière des agents à capacité de
financement pour l'affecter à des usages plus productifs exprimés
par les agents économiques en besoin de financement. En d'autres termes,
les banques assurent la transformation de l'épargne en investissements
productifs. Une économie où le taux d'épargne est
élevé peut avoir un taux de croissance faible si l'épargne
reste liquide ou mal allouée. Le développement financier ne doit
donc pas constituer seulement un instrument d'augmentation de l'épargne
financière, elle doit être un instrument
au service de la croissance économique. A cet
égard, les banques jouent un rôle déterminant dans
d'allocation optimale de l'épargne institutionnelle.
Pour Goldsmith (1969), ce sont la séparation des
décisions de consommation et d'investissement d'une part, et la
multiplicité des actifs financiers consécutive à la
création d'institutions financières d'autre part, qui conduisent
à un taux de croissance plus important de l'économie. Ces
conditions favorisent une amélioration de l'efficacité de
l'investissement grace à une allocation optimale de l'épargne
à l'investissement obtenue à partir du libre jeu du
marché.
Explicitement ou implicitement, on retrouve chez ces auteurs
précités l'idée qu'un système financier efficient
active la croissance économique tout en l'orientant. Pour eux, la
principale contribution du système financier à la croissance
économique repose sur le fait que ce dernier permet d'assurer le
fonctionnement d'un système de paiement efficace et évolutif, qui
mobilise l'épargne et améliore son affectation à
l'investissement grace aux taux d'intérêt réels
positifs.
L'hypothèse de l'épargne préalable est
également présentée dans les modèles de la
libéralisation financière développés par McKinnon
(1973) et Shaw (1973). Leur analyse vise donc à montrer que dans le
cadre d'une économie réprimée financièrement, la
fixation des taux d'intérêt en-dessous de leur valeur
d'équilibre réduit l'épargne (baisse des
dépôts bancaires) au profit de la consommation courante. Elle fixe
l'investissement au-dessous de son niveau optimal et détériore la
qualité de l'investissement réalisé dans la mesure
où les banques sont forcées par le gouvernement de financer des
projets à faibles rendements.
Dans ce contexte, libéraliser le secteur financier,
c'est à dire accroître le niveau des taux d'intérêt
réels servis sur les dépôts (par une augmentation des taux
nominaux ou par une baisse de l'inflation) va stimuler l'accumulation
d'encaisses monétaires (l'épargne) et donc permettre la
croissance de l'investissement. Cela devrait aussi permettre d'accroître
l'intermédiation bancaire; d'où une réduction des frais
d'intermédiation entre prêteurs et emprunteurs grâce
à la réalisation d'économies d'échelle, une
meilleure diversification du risque, un accès facilité des
emprunteurs aux fonds prêtables.
A la suite des théories de la libéralisation
financière, on a celle de l'approche fonctionnelle
de l'intermédiation financière qui considère aussi la
finance comme canalisateur de l'épargne vers l'investissement. Levine
(1997) considère que le développement financier affecte la
croissance par le biais de deux canaux :i) l'accumulation du
capital : en améliorant le taux de formation du capital et en agissant
sur le taux d'épargne ou par la réallocation de l'épargne
; ii) l'innovation technologique : par l'invention de nouveaux processus de
production, en agissant sur le taux d'innovation technologique. En
considérant le premier canal, le rôle de l'intermédiation
des banques et des marchés financiers, consiste à centraliser la
collecte et la mobilisation de l'épargne des agents à
capacité de financement pour l'allouer, de la manière la plus
optimale possible, au profit des entreprises cherchant à financer leurs
projets d'investissements.
En outre, certains auteurs de la croissance endogène
Kapur (1976), Mathieson (1979), etc. en mettant en évidence le
rôle de la finance, montrent que la répression financière
entraine la perte d'une partie de l'épargne au cours de sa
transformation en investissement.
|