II-Les études empiriques sur la relation
épargne-investissement
La littérature empirique a porté essentiellement
sur la corrélation entre l'épargne et l'investissement afin
d'évaluer le degré d'intégration du marché
financier international. Dans une économie ouverte, l'association entre
épargne et investissement dépend du degré de
mobilité du capital. En principe, si le capital est parfaitement mobile,
les investisseurs s'intéressent uniquement aux taux de rendement sur
leurs investissements quel que soit le pays. Ainsi, l'augmentation de
l'épargne intérieure ne se traduit pas nécessairement par
des investissements plus importants, mais par un excédent du compte
courant. De plus, si la mobilité des capitaux internationaux est
limitée, une augmentation de l'épargne intérieure aura
tendance à stimuler l'investissement intérieur. Les études
sur la corrélation sont d'abord présentées et suivent
celles de la causalité.
II-1-Les développements sur la
corrélation entre épargne et investissement
La corrélation entre l'épargne et
l'investissement a d'abord été présentée comme un
critère fondé sur la quantité d'évaluation de la
mobilité internationale des capitaux par Feldstein et Horioka (1980). En
effet, ils partent de l'hypothèse qu'en situation de parfaite
mobilité, les capitaux devraient se déplacer là où
le taux de rendement apparaît le plus élevé et qu'en
conséquence le taux d'investissement domestique d'un pays devrait
être totalement non corrélé avec son taux d'épargne.
Dans leur étude en coupe transversale sur des données relatives
à 16 des pays membres de l'OCDE entre 1960 et 1974, ils
régressent le taux d'investissement sur le taux d'épargne et
obtiennent des estimateurs très proches de l'unité pour le
coefficient du taux d'épargne. Ils analysent ce résultat comme la
preuve d'un faible degré d'intégration financière alors
méme que la libre circulation des capitaux était tenue comme
acquise dans la plupart de ces pays. Ce résultat signifie en plus que
les pays les plus développés ne bénéficient pas de,
ou en tous cas ne participent pas à l'intégration internationale,
de telle façon que leur épargne nationale contraint leur
investissement.
Feldstein (1994) a par la suite montré que même
si les obstacles réglementaires ont diminué, les
détenteurs de capitaux préfèrent conserver
l'épargne dans leur pays d'origine pour se prémunir contre le
risque de change et le risque politique, toutes choses égales par
ailleurs. L'épargne nationale reste donc dans son pays et
l'investissement intérieur s'accroît. L'interprétation que
donnent les auteurs de la corrélation en termes de mobilité
réduite des capitaux a été contestée en invoquant
diverses raisons.
Selon Obsefeld (1986), l'hypothèse proposée par
Feldstein et Horioka (1980) ne fonctionne que pour les petites économies
ouvertes. Pour une grande économie ouverte comme celle des Etats Unis,
l'épargne et l'investissement intérieurs pourraient aller
ensemble, même si le marché international des capitaux a
parfaitement fonctionné. Cela est d? au fait qu'une grande
économie pourrait influer sur le taux d'intérêt réel
mondial. Pour un pays suffisamment grand, dans les conditions d'une plus grande
intégration des marchés financiers mondiaux, une baisse de
l'épargne internationale pourrait conduire à la fois en baisse
les taux d'intérêt nationaux et internationaux et évincer
les investissements partout dans le monde. Il serait donc erroné de
tirer une conclusion qu'une forte corrélation entre épargne et
investissement implique une faible mobilité des capitaux.
Tobin (1983) et Murphy (1984) dans le même sens
qu'Obsefeld (1986) plaident aussi pour un effet de taille : les variations
exogènes de l'épargne dans les grands pays peuvent influer sur le
taux d'intérêt mondial et donc l'investissement ; conduisant
à une co-circulation de l'épargne et l'investissement. En outre,
les grands pays sont en général plus fermés et les chocs
régionaux sont plus susceptibles d'être absorbés au plan
international.
Summers et al. (1988) ont construit des modèles dans
lesquels il y a une parfaite mobilité des capitaux, mais où
l'investissement et l'épargne sont corrélés en raison des
perturbations qui affectent l'économie, par exemple la croissance
démographique et les chocs de productivité.
D'autres analyses s'appuient sur les flux internationaux des
capitaux et les politiques économiques qui entrainent une forte
corrélation entre l'épargne et l'investissement. Dooley et
al. (1987) ; Isaksson (2001) qui expliquent le
résultat de forte corrélation par l'aide étrangère
tandis que Wong (1990) montre que la taille du secteur des biens non
échangeables peut expliquer la corrélation.
Bayoumi (1990), Artis et Bayoumi (1991) et McClure (1994) ont
quant à eux montré que la corrélation positive peut
être due au ciblage des comptes courants par le gouvernement. A leur
avis, les gouvernements imposent des contraintes sur les flux
transfrontaliers des capitaux lorsque le déficit (ou excédent) du
compte courant dépasse un niveau prédéterminé. Les
gouvernements peuvent aussi influer sur le compte courant en ajustant le taux
d'épargne et d'investissement du secteur public pour compenser
l'écart entre l'épargne et l'investissement privé.
Enfin, Miller (1988) en utilisant les données en
séries chronologiques pour la période 1946 à 1987, a
constaté que dans le cas des Etats Unis que le taux d'épargne et
le taux d'investissement sont cointégrés pour les données
antérieures à 1971 (période de taux de change fixes), mais
pas pour cointégrées pour la période qui suit 1971. Baxter
et Crucini (1993) qui constatent que les petits pays de l'OCDE
ou les pays en développement présentent une mobilité de
capital plus accrue que les grands pays. Mamingi (1997) a estimé la
entre l'épargne et l'investissement pour cinquante huit pays en
développement et évalué le degré de mobilité
du capital dans le sens de Feldstein-Horioka (1980) pour ces pays en
développement. Il a constaté que la relation entre épargne
et investissement dans les pays à revenu intermédiaire a tendance
à être faible à celle des pays à revenu faible.
Levy (1998) quant à lui, a examiné la relation
à court terme et à long terme et a trouvé la preuve de la
forte corrélation en faveur du long terme et la relation cyclique entre
épargneinvestissement. Cette étude a également
révélé une forte corrélation entre l'épargne
et l'investissement dans la période post-guerre que durant la
période de l'avant guerre. Jansen (1998) estime que la
corrélation entre l'épargne et l'investissement à long
terme est déterminée par un ou plusieurs de ces facteurs :
mobilité limitée des capitaux, ciblage du compte courant par le
gouvernement, contrainte temporelle inter budgétaire à court
terme etc. En outre l'étude montre que la corrélation à
court terme semble varier d'un pays à l'autre et est
déterminée par les cycles d'affaires spécifiques du
pays.
Une autre interprétation des résultats de
Feldstein et Horioka s'est imposée récemment avec Corbin (2001).
Ce dernier, en utilisant trois différentes procédures
d'estimation des données de panel et un groupe de 10 pays de l'OCDE sur
la période 1985-1992, confirme dans son étude qu'un coefficient
élevé de l'épargne n'est pas dü à la faiblesse
de la mobilité des capitaux mais plutôt aux
spécificités individuelles des pays en question.
Ang (2009) quant à lui a examiné la dynamique de
la relation entre épargne et investissement intérieurs en Inde
au cours de la période 1950-2005 en contrôlant le niveau de
libéralisation financière a l'aide d'un modèle
Vectoriel Autorégressif (VAR). Les résultats indiquent qu'une
plus grande libéralisation financière permet de
mobiliser davantage de ressources internes pour être acheminées
vers les activités d'investissement.
Cependant la plupart de ces travaux ont été
menés dans les pays développés et ceux de l'Asie. La
majorité des investigations économétriques ont
été effectuées avec des modèles de panel et en
coupe transversale, ce qui impose une homogénéité
transversale sur les coefficients qui, en réalité, peuvent varier
en raison des différences de structures institutionnelles, sociales et
économiques. En effet, lorsque le panel est considéré dans
sa globalité, les hétérogénéités ne
sont pas suffisamment bien décrites par les effets fixes et peuvent
entrainer un biais d'estimation lorsque celle-ci porte sur la totalité
de l'échantillon Jansen (1988) et Jansen (1991). En plus, ces
études n'ont pas pris en compte la dynamique de long terme alors que la
plupart des variables macroéconomiques sont non stationnaires à
niveau Nelson et Ploser (1982). Jansen (1997) affirme que « la
cointégration détruit le contenu informatif de l'analyse de
Feldstein et Horioka ».
Enfin ces études n'ont pas pu trancher le débat
entre le rôle de l'épargne dans la croissance économique
car elles n'ont étudié que le sens de la causalité entre
épargne et investissement et ne tranche pas le débat sur le
rôle de l'épargne.
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