II-2-Les développements empiriques sur le sens
de causalité entre épargne et investissement
Les théories de la croissance endogène depuis le
milieu des années 1980, principalement Lucas (1988), Romer (1990) et
Barro (1990) confirment l'idée que l'accumulation du capital physique
est le facteur clé de la croissance économique à long
terme. Bacha (1990) et Jacppelli et Pagano (1994) affirment également
que l'épargne contribue à l'augmentation de l'investissement et
de la croissance du PIB dans le court terme.
On peut citer d'abord Argion et Roldan (1994) qui ont
étudié la causalité entre épargne et investissement
intérieur dans les pays européens à partir des
données annuelles pour la période 1960-1988 et ont abouti
à une causalité découlant de l'épargne à
l'investissement sans aucun effet de rotation. Gordon (1995) trouve une
explication théorique à la causalité entre épargne
et investissement en explorant la dimension temporelle de la relation. Ainsi,
pour Gordon comme pour Harcourt et Sajic (1998), la causalité dans les
faits s'exerce de l'investissement vers l'épargne et non le contraire.
Ils confirment par conséquent les pensées
de Keynes et Kalecki. Dans le méme ordre d'idées,
Skott (1989), considère quant à lui, l'investissement comme la
variable clé.
Palley (1996) a utilisé un modèle VAR dans le
cas américain pour examiner la relation épargne-investissement.
La principale conclusion est que l'investissement cause l'épargne. Selon
cet auteur les dépenses d'investissement entrainent une augmentation
à la fois de l'épargne privée et publique. En outre,
l'augmentation de l'épargne privée effective a un effet
négatif sur l'investissement et l'épargne publique.
L'augmentation de l'épargne publique n'a aucun effet sur les
dépenses d'investissement. Il a proposé que les politiques visant
à augmenter l'épargne privée et publique ne sont pas
susceptibles d'accroitre les investissements et peuvent entrainer des tensions
inflationnistes.
Apergis et Tsoulfidis (1997) ont utilisé un
modèle à correction d'erreur pour étudier la
cointégration entre épargne et investissement de quatorze pays de
l'Union Européenne. Ils ont constaté que l'épargne et
l'investissement sont cointégrés ; ce qui signifie que la
mobilité du capital n'est pas aussi élevée, méme
après que le déménagement vers l'intégration
économique en Europe ait pris de l'ampleur. L'étude conclut
également que l'épargne cause l'investissement en utilisant un
vecteur à correction d'erreur de type Granger.
Hui Boon (2000) a étudié la relation et la
causalité entre épargne et investissement dans les pays de l'Asie
du sud Est. Les résultats ne montrent aucun effet à court terme
de causalité allant de l'épargne à l'investissement pour
tous les pays, sauf pour le Singapour. L'effet causal est en cours
d'exécution de l'investissement à l'épargne pour le cas de
l'Indonésie et de la Thaïlande. Pour le cas de la Malaisie et les
Philippines, il n'y a pas de causalité entre l'épargne et
l'investissement. Il montre enfin que l'absence de causalité à
court terme ou en cours d'exécution de l'épargne à
l'investissement implique un degré élevé de
mobilité internationale des capitaux à court terme dans la
région.
Greenidge et al. (2004) aboutissent dans le cas
latino-américain et caribéen au résultat que la
causalité va dans plusieurs directions selon les pays. En outre, ils
n'arrivent pas à l'évidence empirique que le niveau de
développement financier influence ladite causalité entre
épargne et investissement intérieurs dans les régions
analysées. Kasuga (2004) analyse la causalité en utilisant des
données en coupe transversale et conclu que l'impact de l'épargne
sur l'investissement dépend des systèmes financiers et leur
niveau de développement.
Les études sur le sens de causalité entre
épargne et investissement consacrées au cas des pays africains
sont relativement rares. On a principalement celle de Elbadawi et Mwega (2000).
Ils concluent à une causalité du taux d'épargne
intérieure vers le taux d'investissement domestique dans les pays
d'Afrique Sub-saharienne en utilisant la causalité à la Granger
(1969), à la différence de Agbetsiafa (2002) qui fait recours aux
tests de causalité de Granger (1988) sur VECM dans les pays comme la
Côte d'Ivoire, le Nigeria, l'Afrique du sud, la Zambie et le Kenya. La
causalité est partout de l'épargne vers l'investissement, sauf en
Afrique du sud où prévaut une causalité bidirectionnelle
entre épargne et investissement intérieurs.
On a ensuite Ebeke (2006) qui a étudié la
causalité entre épargne et investissement en zone CEMAC en
prenant en compte le niveau de développement financier. Il montre qu'il
y a une hétérogénéité dans la
causalité entre épargne et investissement dans cette zone et cela
est dû à l'hétérogénéité du
niveau de développement financier. Il aboutit à la conclusion que
lorsque le niveau de développement financier est élevé,
l'épargne cause l'investissement (Cameroun, Congo, Gabon) à court
et à long terme et lorsque le niveau de développement financier
est faible c'est l'investissement qui cause l'épargne (Tchad et
République Centrafricaine).
Enfin Esso et Keho (2010) ont étudié la relation
épargne-investissement en zone UEMOA en utilisant le test de
cointégration proposé par Pesaran et al. (2001) et le test de
causalité de Granger de Toda et Yamamoto (1995). Les résultats
montrent que le Benin, la Côte d'Ivoire et le Niger sont
caractérisés par un degré de mobilité faible du
capital. Pour les quatre autres pays (Burkina, mali, Sénégal,
Togo), l'investissement n'est pas lié à l'épargne
intérieure. Cela implique que la majeure partie de l'investissement dans
ces pays n'est pas financé par l'épargne intérieure mais
par l'épargne étrangère. L'étude a souffert d'une
limite dans la mesure où elle ne prend pas en compte le système
financier car celui-ci est le principal canal de transmission de
l'épargne à l'investissement.
Outre la corrélation et la causalité, la
relation épargne-investissement peut être analysée dans le
cadre des unions économiques et monétaires.
L'hétérogénéité de la relation
épargneinvestissement au sein d'une union est susceptible
d'éclairer, d'après les travaux récents Tricoire (2005),
sur la manière dont l'intégration économique se manifeste
dans une zone considérée.
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